Alors que le projet de loi pour un développement accéléré de Mayotte doit être présenté en conseil des ministres en ce mois de janvier, élus, personnalités publiques et membres de la société civiles tentent d’apporter leur pierre à l’édifice. C’est le cas notamment du collectif des citoyens de Mayotte, pour qui le compte n’y est pas et qui exprime son mécontentement dans une lettre ouverte en date du 9 janvier.
Décidément, le projet de loi pour un développement accéléré de Mayotte fait couler beaucoup d’encre depuis le lancement des concertations. À l’occasion des dix ans de la départementalisation, Sébastien Lecornu avait annoncé une consultation express des forces vives, des politiques, des acteurs associatifs et économiques de l’île aux parfums. Des réunions publiques s’étaient alors tenues aux quatre coins du territoire au cours du mois de mai, sous l’impulsion de Jean-François Colombet, alors encore en poste. Silencieux jusqu’à présent, le collectif des citoyens de Mayotte a décidé de sortir la sulfateuse à quelques jours de sa présentation en conseil des ministres.
Dans une lettre ouverte adressée ce 9 janvier au premier ministre, au ministre des Outre-mer, au président du conseil départemental et au préfet actuel, le mouvement présidé par Estelle Youssouffa déplore « l’absence totale de crédibilité de ce texte ». « Nous lisons de vagues promesses non chiffrées sans étude d’impact, mais toutes liées à la réélection du chef de l’État et conditionnées à l’hypothèse de sa majorité au Parlement. […] Nous faire perdre notre temps sur cette bafouille politicienne en pleine trêve des confiseurs et explosion épidémique en exigeant une réponse dans les plus brefs délais (le Département a été saisi en urgence le 17 décembre dernier pour remonter ses propositions, ndlr) pour un habillage de validation est une insulte à notre population et nos élus, une méthode qui dit le bien peu de cas fait de Mayotte par ce gouvernement. » Une première missive qui en dit long sur le rejet affiché par le collectif des citoyens. En effet, ce dernier regrette avec fermeté le manque de réponses apportées concernant la jeunesse, la fiscalité, le patrimoine environnemental terrestre et marins, le réchauffement climatique, ou encore le volcan… Par ailleurs, il dénonce que l’État maintient « l’exception » et « les ordonnances comme la règle à Mayotte », mais aussi que celui-ci empêche « le chemin républicain que nous réclamons avec le droit commun ».
Le néant sur le volet sécuritaire
Sur le fonds, l’association n’y va pas avec le dos de la cuillère. Exemple au sujet de la réaffirmation de l’État régalien et la lutte contre l’immigration irrégulière. Un thème qui lui tient particulièrement à cœur depuis sa création en 2018. « Nous refusons les pouvoirs spéciaux accordées à la mairie de Mamoudzou sans compensation financière ni moyens. » Pis encore, elle dénonce l’absence de solutions majeures telles que le soutien de Frontex, la construction de la base navale militaire à M’Tsamboro, la fin du visa d’exception territorialisé, l’exfiltration automatique des mineurs les plus violents vers des établissements adaptés en métropole et à La Réunion, mais aussi l’annulation automatique des titres de séjour et des prestations sociales des parents de mineurs étrangers condamnés. « Nous ne trouvons aucune mesure pour concrètement renforcer la sécurité des Mahoraises et des Mahorais alors que la violence sur notre île explose. »
Autre thème abordé : l’égalité en matière de droits sociaux (codes du travail, de la santé et de la sécurité sociale). Encore une fois, le collectif des citoyens de Mayotte assure reconnaître « les mêmes manœuvres dilatoires de l’État avec l’organisation d’une énième réunion/consultation/réflexion pour attendre la mort de nos aînés, nos enfants, nos travailleurs, nos assurés, avant qu’ils ne touchent les aides sociales auxquelles ils cotisent et ont droit ». Sans oublier le silence sur la régularisation du financement du centre hospitalier avec un budget et une tarification des actes semblables au système opérant en Hexagone. « Nous réclamons aussi la mise en place ici de l’aide médicale d’État qui permettrait aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins et à Mayotte de chiffrer ce que nous coûte la santé des Comoriens. »
« Que l’État se mette enfin au travail »
Quant au développement accéléré du territoire, le mouvement s’insurge du manque d’ambition affiché par Paris sur des projets économiques structurants, considérés comme essentiels, tels que la piste longue, la construction des axes routiers, la seconde retenue collinaire et l’assainissement… Sur la question de l’eau, il rejette la création d’un établissement public de délégation de maîtrise d’ouvrage, synonyme à ses yeux de « nouvelle usine à gaz dont l’État a le secret » et de « nouvelle catégorie d’irresponsables payés sur les deniers publics ». Pour terminer, le volet sur le renforcement du conseil départemental s’apparente au « retour du toilettage institutionnel proposé par le sénateur Thani en 2019 », « qui trahit le combat de nos aïeux ». « Les compétences de notre actuel statut ne sont pas pleinement exercées et assumées, l’État (et ses acolytes) ne fait pas sa part, mais propose une modification statutaire pour fuir ses obligations envers Mayotte et nous faire avaler un projet autonomiste. » Face à ce constat multiple, le collectif compte bien continuer à jouer son rôle de lanceur d’alerte : « Que l’État se mette enfin au travail et respecte ses obligations envers Mayotte et ses habitants ! » Au risque, le cas contraire, de devoir à nouveau gérer une grève massive comme celle connue en 2018…