Gendarmerie : le calme après la tempête aux abords du lycée de Kahani

En période scolaire, trois fois par jour, le bleu et le noir des gendarmes se mêlent aux lycéens. L’établissement professionnel de Kahani, qui accueille des élèves de toute l’île, nécessite d’autant plus l’attention qu’il est souvent le centre de tensions entre villages.

L’accalmie vécue ces deux derniers mois sur « le hub » de Kahani est une vraie bouffée d’air pour les forces de l’ordre. « Depuis que je suis ici, je n’ai jamais vu ça. Il fallait venir il y a deux mois, quand c’était chaud », lance comme une boutade le capitaine Eric Marcel, le commandant de la brigade de gendarmerie de Sada. Ce jeudi après-midi, l’officier rejoint Kahani avec le maréchal des logis chef Robin Pieras. Ils y accomplissent comme souvent une mission remplie par la brigade, celle de sécuriser les abords du lycée professionnel, connu pour être une cible récurrente de bandes de Combani et de Kahani. Le SUV aux vitres latérales surmontées de grilles portent d’ailleurs les marques des divers des projectiles. « En points chauds sur le secteur, on a le lycée de Kahani, autour du dispensaire de Combani et le pont entre Miréréni et Combani », confirme le maréchal des logis chef.

Les abords de l’établissement ont posé d’ailleurs tellement de problèmes qu’une équipe de gendarmes mobiles en assure toute la journée sa surveillance, dès 5h du matin. Ce jeudi-là, sous quelques gouttes de pluie, c’est le peloton de Thionville, qui fait partie des renforts arrivés il y a deux mois, qui est mobilisé. Un groupe de quatre militaires en t-shirts noirs stationne à l’entrée. Un camion avec six autres vient les rejoindre quelques minutes avant la sortie. Equipés d’armes plus puissantes que les gendarmes locaux, ils sont une vraie force de dissuasion, même si le lieu peut parfois manquer d’action. « Depuis que je suis là, il n’y a rien eu. Mais je sais que nos collègues du peloton de Cherbourg étaient constamment mobilisés avant les vacances de mars », raconte l’un d’eux.

Une cuvette ouverte aux dangers

« Quand ce sont des jeunes de Kahani, ils viennent de cette rue », explique le capitaine Marcel en pointant du doigt la ruelle face au parking. « Ceux de Combani passent plutôt par la départementale au-dessus. On les repousse jusqu’au chemin de l’autre côté des voies. » En quatre ans, le capitaine a vu des affrontements très régulièrement. Grenades lacrymogènes, tasers ou flashballs leur permettent de se défendre en cas d’attaques. Mais le lieu, une cuvette entourée d’un grillage, peut parfois être un piège pour les forces de l’ordre. Plus d’une fois, les lycéens ont dû être mis à l’abri à l’intérieur de l’établissement. « Ils ont construit récemment un nouveau mur derrière pour éviter qu’ils ne passent par-là », décrit l’officier.

En effet, davantage que les conflits entre lycéens qui se règlent à la sortie, ce sont plutôt des guerres entre les villages qui se retrouvent à Kahani. « Ils s’insultent sur les réseaux sociaux, puis se retrouvent au lycée », constate un membre des EMS (équipes mobiles de sécurité). Selon lui, le moment le plus chaud de la journée est la pause de midi. « Pendant une heure, tous les lycéens se retrouvent devant », poursuit l’homme à la casquette et le t-shirt rouges. Et gare à ceux qui veulent prendre part. En plus de réponses pénales, des sanctions disciplinaires sont souvent prises. « Ce sont les derniers exclus », indique le capitaine, en montrant une feuille où plusieurs noms sont associés aux décisions de l’établissement.

« Si on n’est pas là, ça tiendrait peut-être une journée »

Peu d’établissements scolaires font l’objet d’une surveillance aussi étroite. Outre la douzaine de gendarmes, les EMS, les agents de médiation d’Athis et même des associations de parents d’élèves se croisent au milieu des bus qui se succèdent sur la place en forme de grand rond-point. Des caméras de surveillance surplombent également les lieux. « On s’en sert souvent pour nos enquêtes », assurent les gendarmes. Le dispositif est impressionnant, mais il correspond à un besoin. « Si on n’est pas là, ça tiendrait peut-être une journée. Mais le jour suivant, il y aurait des affrontements », poursuivent-ils.

Et s’il y en a qui se félicite du calme récent, ce sont les chauffeurs de bus, cibles collatérales des affrontements. « On risque nos vies pour des petits salaires. Quand ça chauffe, on vient travailler avec la peur au ventre, admet Chamsidine, qui garde pourtant le sourire aux lèvres. « Mais c’est rien à côté de ceux en première ligne comme les gendarmes. »

Ces derniers constatent que le lieu où la lumière commence à décroître s’est vidé sans problèmes. Le capitaine et le maréchal des logis chef peuvent remonter dans leur véhicule. Il n’y aura pas de nouvelle pluie de pierres aujourd’hui.

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