Le premier tour du scrutin législatif 2022 s’est déroulé dans un grand calme, ce dimanche. Mayotte n’a pas dérogé à la règle nationale, les prévisions qui annonçaient une forte abstention encore cette année se sont vérifiées ici aussi, avec un taux d’abstention de 58,8% au nord et 53% au sud. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, sur la dizaine de candidatures présentées dans la première circonscription de Mayotte, seuls les novices Estelle Youssouffa et Théophane « Guito » Narayanin sortent vainqueurs. Face à cette volonté de changement, Ramlati Ali, la députée sortante de la majorité, a été balayée. Elle ne recueille que 7,2% des suffrages exprimées.
Mayotte a finalement opté pour une autre façon de faire de la politique, une autre manière pour les prétendants au pouvoir d’approcher l’électorat. Le département, au moins dans la première circonscription (voir par ailleurs), exige maintenant de ses représentants du concret et des résultats tangibles dans leur action. Les enseignements à retenir de ce premier tour sont multiples. Le ralliement d’une très large partie des maires mahorais à la candidature d’Emanuel Macron à l’élection présidentielle d’il y a deux mois n’aura pas profité à la députée sortante, Ramlati Ali, pourtant adoubée par la coalition Ensemble. Elle n’ira même pas au second tour de ce scrutin tant son score est faible (7,2% des suffrages exprimées), au point qu’elle est devancée par plusieurs candidats ne disposant pas d’une « machine de guerre électorale » aussi forte que la « Macronie ». Ses anciens soutiens politiques locaux ont été les premiers à la lâcher (sans qu’on ne sache trop pourquoi d’ailleurs), lui préférant Ahamada Boura, dont ce scrutin a été le baptême du feu dans l’arène. Elle paie là le prix d’une sanction de l’électorat mahorais contre une politique, jugée laxiste, sur les sujets cruciaux comme l’insécurité, la lutte contre l’immigration clandestine et bien d’autres, des domaines dans lesquels le résultat de son action a été décevant.
Elle paie aussi le ras-le-bol des Mahorais face à une politique gouvernementale vue comme faisant la part belle à des obligations ou des devoirs, et comporte très peu d’avancées sociales. La crise du Covid-19 (et ses conséquences) est passée par là, comme depuis peu la guerre en Ukraine et ses retombées négatives sur une économie locale déjà en berne. Les prix sont à la hausse sur quasiment tous les produits. Son score, ainsi que ceux d’Estelle Youssouffa (21%) et Théophane « Guito » Narayanin (17,7%) montrent également l’envie des électeurs mahorais de changer de classe dirigeante par du « sang neuf », pour porter des enjeux plus contemporains, à travers de nouvelles méthodes qu’ils espèrent plus productifs en termes de résultats.
Une campagne des législatives terne
Ce vent de désamour de la population locale pour la politique s’est fait sentir dès les premiers jours d’une campagne électorale terne, et nombre de candidats, y compris des politiciens aguerris, confiaient volontiers à qui voulait bien l’entendre combien l’exercice s’annonçait compliqué cette année pour ne pas dire franchement et tout simplement périlleux. La violente passe d’armes que l’on pu observer entre Estelle Youssouffa et Théophane Narayanin lors de leur premier débat télévisé aura été l’unique exception, en terme de joute verbal.
Il faut croire que les temps changent incontestablement et cette élection-ci marque un tournant dans la vie politique du territoire. Elle enterre définitivement la page de la départementalisation pour laisser émerger un projet politique nouveau, que portera sans doute une nouvelle génération de femmes et d’hommes politiques pour les quarante années à venir. Un projet qui s’est dessiné progressivement au fur et à mesure que l’on avançait dans cette campagne, la construction de la « région Mayotte ». Jugée par tous comme le complément naturel et nécessaire de la départementalisation, ce changement d’institution pourrait donner selon certains une assise économique solide et des perspectives claires et sérieuses en matière de développement.
Cette page nouvelle qui s’ouvre pour notre territoire prend pour l’instant la forme d’un capharnaüm. En tout cas, il se fait dans une totale contradiction lorsqu’on constate que les différents camps en présence montrent une même volonté à parvenir au même résultat.