A l’examen de fin de CM2, en math et en français, les enfants de Mayotte sont très, très loin derrière les derniers Français. En collèges, ils ne redoublent pas car il n’y a pas de place. On a ainsi désormais le plus grand collège de France à Doujani, le plus tassé, et les autres sont juste derrière. On leur donne des numéros pour faire illusion, mais la violence gagne les cours de récréation.
Au lycée ils sont stockés en attendant leurs 16 ans. Pour ceux qui passent le bac, et l’obtiennent, la majorité s’échoue sur les bancs des universités. Des milliers d’entre eux ont été exclus du système scolaire et sont livrés à eux-mêmes dans la rue, sans espoir, livrés à l’alcool et à la « chimique » qui fait des ravages tous les jours et génère une violence incroyable.
Les milliers d’enfants, nés de mère en situation irrégulière depuis près de 20 ans, grandissent dans des conditions indignes de la République, sans eau et sans électricité, sur les hauteurs de nos quartiers, dans la forêt… Ils seront Français à leur majorité. Ils n’ont jamais vécu ailleurs qu’ici. Que feront-ils ? Quel regard auront-ils sur la société mahoraise qui les a ainsi si longtemps exclus, rejetés ?
Des centaines, des milliers d’entre ces jeunes basculent dans la délinquance, de plus en plus violente, de plus en plus organisée, armée, faute de travail et d’argent pour leurs parents, faute d’activités dans les communes, faute de prise en charge par les adultes.
Les collectivités locales ont embauché pendant des années des milliers d’agents sans qualification, sans concours, et sont aujourd’hui submergées, asphyxiées par des agents intégrés, indexés et incapables de remplir les missions qu’attendent les citoyens. Pour les payer, il faut des taxes locales, des impôts très élevés : la vie chère… Et en contrepartie les projets n’aboutissent pas, faute de cadres suffisants. La moyenne d’âge de ces agents est de 35 ans. Ils sont là pour 20 à 25 ans au moins.
L’attractivité du territoire est au plus bas. Les médecins, les enseignants ne se battent pas pour venir à Mayotte. Il y a plus de 1.000 contractuels dans l’enseignement, et des stagiaires à l’hôpital. Ils font de leur mieux…
Avec ces importantes charges sur les salaires, sur les importations, avec les nouvelles normes à appliquer, l’absence de mesures efficaces, de dossiers qui avancent vraiment, de chantiers importants, les entreprises peinent, et limitent fortement les embauches. Et le cercle vicieux est largement engagé : chômage, délinquance, baisse de l’attractivité du territoire, renchérissement de la vie…
Quasiment tous les feux sont au rouge. Mayotte brûle !
Je pense qu’il conviendrait rapidement de (re)créer un pacte social mahorais. Il pourrait s’agir de partir de la base : l’Ecole. Une Ecole de qualité, dans de bonnes conditions, avec des enseignants motivés, impliqués, des parents responsables, et des enfants sensibilisés. En parallèle, les communes pourraient orienter une partie de leurs agents à l’encadrement de la jeunesse, sur le plan sportif, culturel, avec des animations, des jeux, des cours de soutien scolaire… La jeunesse serait ainsi remise sur les rails et les parents reprendraient espoir.
Il faudrait pour cela un ambitieux plan de construction des écoles, collèges et lycées, en dur. Et avec 60.000 enfants du primaire qui vont arriver dans les collèges avant 5 ans, il serait temps de s’y mettre et surtout d’y mettre les moyens. Cela créerait des milliers d’emplois directs, et indirects dans l’économie locale. Les exclus du système scolaire pourrait être formés à ces métiers du bâtiment et trouver dans ce secteur un premier emploi. La délinquance baisserait dans la foulée. Toute l’économie repartirait de l’avant.
Les agents des collectivités locales pourraient aussi être orientés vers la propreté, le nettoyage de nos quartiers, la sécurité aux abords des établissements scolaires, la médiation sociale avec les plus en difficultés, plutôt que d’être payés chaque mois et de ne rien faire… quitte à former ceux qui peuvent pour cela.
La mise en place d’une Zone franche globale, sur l’ensemble de l’île, constituerait un geste fort de la part de l’Etat, et participerait immédiatement à l’attractivité de l’île. Les contreparties viendront vite.
Dans le cadre de ce pacte social, il convient d’intégrer toutes les composantes de l’île, que chacun y trouve son compte, toutes les communautés. C’est essentiel pour pouvoir imaginer une suite ensemble.
De l’emploi et une Ecole de qualité, pour permettre de faire vivre sa famille dignement et avec l’espoir apporté pour l’avenir de ses enfants. Une île propre, où il fait mieux vivre, que chacun respecte et dont chacun soit fier !
Un système de santé minimum, au moins, voire bien plus pour pouvoir même rayonner dans notre région. De la formation, des études supérieures de qualité, pour là aussi rayonner, faire rayonner la francophonie dans la région, nouer des liens avec les futures élites, provoquer des contacts, créer des relations durables, saines, constructives. Que Mayotte soit respectée et trouve toute sa place dans sa région. Tout cela servira évidemment à nous, à nos enfants.
Les commerces, les services, le tourisme bénéficieront tous de cette population régionale qui viendra profiter de Mayotte, de la France et de l’Europe. Les compagnies aériennes reviendront. Les loisirs pourront se développer, pour le mieux-vivre de chacun, pour un cadre de vie plus serein, bien plus agréable.
C’est dans cette direction qu’il me semble temps d’aller. Il faut amorcer la machine. Ca coûte cher… Il faut des efforts, des concessions de parts et d’autres. Mais il faut surtout s’y engager, et vite !…
Laurent Canavate
Mayotte Hebdo vise à contribuer au développement harmonieux de Mayotte en informant la population et en créant du lien social. Mayotte Hebdo valorise les acteurs locaux et les initiatives positives dans les domaines culturel, sportif, social et économique et donne la parole à toutes les sensibilités, permettant à chacun de s'exprimer et d'enrichir la compréhension collective. Cette philosophie constitue la raison d'être de Mayotte Hebdo.