Les accords secrets, les rencontres tout aussi secrètes, nocturnes parfois, les 16 candidats de la future majorité « enfermés » depuis deux jours sans contact avec l’extérieur, les autres candidats suivis, pistés, les retournements de tendance, les changements de veste… tout était envisagé, supputé, vécu…
Alors ce jeudi 2 avril la tension était forte, même si le scénario imaginé par certains se déroulait jusque là sans accroc. La majorité avait été assez rapidement constituée autour de l’UMP avec 16 élus, mais l’expérience faisait dire à beaucoup que jusqu’au vote tout était encore possible.
Dans les jardins du conseil général, où se pressaient en cette belle et ensoleillée journée, plus de 500 personnes assises sous des chapiteaux, dans l’hémicycle bondé, réservé à quelques invités triés sur le volet et dûment contrôlés, les citoyens attendaient patiemment le dénouement.
En milieu de matinée, alors que la cérémonie démarrait et avant de procéder à l’élection du nouveau président du conseil général, l’ancien président de l’institution Ahamed Attoumani Douchina a demandé la parole au doyen de l’assemblée, qui présidait la séance. Avec 10 conseillers départementaux, dont l’ancien président Daniel Zaïdani, il venait de rentrer dans l’hémicycle.
« Nous ne présenterons pas une candidature, parce que nous espérons pouvoir travailler, être associé » à cette nouvelle majorité, a-t-il d’emblée déclaré, surprenant tout le public, prenant tout le monde de court, puis générant un tonnerre d’applaudissements.
« On pouvait constituer une opposition, on pouvait s’abstenir aujourd’hui. On a choisi de porter nos 10 voix pour la candidature que vous allez présenter », « nous n’avons pas le droit de décevoir notre population ». Telle fut la déclaration de « l’opposition », se transformant alors de fait en une partie de la majorité.
Un frémissement s’est fait sentir à travers le public rassemblé. Une union des forces politiques de l’île était-elle en train de (re)naître sous nos yeux ? Avec l’espoir que cela créait. Les élus nous transmettaient là un beau message.
Et effectivement, le scrutin à bulletin secret a abouti à l’élection de Soibahadine Ibrahim Ramadani à la présidence du département, à l’unanimité : 26 voix sur 26.
Ce « consensus est une des conditions de cette gouvernance apaisée que je souhaite pouvoir conduire avec les autres pendant ces 6 années qui vont venir », a alors déclaré Soibahadine Ibrahim Ramadani. « Ce geste me comble du fond du cœur », a continué l’ancien sénateur UMP, très fier de cette unanimité et se remémorant l’union autour de la première élection de Younoussa Bamana en 1977. Il devrait pouvoir désormais faire appel à l’expérience et l’expertise de ses collègues, dont deux anciens présidents de l’assemblée.
C’est cette unanimité, retrouvée dans cette assemblée après des années, qui a provoqué l’enthousiasme et l’espoir parmi le public présent, mais aussi au-delà. Le rassemblement des compétences, des expériences, des contacts, des réseaux des uns et des autres, devraient permettre de faire avancer de nombreux dossiers importants de l’île, dont certains sont en souffrance depuis des années, faute de suivi réel.
L’économie et la création d’emplois, le social encore presque à zéro, l’éducation de qualité à mettre en place, le tourisme toujours embryonnaire, la culture, l’agriculture, l’aménagement du territoire, la lutte en amont contre la délinquance, la restauration de l’attractivité de l’île et le désert médical, la poursuite de la gestion saine des finances et la mobilisation de nouveaux moyens, les négociations avec l’Etat et l’Europe… Tous ces dossiers devraient trouver dans cette nouvelle assemblée réunie des acteurs à même de les prendre à bras le corps, de les faire avancer et pour certains, enfin, de les voir aboutir.
26 conseillers rassemblés ne seront pas de trop pour cette lourde tâche, durant les 6 années de travail intensif qui les attendent.
Les attentes de la population sont de plus en plus pressantes, les besoins criants, les urgences graves, et la jeunesse désœuvrée. Une fracture de cette majorité, avec la perte de compétences et des guerres intestines, politiciennes, stériles, ferait perdre encore des années et la population ne semble plus prête à attendre. Elle veut des actes forts, du concret.
En revanche, le signal de l’unité retrouvée, de la mise en commun des forces de toutes les composantes politiques de l’île, au service de Mayotte et de son développement, ont donné beaucoup d’espoir et peuvent créer une dynamique bienvenue.
Et si ça marchait ?…
Laurent Canavate
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