Il y a cru jusqu’au bout, mais la réalité l’a rattrapé. Naftal-Dylan Soibri, producteur et réalisateur de la série mahoraise FBI Mayotte, a annoncé son arrêt, faute de financement. La nouvelle en a surpris plus d’un puisqu’un réel engouement s’est créé autour du projet. Dans cette interview exclusive, Naftal-Dylan Soibri nous explique en détails les raisons de cette fin soudaine et nous parle de son avenir.
Flash Infos : Comment s’est passé le tournage de la saison une de FBI Mayotte ?
Naftal-Dylan Soibri : C’était une belle expérience, mais en même temps très éprouvante pour toute l’équipe car avec les moyens que nous avions, nous devions être efficaces et organisés. Nous avons eu de grosses journées parce que nous ne pouvions pas nous permettre de mobiliser beaucoup de jours puisque chacun d’entre nous a sa vie à côté et son travail. Nous avons eu en tout deux semaines de tournage pour les cinq épisodes.
FI : Quels types de moyens aviez-vous ?
N-D. S. : Au début, nous n’avions pas la capacité de faire une telle production, mais ensuite nous avons bénéficié de la solidarité de la population, des entreprises privées et de certaines structures publiques. Je ne peux pas tous les citer, mais chacun nous a proposé ses services pour nous faciliter la production de la série. Il y a aussi des entreprises qui m’ont aidé financièrement ainsi que la préfecture pour la deuxième année consécutive. La première fois, elle m’avait subventionné pour acheter du matériel, et cette année, c’était pour payer les acteurs. Grâce à cela, j’ai également pu acheter des caméras professionnelles.
FI : Vous avez annoncé récemment l’arrêt de la production de FBI Mayotte. Pour quelles raisons ?
N-D. S. : Tout simplement parce que je n’ai plus les moyens de produire la série, j’ai zéro euro au compteur. Mon plan était de diffuser la première partie pour attirer l’attention de certains qui auraient vu le potentiel, le talent, et qui auraient eu envie d’investir. Je pensais qu’avec l’engouement des cinq premiers épisodes, ils auraient fait le nécessaire pour que nous puissions produire la deuxième partie.
FI : Et cela n’a pas été le cas ?
N-D. S. : Non, pas du tout ! On m’a fait des promesses de subventions, d’accompagnement financier qui n’ont pas été tenues. J’y ai cru et j’ai avancé de l’argent et aujourd’hui, je me trouve dans une situation difficile. Je suis obligé d’arrêter la série et de me concentrer sur des productions qui seront plus rentables pour moi et ma société. C’est dommage parce que je faisais cela pour Mayotte et les Mahorais. C’est la population qui m’a motivé à mener ce projet. Je me suis dit que j’allais faire un sacrifice pour montrer de quoi nous sommes capables aussi à Mayotte.
FI : Est-ce donc une fin définitive de FBI Mayotte ?
N-D. S. : Malheureusement oui… La deuxième partie est plus ambitieuse que la première donc elle nécessitera plus de moyens, elle coûtera beaucoup plus cher. Maintenant, si dans les prochains jours, les personnes capables de me soutenir financièrement me disent qu’ils vont m’accompagner, nous pourrons reprendre le tournage. Pour l’instant, ce n’est pas possible, même si je créais une cagnotte comme certains me le suggèrent, il n’y aurait pas assez.
FI : Pourquoi la série n’a pas été diffusée sur la chaîne Mayotte la 1ere comme vous le souhaitiez ?
N-D. S. : La raison principale c’est que nous n’avons pas réussi à nous mettre d’accord sur la date de diffusion. Ils voulaient la diffuser en septembre et moi en juin. Ma stratégie était de la sortir en juin pour que je puisse démarcher les investisseurs cet été et enchaîner les cinq autres épisodes à la fin de l’année. Nous n’étions pas d’accord non plus sur le temps d’exclusivité ni sur le prix. Avec tout le travail que j’ai fait, ils m’ont proposé une somme que j’estime dérisoire pour la diffusion.
FI : Quels retours avez-vous eu des téléspectateurs ?
N-D. S. : Ils ont été au rendez-vous, mais le fait que cela soit diffusé sur Youtube les a perturbés parce qu’ils n’ont pas l’habitude de regarder des séries sur cette plateforme. Au début, ils ont eu du mal, mais ils ont fini par s’y habituer. Pour l’instant, le nombre de vues est satisfaisant, mais je pense que cela va nettement augmenter parce que je sais que beaucoup de personnes attendaient que tous les épisodes soient disponibles pour tout regarder d’une traite. Pendant ces vacances, je sais que beaucoup vont regarder, je ferai donc le point vers septembre.
FI : Cela fait un an et demi que l’aventure FBI Mayotte a commencé, quel bilan faites-vous aujourd’hui ?
N-D. S. : C’était une expérience très enrichissante pour moi. J’ai dirigé une trentaine de personnes, nous sommes devenus une famille. La série a permis de créer des vocations, de faire rêver les gens et je suis triste que tout cela s’arrête de cette manière. Ce que je trouve dommage, c’est qu’il y a de nombreux jeunes mahorais qui me disent qu’ils veulent se lancer dans le cinéma à Mayotte, mais cela va être compliqué pour eux.
FI : Comment se dessine l’avenir pour vous ?
N-D. S. : Je suis obligé de partir pour faire du cinéma ailleurs. C’est dommage parce que je suis rentré pour Mayotte, mais aujourd’hui je réalise que le territoire n’est pas prêt et n’a pas les fonds nécessaires pour soutenir les projets cinématographiques. Je vais donc arrêter le cinéma mahorais et me tourner vers l’étranger. Cela sera beaucoup plus compliqué pour moi de mettre en valeur Mayotte si je travaille à l’extérieur, c’est ce qui me rend triste.
FI : Avez-vous un regret ?
N-D. S. : Je ne regrette rien parce que j’ai essayé. Tout le monde a vu que j’ai fait tout mon possible pour sortir les cinq épisodes. Je suis fier du travail que mon équipe a accompli. Je suis aussi content d’avoir pu offrir ces épisodes aux fans de la série. J’avais l’espoir de créer de l’emploi, de faire uniquement de la production cinématographique, de faire connaître l’île à travers le cinéma, et d’exporter notre culture, mais il aurait fallu que je sois soutenu financièrement. Cependant, je remercie tous ceux qui m’ont aidé de quelconque manière.
Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.