Depuis quelques semaines, l’insécurité à Mayotte a atteint un autre niveau. Les mairies sont devenues les cibles des délinquants. Le dernier exemple en date est celle de Ouangani. Les véhicules du maire, de sa femme et d’un autre élu de la municipalité ont été incendiées. Des actes qui poussent la commune à renforcer sa politique de sécurité.
Trois voitures brûlées en moins de 48 heures… C’est le triste constat que fait la municipalité de Ouangani ! Le jeudi 14 octobre, le véhicule du maire de la ville et celui de sa femme ont été calcinés dans un incendie et tout porte à croire qu’il ne s’agit pas d’un accident. « Nos voitures étaient garées côte à côte, et bizarrement il y en avait une troisième à côté qui n’a pas été brûlée même si elle est un peu touchée. Je ne suis pas enquêteur, mais selon ce que j’ai vu, il s’agit d’un acte délibéré et criminel », déclare Youssouf Ambdi El Haddaoui, le maire de Ouangani. Ce dernier a aussitôt porté plainte, mais c’était sans savoir qu’un évènement similaire allait se reproduire quelques heures plus tard.
Dans la nuit de vendredi à samedi, l’automobile de l’élu chargé de la sécurité à Ouangani a subi le même sort. « Mon voisin m’a appelé dans la nuit, vers 1h45, pour me prévenir que ma voiture était en feu. Nous avons rapidement contacté les pompiers et la gendarmerie », raconte Fahar-dine Bourhane Saïd, l’élu en question. Suite à cela, la voiture de la police municipale a été caillassée. Des actes répétés et ciblés qui laissent penser à une stratégie d’intimidation. « Je ne vais pas m’hasarder à des soupçons qui ne seraient pas fondés. Chacun y va de son commentaire, mais je préfère laisser la justice faire son travail », rétorque le maire de Ouangani. Place toute de même aux interrogations… Personne n’arrive à expliquer ces évènements, qui font écho à l’incendie de la mairie de Koungou il y a de cela quelques semaines. « Je me suis posé plusieurs questions pour savoir à quoi c’est dû. Il y a un an, nous avions mené une opération de démolition de bangas à Kahani donc je ne sais pas si c’est lié à cela. C’est peut-être dû aussi à ma prise de position par rapport à Koungou, je ne sais pas… », s’interroge le premier magistrat de la ville. Il trouvera peut-être des réponses à l’issue de l’enquête, mais pour le moment il doit penser à la suite, et notamment à la sécurisation de son territoire.
Couvre-feu et augmentation des effectifs de la police municipale
Ces récents événements ont poussé les agents de la mairie de Ouangani à exercer un droit de re-trait du vendredi 15 au lundi 18 octobre en guise de solidarité envers leurs élus et collègues. Ils veulent « dénoncer ce climat d’intimidation et de menace permanent ». De son côté, l’édile a voulu riposter rapidement en instaurant un couvre-feu dans sa ville. « Nous avons échangé avec le préfet et nous avons décidé de mettre en place le couvre-feu dans la commune jusqu’au 24 octobre pour éviter que ce genre de choses se répètent ! Pour le moment, il est respecté », se console Youssouf Ambdi El Haddaoui. Les forces de l’ordre seront également plus présentes à Ouangani, mais cette solution n’est que temporaire.
La commune est consciente qu’elle doit renforcer sa politique en matière de sécurité. Pour cela, elle va explorer plusieurs pistes, en commençant par le renforcement des effectifs de la police municipale. « À Ouangani, nous n’avons que quatre agents de la police municipale assermentés, plus les médiateurs qui doivent assurer la sécurité de plus de 10.000 habitants. Nous avons l’intention d’augmenter l’effectif et nous espérons arriver à dix policiers municipaux d’ici le milieu de l’année 2022 », annonce le maire de la ville. Cette hausse permettrait aux agents d’effectuer des rondes 24h/24, comme le souhaite Youssouf Ambdi El Haddaoui. Multiplier le nombre de poli-ciers est une chose, mais cela ne résoudra pas tous le problèmes ! Selon, Fahardine Bourhane Saïd, il est indispensable de mener un travail de fond avec la population. « Nous allons mettre en place le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Nous allons faire travailler nos services sociaux pour connaître un peu mieux notre population et relever leurs difficultés. Nous ne pouvons pas l’abandonner », souligne l’élu en charge de la sécurité.
« Le niveau de violence à Mayotte est déjà son maximum »
Mairie de Koungou, représentants de la commune de Ouangani… Les délinquants de Mayotte semblent avoir trouvé de nouvelles cibles en s’attaquant directement aux autorités. Mais ont-il des limites ? « Le niveau de violence à Mayotte est déjà son maximum et je ne sais pas jusqu’où ça peut aller. Tous les jours, il y a de nouvelles choses et nous avons l’impression de ne pas avoir encore atteint le pic de violence », déplore le maire de Ouangani. Pourtant les réunions de crises s’enchaînent dans le département, mais aucune solution ne semble assez efficace pour mettre fin à cette vague de violences qui persiste depuis maintenant dix ans.
Un constat qui pousse chacun à se demander pourquoi les mesures qui découlent de ces rencontres ne donnent pas le résultat escompté. « Je n’ai pas la réponse ! Et j’invite tout le monde à s’interroger pourquoi ça ne marche pas », répond tout simplement Youssouf Ambdi El Haddaoui. Il est cependant sûr d’une chose : « Mayotte est en train de nous échapper. Il faut que tout le monde se ressaisisse pour rattraper ce qui est rattrapable. Nos ancêtres se sont battus pour Mayotte française, nous devons nous battre pour la reconquête de Mayotte. »