À la découverte du fûtar : Le repas familial du ramadan

“ En ce moment, si on n’a pas de voiture et qu’on souhaite se déplacer, mieux vaut éviter entre 18h et 19h”, conseille une piétonne de Mamoudzou. “Il n’y a pas un seul taxi qui passe !” Et pour cause, en ce mois sacré de ramadan, les taximen, en grande majorité des musulmans, cessent la besogne pour rejoindre leur domicile et interrompre le jeûne. À cette période de l’année, la vie s’arrête, d’ailleurs, à ce moment de la journée.

Le cri du silence fait taire le raffut quotidien dans les rues. Au sein des petits commerces, des hypermarchés ou des stations essences, les entrepreneurs, les salariés immobilisés sur leur lieu de travail prennent néanmoins quelques minutes, une demi-heure tout au plus, pour “casser le ramadan”, avant de poursuivre leur activité professionnelle. Seul, entre amis, collègues ou en famille, à chacun sa manière d’accomplir le fûtar.

Bibi*, elle, vit seule. Mais elle est habituée à recevoir ses deux enfants pour ce moment particulier. “Ce sont des adultes maintenant et ils ont leur vie. Parfois ils me rendent visite, mais jamais je ne les ai chez moi au même moment. C’est pour ça que je suis heureuse pendant le mois de ramadan”, s’exclame-t-elle. “Ils sont là tous les soirs, accompagnés de mes beaux-enfants et petits-enfants. On mange ensemble, on se raconte des histoires, on se remémore le passé, on rigole beaucoup… Ça fait du bien de se retrouver comme ça, en famille.”

15h. Aminati, sa fille, se libère plus tôt pour l’aider à préparer le fûtar. Il faut mettre le riz au feu, éplucher et rincer les maniocs, les bananes, les songes, faire chauffer l’huile pour les frire, il faut sortir la viande, les mabawas, le poisson, rassembler et rincer les plantes ou le gingembre pour le thé. Il faut dresser la natte, à même le sol. Y disposer les assiettes, les verres, les couverts, l’eau, le lait, les dattes, le lait concentré… Cela prend du temps, parfois une bonne partie de l’après-midi. “C’est plus simple d’être à plusieurs pour ça. On se partage les tâches, ça va plus vite”, avance la jeune femme. 17h50. Le soleil se couche, les hommes se rendent à la mosquée pour la “Salat al Maghreb” (prière du soir), tandis que les femmes de la maison finissent d’établir les différents plats. 18h. Les hommes sont de retour. Ils peuvent s’installer et, enfin, manger.

19h20. Le fûtar prend fin, peu à peu. La digestion est de mise pour cette modeste famille. Le temps d’enfiler savates ou chaussures et les hommes se dirigent à nouveau vers la mosquée pour la “Salat al Isha” (prière de la nuit). Bibi et sa fille, elles, débarrassent le sol de ces plats. Comme chaque soir, les assiettes de fritures, les bocaux de sauces demeurent à moitié pleins. Ce surplus d’aliments est appelé “kefa”. Il servira de petit déjeuner, le lendemain, avant la “Salat al Fajr” (prière de l’aube) et le passage à un nouveau jour de ramadan.

I.M

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