Cela fait presque dix mois que les avions de la compagnie Kenya Airways ne se sont pas posés sur le tarmac de l’aéroport de Mayotte. De longs mois qui ont mis la patience des passagers à rude épreuve et qui ont affaibli la santé financière de l’agence de voyage Rogers Aviation basée dans le département. L’attente prendra fin à partir du 3 novembre, date de reprise des vols Kenya Airways. Mais pour monter à bord, les voyageurs devront se plier à des mesures sanitaires plus exigeantes que celles demandées par les autres compagnies qui desservent l’île. Nash Emrith, le directeur de l’agence Rogers Aviation Mayotte, nous explique en détails.
Flash Infos : Cela fait plusieurs mois que Kenya Airways n’était pas autorisé à se poser à Mayotte. Qu’est-ce qui a changé la donne ?
Nash Emrith : La situation sanitaire s’est nettement améliorée comparé au début d’année où c’était très tendu. On suivait l’évolution chaque mois, on faisait des demandes assez souvent au-près de la préfecture, mais on nous avait expliqué que la situation était un peu compliqué et que ça allait prendre du temps. Quand l’État a autorisé les vols vers les Comores, on nous avait dit qu’il fallait encore patienter un peu. En octobre, on a fait le maximum que l’on pouvait, on a sollicité une nouvelle fois la préfecture et on a été soutenus par les élus et cette fois-ci, ça a porté ses fruits.
FI : Dans quelles conditions allez-vous reprendre les vols ?
N. E. : On reprend dès le 3 novembre et dans un premier temps, on aura trois fréquences par semaine : lundi, mercredi et vendredi. Les vols iront à Nairobi et puis les correspondances se feront pour Paris, Dubai, Dar es Salam.
FI : Quelles sont les mesures sanitaires à respecter si l’on veut voyager avec Kenya Airways ?
N. E. : Pour pouvoir voyager avec Kenya Airways, il faut que les passagers aient leur schéma vaccinal complet, c’est obligatoire à partir de 12 ans. Il faut aussi un test PCR de moins de 72h. Les tests antigéniques ne sont pas acceptés. Ces mesures s’appliquent à l’aller et au retour. On a aussi pris des mesures additionnelles en interne. Une fois arrivés à Nairobi, les passagers qui seront en transit seront installés dans un terminal dédié, c’est-à-dire que tous les voyageurs de Mayotte seront ensemble, ils ne seront pas mélangés avec les autres transitaires venant d’autres destinations.
FI : Pourquoi est-on obligés de faire un test même lorsque l’on est vacciné ?
N. E. : Parce que l’on respecte les conditions des deux pays, le Kenya et la France. Le ministère de la santé au Kenya a mis en place des protocoles sanitaires et tous les passagers qui passent par le Kenya doivent présenter un test PCR. Ils n’acceptent pas les tests antigéniques. Par contre, ils ne demandent pas l’obligation vaccinale, mais comme à Mayotte c’est exigé pour pouvoir voyager alors on a mis en place toutes ces conditions afin de respecter les mesures de chaque pays.
FI : Les autres compagnies, Corsair et Air Austral, n’exigent pas l’application de toutes ces mesures en même temps. N’avez-vous pas peur de perdre des clients de cette manière ?
N. E. : Cela peut arriver, mais on est confiants. Le pass sanitaire va devenir une réalité tôt ou tard. Il y a déjà des pays qui obligent les gens à être vaccinés, notamment Singapour et l’Arabie Saoudite. Il y aura toujours quelques personnes qui seront réticentes à faire le vaccin. Elles vont préférer voyager avec Corsair ou Air Austral, mais on n’a pas le choix.
FI : Comment avez-vous gérer ces longs mois d’attente ?
N. E. : C’était extrêmement compliqué. Notre dernier vol en 2021 date du 12 janvier… Nos clients n’arrêtaient pas de nous solliciter. Les commerçants n’ont pas pu voyager parce qu’ils partent plu-tôt à Dar es Salam et à Dubai pour acheter leurs marchandises. Heureusement, la majorité de notre clientèle a compris que ça ne dépendait pas de notre volonté mais qu’on devait respecter l’arrêté préfectoral. Cependant, on a aussi eu des passagers qui voulaient être remboursés afin de pouvoir voyager avec d’autres compagnies. On l’a fait, ce qui était un peu malheureux. Ces derniers mois, on a eu beaucoup de voyageurs qui ont demandé un remboursement pour ensuite par-tir aux Comores et prendre Kenya Airways là-bas. On a perdu de l’argent et ce sont nos confrères qui en ont bénéficié, mais c’est comme ça.
FI : Dans quelles mesures la santé financière de l’agence a été touchée ?
N. E. : Notre situation financière à Mayotte est très délicate, on a pris un coup. Pendant neuf mois, on a remboursé autant que l’on pouvait alors que les ventes étaient rares. En une semaine, on vendait peut-être trois billets. On a pu survivre grâce à nos réserves. On porte nos espoirs sur cette fin d’année où normalement il y a beaucoup de ventes. S’il fallait attendre l’année prochaine pour reprendre les vols, je pense qu’on aurait été dans une situation financière très grave.
FI : Quelle est votre stratégie pour maximiser le nombre de ventes ?
N. E. : On est en train de la peaufiner. Mais de toute façon, si l’on compare aux tarifs qui sont sur le marché, Kenya Airways a des prix très compétitifs. On va miser là dessus. Cependant, il faut savoir qu’avec seulement trois vols par semaine, on ne peut pas brader les prix et on ne pourra pas satisfaire toutes les demandes. On a travaillé longuement avec le siège à Nairobi pour assurer que sur les trois vols, on puisse offrir toutes les correspondances qui sont très demandées à Mayotte. Si la situation s’améliore davantage, on pourra passer à quatre et à partir de l’année prochaine, si tout se passe bien, on va faire une demande pour opérer cinq vols par semaine. On espère que cette fois-ci la situation sanitaire va nous épargner un peu.