Ce mardi 12 avril, se déroulait le vote du budget primitif 2022 du conseil départemental de Mayotte. Tous les élus ont approuvé les 325 millions d’euros en fonctionnement et les 156 millions d’euros en investissement. Toutefois, le conseil économique, social et environnemental de Mayotte (Cesem) affiche certains doutes sur les moyens financiers de la collectivité.
« C’est un budget sérieux et rigoureux dans un contexte marqué par la crise. Un budget dynamique malgré les incertitudes et les craintes. » Le temps d’un instant, le président du Département, Ben Issa Ousseni, enfile son costume de comptable pour vanter la bonne gestion des deniers de la collectivité. Un propos introductif développé par Tahamida Ibrahim, la 2ème vice-présidente en charge des finances et des affaires européennes. Pour l’année 2022, le conseil départemental se dote ainsi d’une enveloppe de 325 millions d’euros pour la partie fonctionnement, dont 25 millions de résultat prévisionnel.
En outre, la masse salariale représente 41% (en hausse de 3 millions d’euros par rapport à l’an dernier). « Une augmentation avec un rythme modéré », assure l’élue. En réalité, celle-ci atteint 55.24% si l’on intègre le budget annexe du service des transports maritimes (13 millions d’euros) et celui de la santé et de la protection de l’enfance (37 millions d’euros). Les charges à caractère générale s’élèvent quant à elles à 68 millions d’euros, dont 39 millions d’euros pour le nouveau marché des transports scolaires (contre 30 millions d’euros en 2021) et 8 millions d’euros pour la formation professionnelle. Il faut également intégrer 5 millions d’euros de dotations aux provisions pour faire face à un risque élevé de prescriptions de créances non recouvrées, qui se chiffrent aujourd’hui à 36 millions d’euros, dont la moitié remonte à 2013.
67 millions d’euros de travaux en cours
Pour le volet investissement, les recettes et les dépenses s’équilibrent à 156 millions d’euros. Le remboursement du capital emprunt, les frais d’études concernant notamment 17 projets structurants, les subventions en faveur du bloc communal et aux entreprises affichent respectivement des crédits de l’ordre de 6, 8 et 55 millions d’euros. Les phases de travaux, à l’instar de l’entretien du réseau routier, des pistes rurales, des équipements sportifs, du raccordement numérique ou du quai n°1 au port de Longoni nécessitent une enveloppe de 67 millions d’euros.
Un budget primitif présenté expressément et adopté à l’unanimité par les élus départementaux ! Saisi, le conseil économique, social et environnemental de Mayotte (Cesem) se montre moins enjoué. Dans son rapport, il estime que « le budget 2022 n’est rien d’autre qu’un simple budget de reconduction consistant à maintenir en l’état l’existant depuis maintenant sept ans, faute de moyens de financiers ». Et insiste sur un point : « Le Département a atteint ses limites en matière de financement de ses nombreuses missions assumées, souvent sans compensations de la part de l’État. » Conséquence, la collectivité ne dispose plus de marge pour investir… Or, selon l’institution, « le territoire est confronté à de nouveaux enjeux cruciaux nécessitant un changement de paradigme et une réorientation des politiques publiques en conséquence ».
Palais de justice : « Ce n’est en aucun cas une cession gratuite »
Lors de sa venue les 11 et 12 mars derniers, le ministre de la Justice Éric Dupont-Moretti a annoncé la construction d’un futur palais de justice. Dans la foulée, le président Ben Issa Ousseni a proposé la parcelle où se trouve actuellement la subdivision territoriale de la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) à Kawéni. « Cela remplit toutes les caractéristiques attendues », a confirmé Salime Mdéré, le 1er vice-président en charge de l’aménagement du territoire, des infrastructures et du foncier. D’une superficie de 11.000 mètres carrés, dont 5.808 appartiennent à l’État et 5.192 au Département, « cette emprise offrait un bâtiment neuf et regrouperait les différentes juridictions ». Reste à s’entendre sur « le transfert de propriété » et « les modalités de transaction ». En effet, la collectivité ne compte faire aucun cadeau, comme l’a stipulé le chef de l’exécutif : « Ce n’est en aucun cas une cession gratuite ! »
Le projet de mandature dévoilé dans les grandes lignes
« Nous arrivons au terme d’un long processus débuté en décembre », a souligné le président Ben Issa Ousseni, qui n’a pas manqué d’humour pour présenter très brièvement ce document « réalisée sur fonds publics », sans avoir recours « à de coûteuses agences ». Ainsi a été dévoilé le projet de mandature qui repose sur trois piliers : favoriser un développement maîtrisé et harmonieux et renforcer l’attractivité de Mayotte ; mieux vivre ensemble pour un développement plus solidaire, plus protecteur, plus inclusif, plus innovant ; changer d’ère.
Ce qui n’a pas manqué de faire réagir – poliment – le conseiller départemental Daniel Zaïdani. « Sachez, sans aucune insolence dans mes propos, que je viendrai bien plus souvent vous « emmerder » pour m’assurer que cette ambition se mette en œuvre. […] Je tiens à vous encourager dans cette voie qui nous permettra de relever la tête. » Dans cette feuille de route, on retrouve par exemple la mise en place « rapide » de la gratuité de la barge pour les piétons ou encore le toilettage des tarifs pour les moyens non polluants. Mais aussi et surtout la réalisation d’équipements en vue de l’organisation des Jeux des Îles de l’océan Indien en 2027. « Nous devons dépasser les blocages qui ont pu retarder certains projets », a précisé le chef de l’exécutif. « Nous aurons besoin d’un engagement clair de l’État sur le financement des infrastructures. Nous entamerons des discussions dès la mise en place du nouveau gouvernement, n’est-ce pas Monsieur le ministre ! » Un clin d’œil adressé à son homologue d’opposition, soutien indéfectible de Marine Le Pen, candidate à l’élection présidentielle.