Ces deux dernières semaines, l’inquiétude gagne Bonovo, le quartier sur les hauteurs de M’Tsapéré. Les habitants ont appris récemment que deux très jeunes filles ont été emmenées au milieu de la nuit et violées. Le dernier fait date de dimanche à lundi et concerne une victime âgée de 8 ans. Son père raconte.
Bonovo, ce morceau excentré de M’Tsapéré où vit une forte communauté comorienne, n’est plus tranquille depuis que deux jeunes filles ont été enlevées dernièrement. Dans la nuit de dimanche à lundi, le père de la dernière victime raconte qu’il a été appelé au milieu de la nuit. « Mon ex-femme m’a dit de venir vers 2h du matin », se remémore Yasser*, 37 ans, qui habite aux Hauts-Vallons. Plus tôt, la maison qui se situe dans la partie haute du quartier a été visitée par un homme. Après avoir cassé le verrou, celui-ci est entré dans le salon où dormait la fillette de 8 ans. « Il lui a mis une cagoule, puis l’a conduit à pied jusqu’à un cimetière situé plus bas », continue le père, qui semble contenir sa colère. Sous la menace d’un couteau, « elle n’a pas pu bouger ». Une fois l’acte terminé, le violeur est remonté avec la jeune fille chez elle. Si la grande sœur a aperçu l’intrus, elle n’a pas pu donner l’alerte à cause de l’arme blanche qu’il détenait entre ses mains. Ce n’est qu’une fois parti que les filles ont pu prévenir leur mère. « Elle n’a pas compris sur le coup, il y avait des feuilles mortes dans les cheveux de sa fille. Elle a soulevé sa jupe et a vu le sang couler », détaille le père de famille.
« L’affaire qui préoccupe le plus le commissariat »
Depuis les faits, la fille de Yasser est mutique. Il affirme qu’elle et sa mère sont désormais dans le sud. « Ça ne donne pas envie de rester à Mayotte. Tu es chez toi et il t’arrive ce genre de choses, tu ne peux plus dormir tranquille », dit-il d’un air désabusé. Son état d’esprit colle avec le reste du quartier, choqué par ce qu’il s’est passé, surtout qu’un autre viol a été commis sur une deuxième fille, quelques jours auparavant. Un jeune homme rencontré lors du douâa de mercredi (voir ci-dessous) et voisin de la deuxième victime âgée de 9 ans décrit un déroulement semblable vers « 3h ou 4h du matin ». « La mère encore endormie a cru que c’était un animal qui bougeait devant la porte », raconte-il. « La jeune fille a été emmenée par une ou deux personnes », selon lui. Après le viol qui s’est déroulé également au cimetière, la victime a été ramenée « dans sa maison ou devant chez elle ».
Du côté des policiers de Mamoudzou, cette affaire est « celle qui préoccupe le plus le commissariat ». Le mode opératoire n’est, en outre, pas étranger à des événements similaires survenus « sur plusieurs années ».
*Le prénom a été modifié.
Les riverains réunis dans la prière
La communauté s’est réunie, mardi après-midi, pour discuter de ces faits et de la violence en général dans le quartier. « On est traumatisé. Et il n’y a pas que les petits enfants qui sont les victimes de violences ces derniers temps, il y a aussi des mamans », évoque Ismaël, un père de famille 28 ans. Ce mercredi, dans l’après-midi, les hommes se sont réunis à la mosquée. Ils sont ensuite remontés dans le quartier pour un douâa, en compagnie des femmes et des enfants cette fois. Une centaine de personnes du quartier étaient présentes. « Quand je vois tout le monde communier aujourd’hui, c’est obligé, il va se passer un truc pour ceux qui ont fait ça », estime le jeune homme qui attend une action divine pour ce quartier isolé.