Hausse des prix du carburant aux Comores : la population empêchée (encore) d’exercer son droit de manifester

Le préfet du centre avait montré aux  organisateurs la note circulaire d’autorisation en suggérant même un lieu de rassemblement qui conviendrait aux autorités avant de finalement se rétracter le lendemain. Une décision dont le fondement juridique est contesté par des éminents juristes.

Revirement spectaculaire. Le rassemblement pacifique dont le but est de dénoncer la hausse des prix du carburant n’a finalement pas eu lieu ce lundi 27 juin comme prévu. 24 heures après avoir confirmé verbalement aux organisateurs que la manifestation serait autorisée, le préfet du centre, Salim Ben Mohamed Soilihi est revenu sur sa décision. Dimanche soir, vers 19h, alors que tout le monde se préparait à battre le pavé le lendemain, une note circulaire est apparue sur les réseaux sociaux in extremis. Datée du samedi 25 juin, celle-ci, à la surprise générale annonçait le report jusqu’à nouvel ordre du rassemblement pour des « raisons de sécurité ». En temps normal, ce refus n’aurait surpris personne. Puisque les autorités par la voix de la préfecture interdisent systématiquement depuis 2018 toute forme de rassemblement dont l’objectif est de dénoncer les échecs du pouvoir actuel. Si ce volte-face a choqué plus d’un, c’est  parce que les organisateurs avaient deux plutôt été informés depuis que la manifestation était autorisée. Dans une conférence tenue samedi au siège de  la confédération comorienne des travailleuses  et travailleurs (Ctc), Mahamoud Ali, patron de CBE a confirmé avoir vu la note d’autorisation. Le préfet lui aurait seulement notifié que le lieu par contre avait été modifié. Au lieu de la place de l’indépendance, les citoyens devaient se retrouver au stade Bonbondjema, au nord de Moroni.

Peur d’être arrêté

 » Il m’a fait comprendre qu’il attendait l’aval du ministre de l’Intérieur. C’était vers 11h. Je suis resté jusqu’à 13h, toujours sans réponse. Entre-temps, j’ai appris que le ministère avait à son tour remonté la note à la présidence. En tout cas, on a quitté la préfecture sans que le document ne nous soit remis. Mais nous étions optimistes« ,  relatait Mahamoud Ali, lors du point de presse. Mais c’était sans compter le revirement du préfet qui a sorti sa circulaire à quelques heures du sit-in. Si lundi les principaux leaders des associations à l’origine de la démarche comme Ngo’shawo , Ctc, Fédération comorienne des consommateurs, n’ont pas osé se rendre sur lieu du rendez-vous [ ils ne décrochaient même pas leurs téléphones], probablement par peur de se faire arrêter, n’empêche que certains citoyens aient tenté sans succès d’improviser des actions dans certaines zones de la capitale. Les quelques dizaines de jeunes qui avaient fait le déplacement,  rongés par la crainte d’être embarqués ont fini par se replier. Même les pancartes, elles n’ont pas été dévoilées. Cette deuxième tentative de manifester interdite après celle du 4 juin juste parce que la préfecture n’a pas donné une autorisation a surtout suscité un débat sur le bien-fondé de ces refus devenus automatiques.

Pas besoin d’autorisation

Et  pour de nombreux juristes, le préfet du centre n’a aucun droit d’interdire ou d’autoriser un rassemblement.  » Évidemment qu’il faut maintenir la manifestation. Le préfet n’est ni législateur ni juge. On connaissait l’exercice limité ou au pire suspendu  d’une liberté , maintenant on découvre l’exercice de reporter une liberté « , ironisait  dans un post, le jeune docteur en droit constitutionnel, Mohamed Rafsandjani.  Une position partagée par Yhoulam Athoumani, docteur en droit public. A l’entendre, aucune autorité administrative que ce soit un président de la République, un ministre de l’intérieur ou un maire n’a le pouvoir, au regard du droit positif de l’Union, d’interdire ni même de décaler à une date ultérieure une manifestation. Il a ajouté :  » La constitution récemment révisée précise que nul ne peut être privé de sa liberté totalement ou partiellement qu’en vertu d’une loi ou d’une décision de justice« . Yhoulam auteur de l’ouvrage « le contentieux administratif en droit de l’Union des Comores » a martelé qu’à l’heure actuelle, la liberté de manifester garantie par la constitution n’est nullement pas soumise à un dépôt de déclaration préalable. Il conclura enfin par ces mots  » il n’existe aucune loi qui donne aux autorités administratives le pouvoir de porter atteinte pour des motifs de sécurité à cette liberté fondamentale qui est celle de manifester« . Depuis la hausse des prix du carburant, de nombreux actes de délinquance ont refait surface. Après les coupeurs de route à Ngazidja, d’autres phénomènes de criminalité sont également constatés. Dimanche soir, une femme d’affaires a été poignardée à Mort dans sa résidence à Anjouan, par des inconnus qui selon les dires seraient des voleurs. Autant de facteurs reliés à tort ou à raison à la crise qui touche la population. Mais, rien ne semble préoccuper les autorités à part montrer les muscles à chaque fois que des citoyens souhaiteraient manifester.

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