Ce mardi 10 mai, le régiment du service militaire adapté organisait une journée de séminaire aux métiers de bouche. L’objectif était de faire rencontrer les organismes de formation, les restaurateurs, les acteurs pour l’emploi et de mettre en relation les jeunes volontaires avec des recruteurs potentiels dans le cadre de la mission d’insertion du RSMA. Entretien avec le capitaine Jérôme Junckel, de la compagnie de commandement, de formation professionnelle et initiale (CCFPI).
Flash Infos : Combien de jeunes accueillez-vous chaque année au sein de la section restauration ?
Capitaine Junckel : La section aux métiers de la restauration, qui a deux filières « garçon et serveuse de restaurant » et « agent de restauration/aide cuisinier », incorpore tous les quatre ou cinq mois neuf serveurs et neuf cuisiniers sur un parcours de dix mois. Sur une année, nous avons entre nos mains 54 jeunes volontaires.
FI : Il faut tout de même noter que ces jeunes volontaires ne sortent pas avec une certification qualifiante…
Capitaine Junckel : Leur cursus ici dépend des ministères des Outre-mer et des Armées. Nous n’avons pas de certification, à l’instar du rectorat. Nous ne délivrons pas de diplôme d’État, type CAP ou BEP, mais un certificat d’aptitude personnelle à l’insertion (CAPI), qui a une valeur à Mayotte auprès des patrons ! Ces derniers savent ce que nous enseignons en savoir-être (respect des horaires, politesse, savoir-vivre) et en compétences professionnelles. Tout cela est reconnu puisque certains jeunes décident d’entamer une poursuite de formation qualifiante aux termes de leurs dix mois, notamment à l’Afpa (agence nationale pour la formation professionnelle des adultes), par le biais de LADOM (l’agence de l’Outre-mer pour la mobilité), en métropole, à La Réunion, voire sur le département.
FI : Justement, combien d’entre eux reprennent leurs études ? Et combien ont fait suffisamment bonne impression auprès de leurs employeurs pour signer un contrat ?
Capitaine Junckel : Pour la majeure partie, il s’agit d’une insertion durable – CDD de six mois ou CDI – dans l’emploi ! Je dirais que la poursuite de formation ne représente que 20% d’entre eux. Dans les insertions, il y a également des recrutements dans les administrations puisque nous les préparons aux concours de policier, de gendarme et de surveillant pénitentiaire. Pour donner un chiffre, environ 5% partent dans l’armée de Terre.
FI : L’idée avec le séminaire sur les métiers de bouche, c’était de pouvoir échanger avec certains restaurateurs de l’île. Un moyen pour les jeunes de défendre leur parcours respectif et d’afficher leur motivation…
Capitaine Junckel : C’est tout à fait l’objectif : réunir les acteurs du milieu de la restauration, mais aussi certains partenaires comme Pôle emploi, le lycée hôtelier de Kawéni, les Apprentis d’Auteuil, Randstat Intérim… L’idée est de développer une synergie efficiente et pérenne entre nous tous dans le but de servir nos ambitions respectives. Cela permet d’échanger, de rappeler l’existence ou de faire découvrir le RSMA, de nouer des liens ! Toujours avec une seule idée en tête : insérer nos jeunes en emploi direct avec les restaurateurs.
FI : Avec la sortie de terre de nouvelles infrastructures hôtelières aux quatre coins du territoire et l’organisation envisagée des Jeux des Îles de l’océan Indien en 2027, ce cursus peut offrir de belles opportunités, sachant que vous envisagez de construire une nouvelle cuisine pédagogique.
Capitaine Junckel : Effectivement, de nombreux débouchées existent, puisque de belles perspectives attendent Mayotte dans les prochaines années. Cette filière du régiment, comme d’autres, est amenée à évoluer, notamment avec le développement du tourisme. Et donc, notre outil pédagogique principal qui est le restaurant va être reconstruit en 2025-2026. Déjà parce qu’il commence à montrer des signes de fatigue, mais aussi et surtout parce que nous arrivons à nos limites de capacité de formation. À termes, nous pourrons accueillir davantage de jeunes volontaires.
Dix mois intenses au régiment du service militaire adapté
Tous les volontaires suivent une formation militaire initiale d’une durée de trois semaines et demie durant laquelle ils apprennent les métiers de base de soldat : la tenue, les grades, les chants du régiment, les valeurs citoyennes, le savoir-être, la vie en société et en collectivité… Ainsi qu’une remise à niveau scolaire en mathématiques et en français. Ensuite, ils sont dirigés vers leur section pour entamer les neufs mois restants, qui commencent par une formation à la sécurité au travail obligatoire, une formation citoyenne plus poussée sur les institutions étatiques et départementales, un début de formation théorique et pratique à leur métier. Sans oublier le passage du permis de conduire. Dans leur poursuite de cursus pédagogique, ils ont une phase de stage en entreprise de quatre semaines. Les deux-trois derniers mois consistent à l’acquisition de savoir-faire électronique pour connaître les outils bureautiques minimums.
Anrchidine Abdou, 19 ans, Mamoudzou
Fort d’une expérience de quatre ans derrière les fourneaux acquises depuis la classe de 4ème, Anrchidine Abdou espère reprendre une formation pour continuer sur sa lancée. « Je me suis beaucoup amélioré », confie le jeune homme, heureux que son choix se soit porté sur le RSMA. À l’avenir, il espère pouvoir ouvrir un restaurant.
Zaankidine Boudra, 20 ans, Kawéni
Après l’obtention de son bac général l’an dernier, Zaankidine Boudra a connu quelques problèmes personnels qui l’ont empêché de poursuivre ses études supérieures. Déjà passé par le RSMA, son frère l’a convaincu de s’y engager. « J’adore servir les gens, cela me rappelle le petit restaurant familial que nous avons », sourit-il. Reste à savoir ce qu’il compte faire dans les prochains mois. Son rêve serait de partir en métropole : « J’ai commencé les démarches sur Parcoursup ». En cas d’échec, Zaankidine Boudra ne compte pas rester les bras croisés, il souhaite mettre ses qualifications à profit pour rentrer dans le monde travail.
Abdou Ahamadi, 20 ans, Kawéni
Débarqué au RSMA grâce aux publicités affichés dans les rues de Mamoudzou, Abdou Ahamadi s’est laissé convaincre de continuer sa formation entreprise dans la cuisine. Malheureusement, faute de place, il a dû se rabattre sur le service en salle. De son aventure, il retient « la cohésion », « les potes » et « les progrès réalisés ». Déterminé, le jeune homme espère un jour rejoindre les rangs d’un grand restaurant en métropole. « Je préfère avoir un travail plutôt de rester à la maison et ne rien faire. »