Cette semaine, cap sur l’Ouest de Grande-Terre avec Oulanga Na Nyamba pour le premier suivi de braconnage de l’année 2022. Armés de patience et de bons yeux, les employés et bénévoles de l’association ratissent les plages à la recherche de tortues braconnées.
8h30 ce mercredi 5 janvier sur le sable mahorais lorsque l’équipe d’Oulanga Na Nyamba part pour le suivi des plages de l’Ouest de l’île. Ali, coordinateur de l’équipe protection au sein de l’association, montre le chemin. D’un pas décidé, il s’enfonce dans la malavoune. L’objectif du jour ? Se rendre sur un site de ponte isolé de l’île aux parfums où les braconniers sévissent régulièrement.
À peine arrivé sur le rivage, le petit groupe s’arrête. Sur le platier, la marée laisse apparaître deux carapaces vides. “Regarde si elles ont été marquées”, lance Ali à Mohamed, bénévole et secrétaire de l’association environnementale. Afin de comptabiliser le nombre de tortues braconnées, les membres du réseau d’échouage mahorais de mammifères marins et de tortues marines (REMMAT) marquent à l’aide de bombes de peinture les carapaces que les malfaiteurs laissent derrière eux. Pour l’heure, celles-ci ont déjà été identifiées. L’équipe reprend alors son travail de recherche.
10h30. Direction une nouvelle crique. À l’ombre d’un badamier, des écailles percent la surface du sable immaculé. Consciencieusement, Ali, Mohamed et François-Elie, chargé de projets scientifiques chez Oulanga Na Nyamba, déterrent la carapace. Pas de trace de peinture sur cette dernière. “On voit qu’il manque une partie du corps de la tortue et qu’il reste peu d’écailles. Cette carapace a peut-être déjà été comptée, mais on ne voit plus les marques d’identification”, explique François-Elie. Dans ce cas de figure, les membres du REMMAT réalisent une fiche de constat. Sur celle-ci figure notamment le lieu de découverte, l’état du corps, l’âge probable de l’individu ou encore son espèce. Pour cette tortue verte, l’état de décomposition de la carapace ne permet pas d’en dire long sur le mode opératoire des braconniers. En l’absence de certitude sur le fait que l’animal ait déjà été recensé ou non, la fiche sera alors assignée de la mention “risque de doublon”.
Connaître pour mieux protéger
Braconner une tortue, mais pourquoi ? Quels sont les modes opératoires ? Les motivations des braconniers ? Leurs acheteurs ? C’est ce que tentent de comprendre les agents en charge de la surveillance des plages et des suivis de braconnage chaque semaine. À en croire leurs observations, il y aurait plusieurs classes de la population impliquées dans ce processus. D’un côté les plus pauvres qui braconnent et de l’autre les riches qui achètent. Selon les membres du REMMAT, le prix de la viande de tortue varie en fonction de la tête du client. “À 50 euros le kilo, ce n’est pas n’importe qui peut se le permettre. À ce tarif, on peut acheter un ou deux cartons de mabawas. Ce ne sont pas des personnes dans le besoin qui consomment de la tortue pour leurs tchaks”, témoigne Ali. Par ailleurs, l’appât du gain semble plus fort que les lois et les braconniers agissent en toute impunité, parfois même en plein jour, transportant ces espèces protégées jusque dans le coffre de leurs voitures afin de les découper à l’abri des regards. Un bien triste constat que les associations espèrent voir changer à l’horizon 2022…
Le braconnage en quelques chiffres à Mayotte
Entre 2011 et 2019, dans 76% des cas recensés par le REMMAT, la mortalité des tortues marines était liée au braconnage. Par ailleurs, sur cette même période en moyenne et a minima 179 tortues mortes ont été répertoriées. Aujourd’hui, le REMMAT compte 208 membres ayant suivi une formation et pouvant intervenir sur le terrain en cas de constatation d’un animal mort ou en détresse sur l’île. Parmi eux des salariés et des bénévoles qui viennent mailler le territoire. Le réseau échouage mahorais de mammifères marins et de tortues marines a pour objectifs la prévention, le suivi et la gestion des échouages. Par ailleurs, si vous découvrez une tortue marine ou un mammifère marin mort ou en détresse, vous pouvez contacter cet organisme au 06.39.69.41.41. Un petit geste simple qui peut sauver la vie des animaux qui font de Mayotte un trésor de biodiversité.