Arbitre de football depuis près de 20 ans, Mirhane Abdallah est une référence en la matière sur le territoire. Précoce et considéré comme un futur grand, Gazlacoca a dirigé plusieurs tournois en dehors de Mayotte ainsi que des rencontres de Coupe de France. Néanmoins, il n’a jamais souhaité franchir l’échelon supérieur, afin de pouvoir continuer à développer l’arbitrage mahorais. Entretien.
Flash Infos : Vous avez commencé l’arbitrage à l’âge de 16 ans. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous orienter vers le sifflet plutôt que de percer comme joueur ?
Mirhane Abdallah : Au départ, j’y suis allé pour la simple et bonne raison que mon club, l’UCS Sada, soit à jour sur son quota d’arbitres. Je suis rentré dans le moule en participant à cette aventure avec des amis. Ça a commencé par l’apprentissage des règles du jeu par cœur ! En 2002, la ligue de football mettait en lumière la formation des jeunes arbitres. Avec une douzaine de collègues, nous nous sommes envolés pour La Réunion afin de prendre part à un tournoi : c’est ce genre de manifestation qui m’a définitivement convaincu et qui m’a plu ! Cerise sur le gâteau, il y avait aussi une soirée de gala annuelle pour valoriser les arbitres, ça nous donnait envie de continuer en ce sens.
Puis vers 19-20 ans, on m’a fait comprendre que j’avais un bon niveau, que j’avais un avenir radieux dans ce milieu. Sachant cela, Ahamada Tostao, le président de la commission d’arbitrage, m’a alors convié aux formations destinées à l’élite. Un bon moyen de rencontrer les grands arbitres mahorais de l’époque ainsi que la série de formateurs venus de l’extérieur. Cette expérience m’a forgé, j’ai pu prendre davantage confiance en moi et du recul par rapport à la gestion des matchs.
FI : Dans le football, les arbitres sont régulièrement décriés par les joueurs, les dirigeants, les supporters… Comment faites-vous pour canaliser toute cette animosité autour de votre maillot ?
M. A. : Je dirais que ma sérénité naturelle et mon calme se transmettent aux joueurs. Ce qui permet d’avoir moins de tension pendant le match. Je suis pédagogue dans l’âme, mais je sanctionne quand il le faut, je reste intransigeant sur les fautes. Lors de l’avant-match, je discute avec mes assistants, mais aussi et surtout avec les capitaines des deux équipes pour leur donner mon mot d’ordre : ne pas finir la rencontre avec des blessés ! Je mets avant tout l’accent sur l’intégration physique des 22 acteurs. Depuis tout ce temps, les formations connaissent mon style d’arbitrage. Je m’emploie à garder cette ligne de conduite pour être prévisible.
FI : Au fil des années, vous êtes devenu une référence dans l’océan Indien avec plusieurs tournois à votre actif en dehors des frontières, notamment à La Réunion, aux Seychelles et en métropole. Comment faites-vous pour jongler entre votre activité professionnelle d’entrepreneur, celle d’infirmier sapeur-pompier volontaire et votre passion pour l’arbitrage ?
M. A. : Tout est question d’organisation car il faut aussi savoir que j’ai une vie de famille. Heureusement, ma femme est très compréhensive. Elle sait à quel point je suis passionné d’arbitrage ! Elle fait tout pour être arrangeante. Pour mes activités professionnelles, j’ai fait en sorte de ne pas me rendre indispensable tout en m’assurant qu’elles fonctionnent sereinement. Vous savez, arbitrer des rencontres seniors à seulement 18 ans m’a apporté une réelle plus-value dans ma vie d’entrepreneur, comme la gestion humaine, la gestion du stress…
FI : Le 14 novembre dernier, la fédération française de football a fait appel à vos services pour diriger la rencontre entre Petit-Quevilly Saint-Julie et l’AS Poissy à l’occasion du 7ème tour de la Coupe de France. Près de quatre ans jour pour jour, après avoir arbitré un 8ème tour à La Réunion. Quel souvenir en gardez-vous ?
M. A. : C’était vraiment un moment exceptionnel car il s’agit d’un niveau que nous ne connaissons pas ici. Ce moment m’a fait penser à mon examinateur, l’ancien arbitre professionnel, Éric Poulat, lors de la validation de mon niveau fédéral 4 en 2014. Lors de sa venue, il était choqué de voir qu’il n’y avait pas de vestiaire pour nous à Mayotte. Je lui ai alors dit que ce mot n’existait pas dans le dictionnaire (rires). Il a trouvé très courageux d’évoluer dans de pareilles conditions. Au vu des infrastructures sur l’île, c’est d’autant plus valorisant d’arriver à arbitrer de tels matchs !
FI : Comme les Jumeaux de Mzouazia, allez-vous pouvoir prolonger le plaisir ?
M. A. : Ma femme est originaire de Mzouazia, c’est une grande supportrice des Jumeaux ! Lors du 8ème tour, j’ai laissé la place à un jeune arbitre mahorais qui devait valider son niveau fédéral 4. Pour la suite de la Coupe de France, je ne sais pas ! Jusqu’à maintenant, l’opportunité ne s’est jamais présentée… L’entrée en lice à ce stade de la compétition des clubs de ligue 1 ne joue pas en ma faveur. En tant qu’amateur, cela me paraît compliqué d’être désigné sur ce genre de match. Après si ça arrive, ce serait tout simplement monstrueux !
FI : À 35 ans, quelles sont vos inspirations pour la suite de votre carrière ?
M. A. : Mes différents formateurs m’ont tous poussé à partir en métropole à un moment ou à un autre pour essayer de percer comme arbitre professionnel. Or, je reste persuadé qu’il faut que je reste à Mayotte pour participer au développement de notre arbitrage. Je suis très épanoui. Peu importe le niveau, quand je suis sur le terrain avec un sifflet dans la bouche, je suis comme un gamin de deux ans. Je me vois encore officier encore quelques années tant que le corps continue de répondre.
J’ai été élu meilleur arbitre de Mayotte à plusieurs reprises, mais tout cela n’aurait pas été possible sans le travail de la commission, des formateurs et de nos assistants qui ne sont pas assez mis en lumière et qui excellent. La ligue de football travaille d’arrache-pied pour nous offrir la possibilité de rayonner à l’extérieur du territoire. Si j’ai encore l’occasion d’arbitrer des tournois régionaux ou des matchs de Coupe de France, j’irai avec grand plaisir. Ça apportera une autre image du département !