Les choses se précisent puisque les élus auront à se prononcer sur le fond du projet lors de la prochaine session plénière.
Il s’agit de regrouper l’ensemble des directions de service sur deux emplacements principaux, d’une part le siège du conseil général, mal agencé et qui a perdu en visibilité, sans compter son hémicycle, qui conserve une valeur patrimoniale et affective forte, mais qui ne répondra plus aux besoins fonctionnels des élus, notamment lors des assemblées plénières.
Ensuite, il y a le site de l’ancien CFA de Kawéni, construit sur une pente, mais qui pourrait accueillir des bâtiments mieux dimensionnés et un grand parking, situé à un endroit stratégique entre la préfecture et l’hôpital. Le projet dessiné par Benoit Jullien, architecte-urbaniste, coûterait pas moins de 70 millions d’euros. Un coût faramineux dont 37 millions seraient dévolus uniquement au site de Kawéni. Le financement ferait l’objet d’un partenariat public-privé.
Lors de la présentation, les raisons pour lesquelles ce projet devrait voir le jour ont été rappelées : d’une part, il s’agit de regrouper les activités au sein de deux structures au lieu d’une centaine de site actuellement, ce qui devrait, par un coup de baguette magique, “améliorer le fonctionnement des services”.
Ensuite, le pôle administratif permettrait de réduire les dépenses de logement du conseil général. Enfin, c’est une question de prestige et de visibilité, car le “bâtiment actuel est plus petit que celui de la Sim”, vu de la barge.
Il est vrai que le conseil général a payé en 2013 entre 1 et 1,5 million d’euros pour acquitter ses loyers. Et cela, en dépit des efforts consentis puisqu’en 2012, ces loyers s’élevaient à 2,5 millions d’euros, le travail de rationalisation a donc été entrepris avec sérieux et ce projet en fait partie. Cependant en l’espèce, le projet actuel, avec ses 70 millions d’euros, mettrait au bas mot 30 ans à se rentabiliser.
Un autre point a été soulevé lors de la réunion, l’asphyxie que ne manquerait pas de provoquer un tel projet s’il venait à être érigé sur les sites prévus. En effet, Mamoudzou est déjà largement congestionnée, conséquence de l’absence presque totale de planification dans l’aménagement et l’urbanisation du chef-lieu depuis 30 ans.
À toute heure, la circulation peut être perturbée pour la moindre peccadille. Or les travaux sont prévus pour durer “au moins deux ans”, après une période d’étude de deux ans.
Cela signifie une circulation non-stop de camions de matériaux de construction, d’ouvriers. Ce serait donc rajouter des embouteillages aux embouteillages existants.
Les délais de livraison en seraient fortement impactés et par ricochet le coût du projet, pour lequel un seul scénario de financement existe, alors même que le chantier engendre nombre d’incertitudes.
En dehors de ces dépenses imprévues pour le conseil général, le coût réel pour l’économie mahoraise pourrait s’avérer catastrophique. En effet, Kawéni est le poumon économique de l’île, bloquer l’accès principal par plus d’embouteillages, reviendrait à paralyser pendant ce temps l’activité économique de notre île. Sans compter qu’il va falloir reloger les agents du CG pendant cette période en faisant exploser les dépenses de loyers du CG.
Le nombre d’heures de travail perdues, le coût environnemental à cause de la pollution générée par les pots d’échappement, l’impact sur la santé des habitants de Mayotte, l’aliénation de la capacité d’investissement de département provoquée par ce gouffre financier, sont quatre conséquences négatives parmi plusieurs dizaines qui n’ont pas fait l’objet d’une réflexion et d’une évaluation de fond de la part des agents et des élus, qui doivent se prononcer très prochainement.
En définitive, les initiateurs du projet ont évoqué la possibilité d’installer ce pôle administratif hors de Mamoudzou, le site de Tsoundzou a été évoqué. Une hypothèse salutaire, car l’avenir de Mayotte dépendra de la capacité de nos élus à imaginer la déconcentration du grand Mamoudzou et à dessiner une île multipolaire.
Ce projet pose donc une question essentielle : sommes-nous condamnés à dupliquer un modèle de développement et d’urbanisation très hexagonal, pour ne pas dire jacobin, ou serons-nous capables d’inventer une île qui réponde au souci de bien-être durable et d’épanouissement comme le réclament ses habitants ?
Adrien Theilleux
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