Ida Nel et sa société Mayotte Channel Gateway (MCG) ont obtenu la délégation du port de Longoni en 2013, et ce, jusqu’en 2028. Mais la gestion intéresse de près la justice, sur fond de tensions avec les autres acteurs du port et le conseil départemental de Mayotte. Le parquet national financier a donc décidé de perquisitionner l’entreprise et de placer la femme d’affaires en garde à vue, mardi et mercredi.
Le port de Longoni apparaît toujours aussi calme, vu de l’extérieur. Pourtant, depuis mardi dernier, c’est l’agitation dans les locaux de la société Mayotte Channel Gateway (MCG), le délégataire du principal lieu de transit de marchandises de l’île. Gendarmes et magistrats du parquet national financier procèdent à une perquisition dans le cadre d’une enquête pour “fraude fiscale aggravée” et “blanchiment de fraude fiscale”. La patronne de MCG, Ida Nel, a même été placée en garde à vue, mardi et mercredi. Dans un message sur Facebook, la direction de la MCG confirme l’audition de la femme d’affaires de 68 ans dans le cadre “d’une enquête préliminaire à la suite de dénonciations calomnieuses d’un petit groupe de personnes envieuses et sans importance”.
Comme la plupart des affaires qui intéressent le PNF, c’est un rapport de la chambre régionale des comptes qui est à l’origine de l’affaire. Celui de 2017, en l’occurrence, pointe les dissensions entre le délégataire et le conseil départemental de Mayotte, qui a la compétence du port. Mais au-delà des relations glaciales, ce sont les pratiques du délégataire qui interpellent le PNF.
Si ce dernier n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations, les acteurs locaux du port confirment que la perquisition actuelle pourrait avoir un lien avec les investissements de MCG. La chambre régionale des comptes note qu’en 2017 : “Une première série d’investissement prévue par le plan annexé à la convention consistait en l’acquisition de matériels portuaires : deux portiques, deux cavaliers, une grue mobile, un stacker, deux chariots et un tracteur pour un montant total de 18.97 millions d’euros selon l’annexe 8. Le délégataire a acquis, au cours des exercices 2014 et 2015, trois grues mobiles, quatre portiques sur pneumatiques, trois tracteurs de type stackers et cinq chariots-tracteurs non munis d’un dispositif de levage pour un montant total de 20.05 millions d’euros.” Qualifiés de surdimensionnés, ces équipements ont même coûté au total 23.3 millions d’euros quand le conseil départemental de Mayotte a refusé d’exonérer ces achats de l’octroi de mer.
De l’argent envoyé vers Maurice ?
Outre le fait de pouvoir assurer la manutention sur le port (ce qui a provoqué un conflit avec un manutentionnaire local), ces investissements ont permis à la société de bénéficier “d’agréments fiscaux de crédit d’impôt”. Selon les détracteurs d’Ida Nel, une partie de l’argent gagné par la société en défiscalisant ne serait alors pas restée en France, mais aurait transité vers d’autres pays, notamment l’Île Maurice. Si des documents ont bien été saisis, peu d’éléments ont fuité concernant l’audition de la femme d’affaires. La direction de MCG se veut confiante : “Notre présidente a parfaitement collaboré avec les enquêteurs pour faire avancer cette enquête.” Si la fraude fiscale ou son blanchiment débouchent rarement sur une peine de prison, elles peuvent entraîner de grosses amendes, voire une interdiction de gestion. Une belle affaire pour tous les ennemis qu’Ida Nel s’est constituée au fil des années du côté de Longoni.