Pendant un mois, les magistrats français chercheront à déterminer si la compagnie Yemenia, poursuivie pour homicide et blessures involontaires, est responsable ou pas du crash survenu dans la nuit du 29 au 30 juin 2009, au large des Comores, causant la mort de 152 personnes, dont 142 passagers, majoritairement de nationalité comorienne. Si la partie civile se réjouit qu’un procès puisse enfin se tenir, elle estime en revanche que beaucoup de personnes auraient dû se retrouver sur le box des accusés, notamment la société chargée de la maintenance de l’appareil.
C’est un moment très attendu par les proches des 152 victimes ayant perdu la vie pendant l’accident du 30 juin 2009 au large des Comores. Depuis lundi, le procès pénal sur le crash du vol 626 de la compagnie Yemenia Airways s’est ouvert. Treize ans après ce drame, la plupart des familles et des militants n’ont qu’une attente : connaître la vérité sur ce qui s’est passé et les causes de cet accident. L’appareil transportait parmi ses occupants 11 membres d’équipage, 142 passagers, tous de nationalité comorienne et 66 ressortissants français.
Seule Bahia Bakari, une adolescente de 12 ans avait survécu, en s’accrochant à un débris pendant 11 heures. Elle sera entendue pendant le procès ouvert le 9 mai et qui prendra fin le 2 juin prochain. Pour le président de l’association des victimes, l’ouverture du procès a été marquée par deux moments forts. « La journée fut symbolique émotionnellement. Tout comme nous avons également appris des enquêteurs en charge du dossier que le manque de formation et d’expérience des pilotes qui conduisaient l’appareil y a été pour quelque chose. Sans oublier les problèmes des feux de balisages de la piste« , relate Saïd Assoumani, que nous avons interrogés hier. Ce dernier comme d’autres ressortissants se trouvent actuellement dans la capitale française.
Mauvaise foi
Ce qui l’a écœuré, c’est la défense désespérée mise en avant par les avocats de la compagnie Yemenia pendant la première journée. « Ils se sont accrochés à leur ligne de mauvaise foi, aux petits détails insignifiants. Des arguments dénués de toute humanité puisqu’ils ont cherché à remettre en cause la tour de contrôle, comme quoi la personne qui travaillait ce soir-là ne maitrisait pas l’anglais« , déplore le président de l’association. À propos de l’absence des responsables de la compagnie sur le banc des accusés, ce dernier déclare ceci : « Nous réclamerons encore tout au long du procès que des initiatives soient prises par les autorités françaises et par le chef de l’État, responsable de nos institutions pour que toutes les démarches soient entreprises jusqu’à ce que le banc des accusés ne soit pas vide pendant les autres semaines du procès. »
Pour Saïd Assoumani, la seule présence d’avocats des assureurs ou d’une société fuyant ses responsabilités est une injure à « nos morts » et une offense à la justice et à la France. Officiellement, l’absence de la compagnie serait liée à la guerre qui ravage le pays, à savoir le Yémen. C’est d’ailleurs pour cette raison que Me Bahassani Ahmed, avocat comorien des 28 victimes, reste dubitatif quant aux résultats du procès. Ce dernier estime d’ailleurs que d’autres personnes auraient dû être convoquées. « Les enquêteurs amputent la responsabilité à la compagnie, je suis d’accord mais que dire de l’entreprise qui assurait la maintenance de l’appareil. Devons-nous oublier que le même vol avait été interdit de survoler l’espace aérien européen ? Quelques temps plus tard, il s’est abîmé aux Comores. D’autres estiment que le moteur y est pour quelques chose. Ce qui signifie qu’Airbus, le fabricant aurait dû s’expliquer. Malheureusement, ils ne sont pas là« , regrette cet avocat au barreau de Moroni qui compte se rendre à Paris le 20 mai prochain pour défendre ses clients. Les questions qu’il se pose aujourd’hui sont nombreuses.
Deuil d’un peuple
Cheikh Mc, l’un des artistes de renom des Comores qui avait d’ailleurs sorti une chanson en hommage aux victimes de cet accident espère que ce procès permettra aux proches de faire le deuil. « C’est tout ce qu’on souhaite. Que cela mette fin à cette longue période de treize ans d’interrogations, de sentiment d’inachevé. J’espère sincèrement que le verdict satisfera toutes les familles« , ajoute l’interprète de Ndomsadjadja, qui a rappelé aux familles qu’elles ne sont pas seules face à cette preuve. « C’est le deuil d’un peuple. Qu’ils sachent qu’on partage cette douleur », dit-il.
Notons qu’après ce crash, les rapports avaient indexé la compagnie estimant que les pilotes n’avaient pas pris les bonnes décisions, sinon ils auraient pu éviter le drame. Les défaillances des feux de balisage avaient par ailleurs été soulevées si on s’en tient aux conclusions du rapport rédigé par le BEA (bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile). Si le procès civil a pu aboutir à l’indemnisation des familles, le processus ne s’est toujours pas achevé à en croire Me Bahassani Ahmed même s’il confirme que 70 % des 28 familles qu’il défend ont pu percevoir les dédommagements. « Ces derniers ont fait des concessions car ils voulaient tourner la page. Mais les autres refusent de se plier. D’où les retards constatés. En tout cas, les négociations sont en bonne voie« , révèle-t-il. Normalement, une audience pénale aurait dû se tenir aux Comores, mais cela n’a jamais été le cas. Est-ce que cela n’entraînera pas une irrecevabilité des requêtes des victimes qui ne disposaient pas la nationalité française se demande Me Bahassani qui reste quand même optimise.