Choisir d’être une famille d’accueil ou un LVA, lieu de vie et d’accueil, est un engagement de chaque instant. Les professionnels qui s’engagent dans cette voie doivent souvent faire des sacrifices pour des enfants qui ne sont pas les leurs. C’est le choix qu’on fait Delayde Hassani, responsable d’un LVA, et Liliane Hoareau, assistante familiale. Les deux femmes se vouent pleinement à leurs métiers, mais force est de constater que le système n’est pas toujours idéal et qu’elles doivent composer avec ses difficultés.
Delayde Hassani a fait le choix d’ouvrir les portes de sa maison aux enfants qui ont besoin d’être protégés alors qu’elle n’avait que 24 ans. Cela fait maintenant deux ans qu’elle a transformé son foyer en lieu de vie et d’accueil (LVA) et toute sa famille est mise à contribution. S’engager dans cette profession était comme une évidence pour elle qui a grandi dans ce milieu. « Ma mère était assistante familiale. Aujourd’hui notre maison a la capacité d’accueillir encore plus d’enfants et de faire un accompagnement plus large, c’est ce qui différencie un LVA d’une famille d’accueil », argumente-t-elle. Delayde et son mari n’accueillent que les jeunes filles et les adolescentes qui sont déjà mères. Les aider à construire leur vie de jeunes adultes est la principale source de motivation du couple.
Des convictions que partage Liliane Hoareau, une assistante familiale qui exerce depuis bientôt cinq ans. « Ce n’est pas toujours facile, c’est un grand bouleversement pour ma famille. On a bousculé nos habitudes, mais c’est important de le faire, car les enfants que nous accueillons ont besoin de cadre, d’encouragement, de personnes qui les valorisent. On ne peut pas sauver tout le monde mais si on peut en sauver quelques-uns c’est déjà bien », déclare la mère de famille. Mais cela requière des sacrifices et un investissement total puisque ces professionnelles n’ont pas d’horaires. « Je travaille de jour, de nuit, les week-ends, les jours fériés, je ne compte pas mes heures parce que les enfants sont constamment avec nous », rappelle Delayde Hassani. Un aspect que l’on ne voit pas de l’extérieur. Alors lorsque l’on accuse les familles d’accueil de profiter du système pour gagner de l’argent facilement, la gérante du LVA riposte. « Ce n’est pas ça qui me motive parce que si je devais baser ma rémunération sur mes heures travaillées le compte n’y est pas du tout ! Et puis quand on travaille tous les jours, à n’importe quelle heure, je peux comprendre que l’on demande un salaire à la hauteur », continue Delayde Hassani.
Chaque enfant est un nouveau combat
Afin de mener à bien leur mission, la confiance entre la famille d’accueil et le jeune placé est primordiale. Une étape qui n’est pas toujours évidente pour ces enfants qui ont un passé lourd et compliqué. « C’est plus facile avec les petits, ils s’adaptent rapidement. Avec les adolescents c’est une autre histoire ! », admet Liliane Hoareau. Mais il n’y a pas de mode d’emploi, chaque enfant nécessite un accompagnement personnalisé pour pouvoir s’en sortir et c’est là tout l’enjeu de ce métier. « Pour travailler avec eux, je laisse la confiance s’installer naturellement. Chaque enfant a ses problèmes, son caractère et j’ai aussi le mien. Alors je m’adapte à eux, à leur histoire, je leur montre qu’ils sont dans un cadre sécurisant », précise l’assistante familiale. Et à Delayde Hassani d’ajouter, « Chacun nécessite un accompagnement particulier. Parfois, il faut refaire toute leur éducation. Mais le problème à Mayotte, c’est que l’on détecte assez tard les enfants. La moyenne d’âge en métropole c’est 6 ans, ici c’est quand ils sont ados ou préados. » Conséquence, le processus d’adaptation est donc plus compliqué. Si certains jeunes adhèrent au système, ce n’est pas le cas pour tous.
Des difficultés qui persistent
Les enfants qui sont dans les familles d’accueil et les LVA sont placés par l’Aide Sociale à l’Enfance et la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Le conseil départemental doit s’assurer du bien-être de ces jeunes, mais à Mayotte la réalité est quelque peu différente. « Le système n’est pas idéal parce que l’ASE n’a pas assez d’effectifs, pas assez d’éducateurs qui peuvent faire le suivi de manière correcte. Quand ils placent les jeunes ils pensent qu’ils ont fait leur travail alors qu’ils doivent continuer à les suivre » dénonce la responsable du LVA. Notamment pour les questions administratives. Les jeunes en situation irrégulière sont les plus touchés par ce manque de réactivité. « Si l’éducateur de l’ASE ne s’investit pas assez, le jeune n’est pas régularisé et ça engendre pleins d’autres problèmes. On est obligés de le faire nous-mêmes pour permettre à ces jeunes d’avoir un avenir meilleur. C’est dommage parce que beaucoup ont du potentiel mais ils ne peuvent rien faire parce qu’ils sont sans papiers », témoigne Delayde Hassani. La santé des enfants placés est également source de problème. Le département est supposé payer tous les frais mais l’accompagnement ne suit pas toujours. « La plupart des enfants qu’on a sont issus de l’immigration et n’ont pas de sécurité sociale. Parfois ils nécessitent des soins plus spécifiques et très couteux et le département ne suit pas forcément », affirme Liliane Hoareau. Dans ces cas, elle n’a d’autre choix que d’assumer elle-même les charges si l’allocation versée ne suffit pas.
Même si ces deux professionnelles doivent composer avec autant de sacrifices et de difficultés, elles sont persuadées d’avoir trouvé leur voie et d’être utiles à la société. La réussite de certains jeunes est leur plus belle récompense. « Quand vous avez un enfant qui arrive avec un visage fermé et qu’au bout de quelques semaines il parle et rigole, ça n’a pas de prix. Ou bien quand il arrive en étant en échec scolaire et qu’il repart de chez vous avec un diplôme, c’est ce qu’il y a de plus valorisant pour nous », sourit Liliane Hoareau. Et pour toutes ces raisons, elle le promet, elle continuera à accueillir les enfants qui ont besoin d’aide chez elle tant qu’elle le pourra.