Rozette Yssouf parmi les 52 nouveaux talents de l’Outre-mer 2021

Ce jeudi 15 septembre au musée du Quai Branly – Jacques Chirac, à Paris, le comité d’action sociale en faveur des originaires des départements d’Outre-mer en métropole a décerné le diplôme « Talent de l’Outre-mer 2021 » à trois Mahorais*, dont la psychologue et écrivaine Rozette Yssouf. L’occasion pour elle de revenir sur ses combats pour prévenir toutes les formes de violences, mais aussi pour accompagner les enfants abandonnés.

Flash Infos : Ce jeudi 15 septembre, vous avez reçu le prix « Talent de l’Outre-mer 2021 » pour votre excellence et votre parcours méritoire par le comité d’action sociale en faveurs des originaires des départements d’Outre-mer en métropole (CASODOM) ? Que vous inspire cette récompense et que vous rapporte-t-elle ?

Rozette Yssouf : Cela m’inspire une belle récompense de tout le chemin parcouru jusqu’à maintenant ! Je suis partie de très loin, d’abord en étant une mauvaise élève ayant appris à lire très tardivement – vers la classe de CE2, CM1 – à une diplômée de troisième cycle (doctorat). Ce qui prouve que tout est possible, qu’il faut persévérer : tôt ou tard le travail finit par payer. J’ai fait du mieux que j’ai pu pour faire de bonnes études malgré mes origines modestes et malgré le fait que j’ai été élevée par une mère célibataire et que j’ai manqué d’une image paternelle stable.

Être devenue un talent de l’Outre-mer est une opportunité d’en inspirer plus d’un, car mon parcours est atypique et semble réellement « exceptionnel ».

FI : Quelles raisons vous ont poussée à déposer votre candidature ?

R.Y. : Je pense que c’était un défi. Je me suis dit : « Pourquoi pas ? Qui ne tente rien n’a rien ! » et j’étais arrivée à un stade de ma vie où je n’avais plus rien à prouver. J’ai fait du mieux que je pouvais et j’ai réussi à dépasser mes limites, en allant jusqu’au bout de mes rêves même s’il me reste tant à faire, tant à produire et tant à découvrir.

FI : En tant que psychologue clinicienne, vous souhaitez sensibiliser et prévenir de toutes les formes de violences causées aux femmes en particulier et à l’être humain en général. Ce sujet est d’autant plus d’actualité que le 101ème département est actuellement confronté à une vague d’insécurité qui a poussé les maires à fermer les écoles et les administrations publiques en fin de semaine… Pourquoi selon vous ni l’État ni les élus locaux n’arrivent à enrayer ce phénomène qui gangrène l’île aux parfums ?

R.Y. : En effet, c’est l’un de mes plus grands combats : les violences sous toutes ces formes qui ont un impact considérable sur la santé mentale car cela développe des traumatismes graves et difficiles à soigner dans le temps.

Oui, j’ai pu observer qu’en ce moment les violences sont récurrentes à Mayotte jusqu’à la décision des élus de fermer les écoles, etc. La lutte contre l’insécurité s’avère être un enjeu majeur tant au niveau de Mayotte que dans les autres territoires de l’Outre-mer et l’Hexagone. Est-ce à l’État, seul, de trouver les solutions ? Ne faudrait-il pas mettre en place un travail collectif local entre les institutions, les associations, les familles et les jeunes pour identifier des mesures concrètes afin de lutter contre cette insécurité quasi quotidienne ?

Du point de vue personnel, derrière ces violences, se cachent beaucoup de souffrances psychiques ! Peut-être qu’il serait temps de s’en préoccuper et de réfléchir à des dispositifs d’accompagnement individuel et de groupe pour contenir tout ce mal-être palpable, qui semble s’exprimer surtout par la violence. Et si on mettait des mots à ces maux pour mieux les contenir et réguler à court, moyen et long terme. D’accord pour déployer les militaires et les forces de l’ordre et pour installer des caméras pour nous sécuriser, mais mettons-nous des moyens de sensibilisation et de prévention pour calmer ces tensions et ces souffrances aussi bien individuelles que collectives ?

FI : Cela rejoint également votre idée selon laquelle il faut aider les enfants à grandir dans un bon environnement même s’ils ont été abandonnés et les accompagner à devenir des adultes sains et stables dans leur vie. Or, le nombre de mineurs isolés ne cesse d’augmenter d’une année sur l’autre. Difficile dans ces conditions de ne pas tomber dans l’oisiveté et la délinquance juvénile…

R.Y. : Très certainement, le problème des mineurs isolés est à prendre très au sérieux. Il n’y a pas assez de structures pour les accompagner, pas assez d’écoles pour les scolariser, pas assez de familles d’accueil pour les accueillir et les aider à grandir dans de bonnes conditions. Et puis politiquement c’est compliqué, il ne faut pas trop en faire pour [les] protéger de peur de favoriser plus d’immigration, c’est un cercle vicieux qui n’en finit pas… Et même pour les jeunes qui arrivent à obtenir le bac, ils ne peuvent pas continuer leurs études faute de papiers et de visas ! C’est délicat de résoudre tous ces problèmes, il y en a tellement et de tous les côtés que nous ne savons pas par où commencer et en plus, il faut faire attention à ne pas heurter les sensibilités des uns et des autres.

Les enfants ont besoin de nourritures, de soins et d’affection pour bien grandir et ne pas être incité à prendre le mauvais chemin ni à commettre des délits et des crimes. Que fait-on aujourd’hui à Mayotte pour aider [ceux] qui se retrouvent paumés, en perte de repères, délaissés ou abandonnés ? Qu’attend-on d’eux ? Qu’ils deviennent les meilleurs êtres humains du monde ?

Encore une fois, la violence est aussi une expression d’un mal-être profond : sommes-nous conscients de cela à Mayotte ? Je n’en suis pas si sûr… Autrement, c’est pour cela que je suis passionnée par l’écriture, parce qu’elle est pour moi thérapeutique, elle m’aide à m’exprimer et à apaiser tous ces maux en manque de mots et qui font terriblement mal en tant qu’être humain.

* Les deux autres Mahorais récompensés sont Youmna Mouhamad, fondatrice-gérante de la marque Nyfasi Deluxe Detangler, et Kateb Zainouddini, ingénieur conseil et consultant.

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