Une réunion au sujet de l’insécurité était organisée dans l’après-midi de mardi avec le préfet de Mayotte, le conseil départemental, le procureur et la mairie de Mamoudzou. Toutefois, elle s’est tenue sans représentants des habitants. Ces derniers ont ainsi protesté contre le recours aux gaz lacrymogènes des policiers le matin même, quand ils ont voulu bloquer la rocade de M’tsapéré.
Comme prévu la veille, le mouvement de colère des habitants de M’tsapéré contre l’insécurité s’est encore intensifié, ce mardi. Outre les barrages installés le week-end et lundi, de nouveaux devaient voir le jour, notamment sur la rocade qui relie Mamoudzou au sud de l’île dès 3h du matin. Dix-sept tentatives de blocage ont été recensées par la police de Mamoudzou. Au pont des pêcheurs premièrement, puis à Baobab et au rond-point de Doujani, les manifestants profitant du plateau sportif pour passer de l’un à l’autre. Ces essais sont restés infructueux : la police les chassant à chaque fois, parfois à l’aide de gaz lacrymogènes !
Il était clair pour elle qu’il fallait absolument empêcher cet axe majeur d’être complètement bouché. “Il y a un équilibre à tenir entre maintien de l’ordre et droit de manifester”, a confirmé une source policière. Le maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaïla, s’est montré d’ailleurs plus ferme sur l’utilisation de la rocade, un enjeu pour l’économie de l’île, comme moyen de pression des habitants : “Il ne faut pas rajouter du bordel au bordel”. Selon lui, “les délinquants profitent des bouchons pour racketter les gens dans leur voiture”.
Une réunion sans les principaux concernés
C’est le paradoxe de cette crise. À la demande des habitants, le premier magistrat de la ville chef-lieu, le préfet de Mayotte, Thierry Suquet (*), le procureur, Yann Le Bris, et le cabinet du directeur départemental se sont bien réunis dans l’après-midi, mais sans les principaux concernés. Seul un représentant, Dayane, est allé porter le message du refus des riverains de se mettre autour de la table. Il en est ressorti furieux. “J’ai l’impression que le préfet ne comprend pas ce qui se passe. Il nous dit que les moyens sont là”, s’est-il emporté, devant les marches de l’Hôtel de ville. “On en a marre de prendre des coups.”
Présent lui aussi, le procureur Yann Le Bris était invité pour parler des réponses pénales apportées à la délinquance. “Je comprends le sentiment d’impunité des habitants. À peine on arrête des auteurs d’acte de délinquance qu’ils apprennent que de nouveaux actes ont eu lieu”, a-t-il fait observer. Défendant le travail du tribunal, il a rappelé que pour tous les meurtres commis depuis le début de l’année, des suspects ont été arrêtés et placés en détention. “Il y a zéro impunité”, a-t-il soutenu. De son côté, le maire de Mamoudzou a indiqué sa volonté “de continuer à discuter”, regrettant que les habitants aient choisi de ne pas venir. Justement, sur les barrages, ces derniers comptent bien participer à un nouveau mouvement de blocage ce mercredi, cette fois à l’échelle de Mamoudzou.
(*) La préfecture de Mayotte n’a pas donné suite à nos questions.
Les maires eux aussi mobilisés contre l’insécurité
En assemblée générale extraordinaire, ce mardi, les maires ont tenu à réagir sur la situation actuelle à Mayotte. Ils disent constater « une généralisation d’un climat anxiogène sur l’ensemble de l’île », « une multiplication des violences avec armes, avec l’intention de tuer », « une peur de sortir après 18h », « une multiplication des meurtres avec violence dans un laps de temps très rapproché », « une population exaspérée, qui veut se faire justice elle-même », « une recrudescence des actes de torture et de barbarie », « des jeunes très violents, qui n’ont plus peur de rien et de personne » et « un système judiciaire dépassé par le nombre de faits et d’auteurs de violences très graves, malgré les interpellations, faute peut-être d’effectifs et de places suffisantes en prison ». À la fin de leur communiqué, les maires « en appellent directement au premier ministre ». « Une demande de rencontre est sollicitée dans l’urgence parce que cette situation de peur permanente ne peut plus durer », affirment-ils.