Élu à la mairie de Mamoudzou et conseiller départemental, Elyassir Manroufou a participé du 6 au 8 septembre aux journées Interco’Outre-mer qui se sont déroulées à Chalon-sur-Saône pour échanger sur les capacités et le pouvoir d’agir des intercommunalités ultramarines à l’aune des transformations des territoires.
Flash Infos : Que retenez-vous de ce séminaire au cours duquel différents thèmes tels que la transition écologique et énergétique, l’urbanisme, l’enjeu foncier et les risques naturels ont été abordés ?
Elyassir Manroufou : Indépendamment de l’assemblée générale d’Interco’Outre-mer, ça a commencé par la présentation par Teddy Bernadotte, chargé d’enseignement, d’une étude intitulée « Bâtir ensemble le nouveau modèle sociétal, social et écologique de nos territoire ». Vous savez, l’organisation et le fonctionnement des collectivités territoriales sont constamment transformés par les différentes réformes (loi RCT, MAPTAM, NOTRe, Engagement et proximité, loi Climat, loi 3DS)… Il y a des changements et des adaptations à faire à chaque législation ! Par exemple, nous sommes fortement impactés par la loi Climat à Mayotte et nous devons trouver nos particularités avec la loi 3DS (différenciation territoriale, décentralisation, déconcentration et simplification de l’action publique locale).
Avec la plateforme de réflexions et de propositions sur le foncier en Outre-mer lancée en décembre dernier, l’idée est que notre association qui réunit 80% des intercommunalités ultramarines puisse servir de support de communication et de relais de communication auprès du gouvernement pour uniformiser l’ensemble de ces dispositifs.
FI : En tant qu’élu référent de cette fameuse plateforme, vous avez eu l’occasion de partager votre constat sur la particularité de Mayotte…
E.M. : Effectivement, au cours de mon intervention, j’ai pu insister sur la spécificité mahoraise auprès de mes collègues et des agents des services de l’État. Même si nous échangeons régulièrement avec Paris, nous avons l’impression de devoir inlassablement leur répéter nos particularités ! À savoir que nous vivons sur un bout de terre de 374 kilomètres carrés où la moitié des villes sont côtières. Nous sommes par conséquent complètement concernés par les questions de submersion marine et de risques naturels. Face à cela, les solutions apportées ne permettent pas à la population d’être résiliente.
Nous ne vivons pas la même notion du risque qu’en Martinique ou ailleurs, des territoires qui sont davantage habitués aux tempêtes et aux cyclones quasi-quotidiens… Ici, nous commençons seulement à en prendre conscience depuis la découverte du volcan sous-marin. Mais encore une fois, nous nous approprions cette gestion de manière différente. Exemple : on nous explique que l’île s’est affaissée de 77 centimètres et pourtant, on continue d’aménager le littoral comme si de rien n’était !
FI : Que proposez-vous pour faire évoluer les mentalités ?
E.M. : Les plans locaux d’urbanisme intercommunal et le futur schéma d’aménagement régional doivent être appropriés. Nous avons une marge très limitée entre les fonciers agricole et habitable. Dommage que l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte n’ait pas pu être présent. En tant que porteur de projets des opérations d’intérêt national telles que les résorptions de l’habitat insalubre ou les zones d’aménagement concerté, il va bénéficier d’une enveloppe de 350 millions d’euros au cours des cinq prochaines années. Malheureusement, j’ai des doutes sur sa volonté de partager ses ambitions et de discuter avec les habitants et les élus…
FI : Pour quelles raisons les pouvoirs publics mettent-ils autant de temps à prendre ces problématiques, notamment la transition écologique qui ne date pas d’hier, à bras-le-corps ? Pourquoi ne pas faire de ces territoires ultramarins, Mayotte en tête, des laboratoires expérimentaux ?
E.M. : Depuis ces deux dernières années, je trouve que la posture des scientifiques évolue à l’égard de Mayotte, notamment avec l’apparition du volcan sous-marin qui redistribue les cartes et tourne davantage les têtes en notre direction. Il y a quand même un engouement et un intérêt particulier qui s’installent.
Par contre, nous ne sommes pas logés à la même enseigne lorsqu’il s’agit de transition énergétique dans la mesure où les dispositifs en métropole pour l’accélérer ne sont pas (tous) accessibles dans les Outre-mer… Mais bon, cela n’excuse pas tout : nous avons encore du mal à nous approprier les outils existants. Seulement deux intercommunalités, la communauté d’agglomération de Dembéni-Mamoudzou et la communauté de communes de Petite-Terre, ont signé le plan climat-air-énergie territorial pour mener des projets en lien avec l’écologie. Il faut se dire clairement les choses : en termes d’ingénierie et de formation, nous avons un train de retard.
Et à titre plus individuel, cela peut se comprendre que ces enjeux ne soient pas une priorité ! Plus de 70% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Les conditions précaires dans lesquelles vivent une grande partie des habitants les obligent à survivre avant tout plutôt que de penser à l’environnement et aux risques naturels. Même si nous essayons de mettre en place un certain nombre d’actions, nous restons le département le plus pauvre de France. Ne l’oublions pas…