Les délais de demande d’asile divisés par trois, « un signal politique » contre les Comores

Les délais pour le dépôt et l’instruction des demandes d’asile à Mayotte seront drastiquement réduits à partir du 1er mai, pour tenir compte des « spécificités » du département, selon un décret paru dimanche dernier au Journal officiel. Nous avons contacté Gérard Sadik, responsable national des questions Asile à la Cimade, pour expliquer cette procédure et ses conséquences.

Voilà une nouvelle qui risque d’en réjouir certains et d’en faire bondir d’autres. Un décret paru au Journal officiel dimanche dernier vise, « pour tenir compte des spécificités de Mayotte […], à réduire les délais de traitement des demandes d’asile aux différentes étapes de la procédure ». À compter du 1er mai, la durée pour remplir et déposer un formulaire en mains propres contre récépissé à l’office français de protection des réfugiés apatrides (Ofpra), qui va implanter une antenne sur l’île aux parfums, passera de 21 à 7 jours, tandis que la période d’instruction se limitera à trois semaines. Un dispositif similaire à celui appliqué en Guyane depuis le 3 septembre 2018.

Et visiblement, cette accélération semble déjà dans l’air du temps ! Depuis un peu plus d’un an, l’État met les bouchées doubles pour combler le retard accumulé : le nombre de dossiers en instance à l’Ofpra se chiffrait à 1.176 en septembre 2021, contre 2.132 au 31 décembre 2020. Face à constat, Gérard Sadik, le responsable national des questions asile à la Cimade, déplore « un effet rattrapage » et une manière de « résorber le stock comme on dit en langage administratif ». Un changement de braquet étonnant tant l’établissement public sous tutelle du ministère de l’Intérieur a de grandes difficultés pour instruire les demandes dans le 101ème département… Les traitements se déroulent soit par visioconférence pour les ressortissants de l’Union des Comores et de Madagascar, soit par mission foraine – tous les deux mois dernièrement – pour les personnes originaires des Grands Lacs (Burundi, Rwanda, République Démocratique du Congo).

Discrimination par nationalité

Si l’Ofpra a pour obligation de convoquer tous les demandeurs, les dés semblent pipés d’avance en fonction des origines des uns et des autres ! « La préfecture de Mayotte demande d’examiner systématiquement les dossiers comoriens et malgaches selon la procédure accélérée – dans un délai théorique de quinze jours – sans la justifier par un motif légal », précise Gérard Sadik. « En outre, alors que les conditions d’accueil sont réduites à leur plus simple expression (des bons alimentaires d’un euro par jour), les Comoriens et les Malgaches n’ont jamais accès aux quelques 170 places d’hébergement existantes, ni même à la domiciliation. D’un point de vue strictement juridique, Mayotte applique le droit européen d’une manière pas tout à fait d’équerre ! »

En résumé, le décret à venir risque de confirmer la tendance actuelle. Inconcevable pour le responsable national des questions asile pour le Cimade. « Il s’agit d’une discrimination par nationalité, cela n’existe nulle part ailleurs en France ». Or, « nous avons tendance à oublier que la situation aux Comores n’est pas bonne ». En d’autres termes, cette « spécificité locale » se résume à « une question de nombre », en aucun cas à « un critère objectif ».

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