Gestion budgétaire des communes : un état des lieux inquiétant

La rencontre entre les élus, la Chambre régionale des comptes (CRC) et les services de l’Etat était cordiale vendredi à l’hôtel de ville de Mamoudzou, mais elle avait parfois du mal à masquer la tension relative entre la préfecture et les maires. Quand le premier cherche à ce que les collectivités territoriales fassent des économies tout en embauchant des employés qualifiés, les seconds font face à une réalité sociale et un chômage de masse sur l’île.

La Chambre régionale des comptes de Mayotte a commencé par dresser l’état des lieux des finances municipales. Elles sont plus qu’inquiétantes. Entre 2012 et 2014, en moyenne 13 collectivités sur 17 étaient en plan de redressement et 22 saisines budgétaires ont été enregistrées à Mayotte, contre 5 à la Réunion à la même période. Les causes sont à chercher dans le manque de rigueur des mairies pour gérer leur budget.

« Le cercle vertueux est un mirage s’il n’y a pas de consolidation rigoureuse des comptes », commente Sébastien Fernandes, président de laChambre régionaledes comptes de la Réunion et deMayotte. La chambre relève même quelques anomalies plutôt surprenantes, comme l’absence de demande de remboursement auprès de l’Etat pour les emplois aidés créés par les municipalités… « C’est dommage de se priver de ces possibilités là », soulignait la CRC.

Dans ses propositions pour endiguer les comptes déséquilibrés, la chambre suggère de limiter les recrutements et d’augmenter la fiscalité, sujet sensible que les élus souhaitent éviter pour ne pas irriter leurs administrés.

Les services préfectoraux ont tenté de minimiser un peu la responsabilité des communes. « C’est normal qu’elles soient en difficulté, car c’est la première année qu’elles sont en charge de prérogatives déjà en place en Métropole depuis des décennies », relativise Farida Boubekeur, directrice des relations avec les collectivités locales.

« Etre maire à Mayotte, c’est plus difficile qu’ailleurs »

La réponse des élus et de leurs équipes administratives ne s’est pas fait attendre face au constat accablant dressé par la CRC. Le directeur général des services (DGS) de Dzaoudzi a été le premier à lancer un cri d’alarme. « On ne peut pas s’en sortir seul car on nous accuse, nous DGS, de ne travailler que 32 heures, mais en réalité je fais 50 heures par semaine », s’indigne-t-il. Et d’ajouter : « l’Etat veut que l’on s’appuie sur le contribuable, mais les impôts ont déjà été multipliés par quatre ».

Ses pairs n’ont pas manqué non plus de rappeler la situation de Mayotte en terme de démographie, en partie à cause de l’immigration clandestine, avec un taux d’augmentations de plus de 2% par an selon l’Insee.

« Vous nous reprochez de trop embaucher, mais pour scolariser le nombre croissant d’enfants, il faut construire des écoles et donc créer des emplois pour entretenir ces établissements », interpelle le premier adjoint au maire de Mamoudzou, Bacar Ali Boto. Avant de conclure : « être élu municipal à Mayotte, c’est plus difficile qu’ailleurs ».

Un confrère lui emboite le pas pour souligner le « cercle vicieux » dans lequel sont empêtrées les collectivités : « on nous demande de réduire notre masse salariale, mais en même temps on nous demande de recruter des salariés qualifiés que l’on trouve difficilement sur l’île ».

L’intercommunalité comme solution

Au-delà des solutions émises plus haut, l’AFD met en avant l’intercommunalité, « mais il ne faut pas que ce soit une stratégie administrative supplémentaire ». La direction des relations avec les collectivités locales (DRCL) a insisté sur cette idée de mutualisation et de solidarité territoriale.

« D’après moi, c’est la priorité », ajoute Farida Boubekeur. Autre suggestion de la préfecture : la mise en place de partenariats public/privé pour que des entreprises interviennent dans certains domaines comme dans le BTP.

Alors que l’Europe s’apprête à distribuer des fonds d’aide à Mayotte, les intervenants ont rappelé la nécessité d’être extrêmement rigoureux. Sébastien Fernandes de conclure : « L’Europe ne distribuera que si elle voit la nécessité de distribuer ».

G.D

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