Sages-femmes : « Il faut que la direction du CHM soit pionnière dans la reconnaissance de notre statut »

Ce jeudi 5 mai se déroulait la journée internationale de la sage-femme. À cette occasion, le conseil national de l’ordre des sages-femmes a souhaité mettre en lumière sa campagne « Santé pour toutes », qui a pour objectif de faire de la santé et des droits des femmes une priorité pour les prochaines années. Alors que la profession s’avère parfois encore méconnue du public, Cloé Mandard, la présidente du conseil départemental, fait le point sur l’évolution de ce corps de métier au sein de la plus grande maternité de France.

Flash Infos : Le 101ème département comptabilise 170 sages-femmes sur son territoire. Considérez-vous ce chiffre suffisant alors que le centre hospitalier de Mayotte devrait recenser 12.500 nouveau-nés sur l’année 2022 ?

sages-femmes-direction-chm-pionniere-reconnaissance-notre-statutCloé Mandard : Le chiffre est clairement insuffisant quelque soit le secteur d’activité, c’est-à-dire à l’hôpital, en PMI (protection maternelle et infantile) et en cabinet libéral. Donc malheureusement, les forces vives ne répondent aux besoins des toutes les femmes et l’ensemble de nos missions ne sont pas pleinement abouties ! Des patientes ne sont pas suivies de façon optimale, faute de praticiens et de connaissances de la part du grand public.

Nous avons toutefois noté une amélioration sur l’offre de soins dans le privé à la suite d’installations libérales. Nous avons pu couvrir plus largement le maillage territorial. À titre d’exemple, en Petite-Terre, il y a désormais quatre sages-femmes pour deux cabinets, contre une seule il y a trois ans. Malgré tout, des zones restent encore sous-dotées si l’on en croit la nouvelle cartographie de la Sécurité sociale. Sur Grande-Terre, la répartition est beaucoup plus éparse avec seulement trois praticiennes pour le Grand Nord. Nous tournons beaucoup dans l’obstétrique, mais il existe encore des manquements concernant la rééducation périnéale, les cours de préparation à la naissance ou encore l’accompagnement à l’allaitement…

FI : Sans aucun doute, l’absence d’information sur l’intégralité de votre corps de métier est préjudiciable pour les patientes.

C.M. : Le gros sujet repose sur les connaissances en gynécologie ! Certaines patientes vont à La Réunion pour un simple frottis ou pour une contraception alors que nous sommes aptes à les réaliser et à les administrer. Pour rappel, les sages-femmes participent au dépistage des cancers de l’utérus et du sein et peuvent prescrire une mammographie. Beaucoup d’entre nous se forment pour augmenter l’offre de soins sur le département. En ce sens, nous attendons impatiemment le passage du décret relatif à l’extension de la compétence à réaliser les IVG (interruption volontaire de grossesse) par voie chirurgicale. Par ailleurs, le dépistage et le traitement des IST (infections sexuellement transmissibles) chez les partenaires sont déjà effectifs à la suite du nouveau plan de mars 2022.

FI : Un nouveau directeur vient de débarquer à l’hôpital, qu’attendez-vous de sa nomination concernant vos conditions de travail ?

C.M. : Nous ne l’avons pas encore rencontré, mais il s’agit d’une demande de notre part lorsque nous avons appris sa nomination. Depuis plus d’un an, nous suivons localement les mouvements de grève nationaux pour faire bouger les lignes ! Le pôle gynécologie-obstétrical représente plus de 50% de l’activité du CHM. Il nous faut bien évidemment des moyens humains supplémentaires : recruter des sages-femmes, être attractif et fidéliser celles qui sont en poste depuis un certain temps. À ce sujet, nous trouvons que les propositions avancées ne sont pas assez offensives… Il faut également davantage de moyens matériels : en grossesses à haut risque, nous sommes à 200% de taux d’occupation, sachant que nous n’avons que 18 lits. Par ailleurs, l’hospitalisation en suite de couche fait défaut de façon récurrente. Nous sommes amenées à réaliser des sorties précoces de manière quasi systématique !

Nous attendons de cette direction qu’elle reconnaisse le caractère médical de notre profession et qu’elle soit pionnière dans la reconnaissance de notre statut (formation continue et rémunération). Si demain, un enfant va mal, la réanimation néonatale est réalisée par la sage-femme… Nous avons l’activité périnatale la plus importante de France. Notre profession a le devoir d’être valorisée à sa juste valeur et surtout, nous avons le droit d’être entendues par le ministère.

FI : Comme vous l’avez dit, vous battez régulièrement le pavé. Où en est votre combat ? Et comment les revendications spécifiques à Mayotte sont-elles perçues par l’Ordre national des sages-femmes ?

C.M. : Au niveau local, il y a eu des avancées sur la PMI, à la suite d’un dialogue social mené avec le Département. C’est positif ! Pour le volet libéral, des actions et des discussions sont menées avec l’agence régionale de santé pour faciliter les installations. Mais il reste encore à régler tous les problèmes institutionnels, comme les tarifs à mettre en place. Idem, nous demandons une reconnaissance du statut de maître de stage, comme l’ont les médecins. Cela freine l’encadrement des étudiantes et donc des futures consœurs. Pour le reste, c’est en stand-by : nous sommes perpétuellement en sous-effectif, donc soit nous travaillons, soit nous dormons…

Concernant l’Ordre, chaque département remonte ses difficultés de terrain. Très régulièrement, nous recevons une grande écoute par rapport à nos signaux d’alerte. Nos revendications ont notamment alimenté le travail sur le national, à savoir les problématiques liés aux effectifs et à la prévention. Aujourd’hui, il est tout simplement grand temps de faire de la sage-femme le premiers recours à la santé de la femme.

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