Fondatrice de l’association Endo Mayotte, Abouchirou Mattoir a transformé sa maladie en une cause noble qu’elle défend bec et ongles. Atteinte d’endométriose, la jeune femme a dû se confronter à une société où ce mal est encore méconnu. Celles qui en souffrent sont parfois incomprises et ne reçoivent pas forcément le suivi qui leur convient. Pour remédier à cela, Abouchirou Mattoir a décidé de venir en aide aux malades mahoraises, et ce, quoi qu’il en coûte.
Aussi longtemps qu’elle s’en souvienne, Abouchirou Mattoir a toujours eu des règles douloureuses, mais elle ne s’est jamais inquiétée car « ma mère me disait que c’était normal d’avoir mal et que ça passerait une fois que je serai mariée », raconte-t-elle. Un discours que tiennent quasiment toutes les femmes de l’île de l’ancienne génération. Pourtant, en grandissant, l’adolescente qu’elle était se rend bien compte que ce n’est finalement pas si normal que ça puisque toutes les femmes ne souffrent pas lorsqu’elles ont leurs menstruations. Mais elle ne fait rien, et continue à vivre avec des maux de ventre et des vomissements au moins une fois par mois. C’est à l’âge adulte, une fois en métropole, qu’elle décide de prendre les choses en main, en consultant un médecin. Le diagnostic tombe et il est sans appel. Abouchirou est atteinte d’endométriose. « Je ne savais pas ce que c’était. Le docteur m’a expliqué mais tout ce que j’ai retenu c’est que je risquais d’être infertile », se souvient-elle. La peur l’envahit, ainsi que le déni, refusant dans un premier temps d’accepter son sort. Mais elle finit par se raisonner, commence à se renseigner et entame un traitement. Il ne la guérira pas complètement puisqu’il s’agit d’une maladie chronique, mais il lui permet de soulager sa douleur.
Elle décide finalement de rentrer à Mayotte et très vite, elle se rend compte que la maladie est complètement méconnue sur l’île. « Même certains médecins qui sont sur le territoire n’ont pas connaissance de tous ses aspects », affirme-t-elle. La jeune femme en a fait les frais puisque lorsqu’elle part voir une gynécologue pour renouveler son traitement, cette dernière lui dit que ce n’est pas nécessaire, car elle n’a pas d’endométriose. Un mauvais diagnostic qui a des conséquences sur elle. « Je n’ai pas pu continuer le traitement que je suivais depuis le début alors que je suis toujours malade. Aujourd’hui, je suis obligée de tout reprendre à zéro. » C’est pour éviter ce genre de situation qu’elle décide il y a trois mois de créer son association, Endo Mayotte, pour aider les Mahoraises qui en ont besoin.
Rendre visible la maladie
Son long parcours personnel, semé d’embuches, l’a incitée à s’engager dans le monde associatif. L’un de ses principaux objectifs est de permettre aux femmes qui souffrent d’avoir un traitement adapté. Pour cela, elle travaille en collaboration avec l’association Karukera Endométriose, qui se trouve en Guadeloupe. Elle la mettra en contact avec les médecins spécialistes de ce problème. « On s’organisera pour avoir les fonds nécessaires afin de les faire venir une à deux fois par mois à Mayotte, pour qu’ils puissent voir les patientes d’ici et leur prescrire un traitement. » Endo Mayotte collabore également avec une psychologue, car la prise en charge psychologique est nécessaire pour ces femmes. « Nous sommes jugées et stigmatisées. Quand on est malade on n’a pas la force de tout gérer, et pourtant on nous traite de fainéante, on nous dit qu’on exagère », dénonce la fondatrice et présidente de la structure. Elle espère que son association permettra de libérer la parole et de sortir l’endométriose de l’ombre.
« Ce n’est pas qu’une cause féminine, c’est aussi une cause humaniste »
Cela fait seulement trois mois qu’elle est active, mais elle reçoit déjà de nombreux témoignages de personnes qui vivent la même chose qu’elle, à sa grande surprise. « Beaucoup de femmes sont venues me voir, et également un homme parce que sa fille souffre de la même maladie. » Preuve que tout le monde peut être concerné par ce sujet. « Ce n’est pas qu’une cause féminine, c’est aussi une cause humaniste qui touche le monde entier. Il est nécessaire d’en parler pour pouvoir faire bouger les choses. » Cela passe aussi par la sensibilisation des plus jeunes. Par le biais de son association, Abouchirou Mattoir souhaite intégrer les collèges et lycées afin de parler de l’endométriose aux adolescents car plus la maladie est détectée tôt, plus le traitement est efficace. « Je veux qu’ils sachent qu’avoir ses règles est naturel, mais en souffrir n’est pas normal. »
Retrouvez ce portrait dans le numéro 1009 de Mayotte Hebdo.