En région parisienne, les agents pénitentiaires de la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy (Yvelines) originaires de Mayotte font part de leur dégoût. Les inscriptions anti-mahoraises découvertes dans les toilettes de leur salle de repos mi-janvier les ont choqués et ont créé un climat de suspicion au sein de l’établissement. Afin d’y mettre fin, la direction aurait décidé de porter plainte contre les auteurs des insultes.
“Bande de dégulasses (sic). Tirez la chasse, put… ! Français de Mayotte”, “les singe de Mayotte retourner [illisible] votre cocotier (sic)”. Ce sont ces mots que des agents pénitentiaires de Bois-d’Arcy ont découverts dans les toilettes de la salle de repos, mi-janvier. Des insultes destinées aux surveillants mahorais, qui forment une majorité dans cette maison d’arrêt des Yvelines accueillant près de 700 détenus. “Lors de notre passage à l’École nationale d’administration pénitentiaire, on se passe le mot pour demander Bois-d’Arcy même si la prison est connue pour être difficile. Avec le bouche-à-oreille, notre nombre a continué d’augmenter”, explique Nipo (1), qui est soumis au droit de réserve. Celui-ci fait partie des agents qui ont remonté la présence d’inscriptions à la direction.
Comme ses compatriotes, il est choqué et en colère de voir ces actes de racisme. “On se sent humilié”, confirme aussi Zama (1). “Franchement, ça ne me donne pas envie d’aller travailler. J’ai l’habitude de parler avec tout le monde. Et là, j’ai l’impression d’avoir un ennemi parmi mes collègues.” Le 28 janvier, lui et une partie des autres natifs du 101ème département ont posé un arrêt de travail et ont maintenant l’impression de vivre dans un climat de suspicion envers les collègues non-Mahorais. De son côté, la hiérarchie a tenu à réagir assez vite (2). Dans la même semaine que la découverte des inscriptions, le directeur de la prison a tenu “un discours ferme” devant ses agents et en présence d’un membre de la direction interrégionale des services pénitentiaires. Selon l’auditoire, il aurait rappelé les risques encourus si les coupables se font attraper et qu’une plainte serait déposée. Cela serait fait selon les surveillants.
Des faits déjà vus en 2018 et 2019
La déception des agents est d’autant plus grande que ce n’est pas un problème récent à Bois-d’Arcy. En 2018 et 2019, des tags anti-mahorais avaient déjà été inscrits sur les murs. À l’époque, une remontée d’informations auprès de la direction et un rappel à l’ordre y avaient mis fin. L’ambiance entre les surveillants était revenue à la normale, avant que les tags de janvier ne la plombent de nouveau. Pourtant, le communautarisme est plutôt rare parmi les surveillants. Les équipes, il y en a sept, sont mélangées. Métropolitains, Réunionnais, Antillais, Africains et Mahorais sont ainsi équitablement répartis. Cela évite aussi d’avoir trop d’agents “bonifiables” dans la même équipe.
“Tous les trois ans, on a le droit de repartir sur notre île pour une période de deux mois. En mélangeant, l’administration évite comme ça que les équipes se retrouvent avec d’autres agents en moins”, indique Nipo. En outre, bien intégrés en métropole, de nombreux agents continuent d’y faire carrière. C’est le cas de Zama qui est à Bois-d’Arcy depuis 2019. “Je m'[y] vois rester encore plusieurs années”, admet-il. Dans la maison d’arrêt, les toilettes ont été condamnées rapidement le temps que les inscriptions soient effacées. Les agents mahorais espèrent maintenant ne plus jamais les revoir.
(1) Prénoms d’emprunt
(2) L’administration pénitentiaire n’a pas répondu à nos sollicitations
Le syndicat Ufap-Unsa dénonce “des actes odieux”
“Nous déplorons la récurrence de cette hostilité… Ce n’est malheureusement pas la première fois que de tels actes odieux se produisent au sein de cet établissement pénitentiaire !… Il faut que cela cesse !”, a réagi l’Ufap-Unsa Justice de Paris, la semaine dernière. Ce syndicat présent à la prison de Bois-d’Arcy a dit “se réjouir qu’une action judiciaire soit actuellement en cours pour identifier le ou les auteurs de ces propos racistes et xénophobes”. “Notre organisation syndicale dénonce cette petite haine ordinaire dont les auteurs se cachent derrière le trop entendu « Je ne suis pas raciste… mais… », a-t-il ajouté.