Le Mozambique a vécu près de 15 ans de guerre de libération nationale, puis autant de guerre civile, laissant des populations traumatisées, des territoires ravagés.
Mayotte a eu la chance, l’intelligence de ne pas se retrouver dans de telles situations. Mais au même titre que la démocratie, la paix est une chose fragile qu’il convient de chérir, de protéger, de défendre si nécessaire. La pauvreté, la misère intellectuelle et l’avidité sont mauvaises conseillères.
Dans un territoire en guerre, comme l’Europe le fut si souvent, les populations pensent d’abord à protéger leurs vies, leurs enfants, puis ensuite à manger, à trouver un abri le plus sûr possible, quitte à fuir dans des exodes dramatiques.
Dans un territoire en guerre, seule la survie compte. Il n’y a pas de place pour le confort, pour le surplus, pour le gaspillage. Il n’y a pas de place pour les récriminations syndicales ou les complaintes ridicules, pour les revendications superficielles ou un temps de loisir.
Il y a en revanche la place pour l’héroïsme, pour la solidarité, pour le partage. L’Homme se réfugie dans ces dernières valeurs, s’y accroche, et il lui reste l’espoir de sortir de cette nuit de mort et de violence, sortir de cette période de honte où l’homme retrouve parfois l’animal.
Mayotte n’a pas connu la guerre et c’est tant mieux. Il ne faut souhaiter à aucun territoire, à aucune population de vivre dans la guerre, pour ses enfants, pour l’Humanité.
Et en temps de paix, l’Homme peut révéler tout son génie, son intelligence. Il peut bâtir, aménager, améliorer sa vie et celle de ceux qui l’entourent. Certains prennent ce rôle entre leurs mains et s’y attellent pour des groupes, des communes…
L’Homme s’organise, gère, prévoit, imagine, rêve…
Mayotte est une île de paix, et ses enfants peuvent rêver la nuit venue. En (toute) sécurité ? Dans un lit douillet ? A l’abri de la faim ? Ce n’est pas sûr. Du tout.
Mayotte est une île en paix, mais il y a beaucoup à faire, une fois la paix (re)venue. Les territoires détruits le savent trop bien. Il faut pardonner, pour que tous se retrouvent, ensemble. Il faut ensuite travailler, sérieusement, honnêtement, pour (re)construire.
Il faut alors un toit digne pour chacun. Un rapport sur « L’habitat indigne et insalubre dans l’Outremer : un défi à relever », de septembre 2009, fait état d’un « sentiment d’échec » et de plus de 50.000 logements concernés.
Les centaines ou milliers d’enfants abandonnés, livrés à eux-mêmes dans les rues de Mamoudzou, que le Défenseur des droits Dominique Baudis devait aider, sont autant d’orphelins de guerre. L’accès de tous à l’eau et à l’électricité, un système de santé correct, des voies de communication praticables, sont autant d’éléments nécessaires à un territoire pour se (re)lever.
Mayotte n’a pas connu la guerre, mais l’abandon relatif dans lequel l’île a vécu durant des décennies la positionne comme certains théâtres de guerre.
Les infrastructures doivent être là. Un Plan Marshall, la communauté internationale, la solidarité nationale sont des vecteurs à activer pour (re)mettre le territoire sur pieds. Le chemin qui nous mènera à Mayotte 2025 doit être tracé. Il convient à chacun de participer au redressement, au redémarrage des institutions, des activités, des entreprises, du commerce.
La sécurité doit être au rendez-vous, sécurité des personnes, des biens, mais aussi sécurité sociale, pour les plus démunis, les victimes d’accidents de la vie. Une solidarité nationale s’organise.
Puis viennent ce qui est parfois considéré comme plus accessoire : la protection de l’environnement, du lagon, la culture, les loisirs, les arts…
Mayotte est une île en paix, mais tous ces combats sont à mener en parallèle. Il y a des parties de la population à tous les niveaux : certaines cherchent à manger, d’autres rigolent à Gohou, c’est ainsi, et ce sont parfois les mêmes. Il faut bâtir des maisons, des écoles, mais aussi un théâtre, construire des routes et des ports de plaisance, aménager des plages et des fronts de mer. Il faut de l’électricité pour enfin éclairer certaines maisons, mais aussi de bonne qualité, pour ne pas abimer le matériel informatique sensible et si nécessaire.
Mayotte est une île en paix, mais il faut engager sans tarder la bataille contre le chômage si destructeur pour la paix sociale, pour créer des emplois, de la valeur ajoutée, pour financer tout cela.
Mayotte est une île en paix, et c’est tant mieux !
Laurent Canavate
Mayotte Hebdo vise à contribuer au développement harmonieux de Mayotte en informant la population et en créant du lien social. Mayotte Hebdo valorise les acteurs locaux et les initiatives positives dans les domaines culturel, sportif, social et économique et donne la parole à toutes les sensibilités, permettant à chacun de s'exprimer et d'enrichir la compréhension collective. Cette philosophie constitue la raison d'être de Mayotte Hebdo.