Pour justifier l’arrêt de ses liaisons à destination des Comores, la compagnie dans un communiqué du 19 juillet avait évoqué l’annulation de ses autorisations par l’autorité compétente. Mais une lettre de l’aviation civile malgache signée quatre jours après l’inauguration de ses vols vers l’archipel révèle qu’en réalité Madagascar Airlines opérait alors qu’elle ne dispose pas des autorisations nécessaires.
Les vols de Madagascar Airlines se posaient-ils à Moroni dans l’illégalité ? Deux semaines après avoir mis un terme à ses liaisons vers la capitale des Comores, cette question est soudainement apparue. Tout a commencé par les informations relayées par le site 2424.mg. Celui-ci, dans un article publié le 27 juillet, a révélé que la compagnie malgache effectuait des vols commerciaux alors qu’elle n’avait pas obtenu les autorisations nécessaires de l’autorité malgache de l’aviation civile (ACM). Celle-ci, dans un courrier daté du 11 juillet que nous avons pu consulter, a en effet interpellé les responsables de la compagnie suite à la publication de certaines informations sur son site internet, mais aussi pour s’être permise d’effectuer des vols sans les autorisations nécessaires. « Nous rappelons que le dossier de demande de licence d’exploitation de Madagascar Airlines est toujours en cours et que le processus est à ce jours à la phase 3 sur les cinq prévues par la procédure », lit-on dans le courrier de l’ACM. Le gendarme de l’aviation civile de la Grande île a par ailleurs rappelé aux dirigeants de Madagascar Airlines que conformément au code régissant le secteur, nul ne peut exploiter un aéronef à titre commercial à moins qu’il n’ait obtenu un permis d’exploitation aérienne délivrée par l’autorité de l’aviation civile. A Moroni, où l’appareil de la compagnie a effectué de nombreuses rotations entre le 7 et 18 juillet, la sortie de cette lettre a suscité de nombreuses interrogations plus ou moins légitimes.
La compagnie est issue de la fusion d’Air Mad et Tsaradia
Comment une compagnie ne disposant pas de permis d’exploitation a-t-elle réussi à desservir le pays pendant deux semaines ? Aucune autorité comorienne n’a réagi depuis que ce courrier est apparu. Pourtant, pour qu’un avion puisse assurer des liaisons commerciales, elle doit obtenir deux autorisations. « Celle qui provient du ministère des Transports après signature d’accords bilatéraux entre la compagnie et le gouvernement. On appelle ça les libertés. Puis arrive une seconde autorisation technique octroyée par l’Anacm (N.D.L.R. Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie de l’Union des Comores) », a indiqué un haut responsable de l’Anacm. Ce dernier, a également précisé que toute autorisation technique dépend de l’aval du gouvernement. « Si techniquement le projet n’est pas viable, l’Anacm a l’obligation de le refuser et de conseiller des améliorations. Il y a des documents qui nous intéressent. Sans un dossier complet sur le volet technique, il n’y a donc pas d’autorisation », a ajouté notre source. Pour sa défense, les responsables de Madagascar Airlines ont mis en avant au lendemain de la missive de l’aviation civile malgache un certificat Iosa émanant de l’association du transport aérien international (Iata). Ils assurent que les permis d’exploitation d’Air Mad et de Tsaradia, les deux sociétés dont la fusion a donné naissance à leur compagnie leur permettent d’effectuer des vols. Un argument qu’avait balayé l’aviation civile. « Madagascar Airlines n’est pas encore une compagnie aérienne et ne peut valablement s’en prévaloir. Par ailleurs, ledit dossier déposé ne fait état d’aucune fusion au sens juridique du terme entre Air Mad et Tsaradia. Nous vous saurions gré de bien vouloir prendre les mesures idoines pour rectifier les informations présentées dans vos communications », exigeait l’Acm.
Le processus de certification est en cours
Notons qu’en plus des Comores, la compagnie malgache effectue deux rotations par semaine sur l’île de La Réunion sans pour autant être détentrice des certificats. Après avoir tenté de faire valoir son Iosa, Madagascar Airlines a fini par faire profil bas. Dans un communiqué du 30 juillet, elle dit reconnaître que l’autorité de l’Acm fait foi dans toute opération aérienne. Si la compagnie a annoncé avoir lancé le processus en vue d’obtenir une licence d’exploitation et de certificat de transport aérien, le directeur général adjoint des opérations aéronautiques n’a pas manqué de souligner que pour l’instant leur entreprise reste la société d’exploitation exclusive des activités d’Air Mad et de Tsaradia. Pour qu’une compagnie se voit délivrer une certification, son dossier doit passer par cinq étapes. « Il y a la phase d’information. Puis, s’en suit la demande formelle auprès de l’aviation civile. L’étape suivante est le dépôt des manuels d’exploitation et autres documents à l’instar de l’organigramme. L’autorité vérifie si les documents sont conformes. Quant à la phase 3, elle est celle des inspections du personnel et des appareils, au sol et en vol et bien sûr sans passagers. Si tout est en règle, l’autorité octroie à la compagnie le certificat », nous a expliqué, Ezi-eldine Youssouf, expert en aéronautique.
Après cette violation de la loi malgache de l’aviation civile, Madagascar Airlines sera-t-elle sanctionnée ou on l’autorisera à travailler sans certificat ? Sur ce sujet, les autorités de la Grande île sont restées taiseuses.
Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.