Demi-finaliste malheureux de la dernière édition de la Coupe de France avec son club du GFA Rumilly Vallières, Houssame Boinali est revenu quatre jours à Mayotte, du jeudi 30 septembre au dimanche 3 octobre. Un séjour au cours duquel il a pu longuement échanger avec pléthore de footballeurs et de dirigeants et revenir sur sa carrière de joueur semi-professionnel. Selon le latéral droit, le 101ème département regorge de talents. Encore faut-il que les jeunes puissent s’entraîner dans de bonnes conditions. Entretien.
Flash Infos : Vous rentrez tout juste d’un séjour de quatre jours à Mayotte. Quels souvenirs gardez-vous de votre passage sur l’île aux parfums ?
Houssame Boinali : L’accueil à l’aéroport, sans aucun doute ! Un très très bon souvenir… Quand le comité régional olympique et sportif m’a proposé de venir, je n’ai pas hésité une seconde. Au contraire, j’ai sauté sur l’occasion, je tenais réellement à venir rencontrer la population. C’était très marquant. Cela avait une autre saveur que lors de mon passage en juin, qui était plus un retour aux sources.
FI : Une belle entrée en la matière avant votre déplacement à M’Tsangamouji, votre village natal, non ?
H. B. : C’était un grand moment de partage que je n’oublierai jamais. Franchement, je ne m’y attendais pas du tout ! Je pensais qu’il y aurait simplement quelques élus de la commune et les membres de ma famille… Mais tout le village était là. C’était un peu la même émotion que celle ressentie lors de la demi-finale de la Coupe de France. S’il n’y avait pas eu de convoi exceptionnel de la police municipale, je pense que je ne serais jamais arrivé à destination (rires). C’était très touchant, cela me donne encore plus de motivation pour me battre. Je les en remercie, c’était magique !
FI : Vous comparez la ferveur de Mayotte à celle de la Coupe de France, c’est fort ! Justement, racontez votre épopée fantastique qui a mené votre club, le GFA Rumilly Vallières jusqu’en demi-finale contre Monaco en avril dernier.
H. B. : En Nationale 2, la saison était déjà arrêtée à cause du Covid-19. Avec mes coéquipiers, nous savions que la Coupe de France était notre seule chance de continuer à jouer au football. Nous nous sommes attachés à cette philosophie. Nous avons disputé chaque match comme s’il s’agissait d’une finale. Nous avions une équipe solidaire, qui vivait très bien ensemble, avec un fin technicien à nos côtés pour nous guider. Il y avait une concurrence très saine entre nous !
FI : Tout au long de ce parcours extraordinaire, vous en avez profité pour dégager une image positive de Mayotte et faire parler du 101ème département en bien.
H. B. : À la fin de chaque match, je sortais le drapeau de Mayotte pour célébrer la victoire. C’était une manière d’apporter mon soutien à la population en cette période de crise sanitaire, mais aussi de montrer à la France entière que Mayotte, ce n’est pas seulement des épisodes d’insécurité qui font les gros titres. D’ailleurs, les collègues me poussaient même à aller le chercher lorsque je l’oubliais ! Dans le football, la superstition tient un rôle important. Il était tout simplement devenu notre porte-bonheur ! Grâce à cette visibilité, des milliers de Mahorais ont suivi notre parcours. J’ai reçu de nombreux messages de proches, mais aussi d’inconnus. Ça m’a poussé à me surpasser.
FI : Au-delà de l’effervescence, vous avez visité lors de votre venue l’école de Dembéni, labellisée Génération 2024, ou encore rencontré les sections sportives féminine et masculine. Quels messages avez-vous voulu leur adresser ?
H. B. : Tous ces jeunes ont dégagé de l’envie et de la motivation. À travers nos échanges, j’ai essayé de leur transmettre ma « petite » expérience de Mahorais de 25 ans, qui a fait ses cartons pour suivre sa femme qui voulait rentrer en métropole en 2019. Tout est question de détermination : il faut toujours y croire, se donner les moyens de réussir et surtout bien gérer son temps. À Mayotte, il y a énormément d’aléas qui rentrent en jeu. Il faut savoir être exigeant avec soi-même et éviter les mauvaises fréquentations. Sachant cela, l’entraînement est le seul moyen pour atteindre ses objectifs.
J’ai été agréablement surpris par les sections sportives, notamment celle des féminines qui est en train de se structurer. De ce point de vue-là, je suis très fier du travail formidable réalisé par la ligue. D’ailleurs, mes dirigeants qui m’accompagnaient durant ce voyage ont même repéré deux ou trois filles. Cette expérience permet d’acquérir un bagage assez solide pour la suite. Toujours est-il que c’est la répétition du geste qui joue dans la progression.
FI : Justement, pour continuer à progresser, il faut aussi avoir des conditions d’entraînement dignes de ce nom afin d’atteindre le haut niveau…
H. B. : Tout à fait ! Le point négatif dans tout cela, ce sont vraiment les terrains et les infrastructures. Cela laisse un goût de (il se coupe)… À Mayotte, nous sommes vraiment en retard. L’État doit vraiment faire un effort. D’autant plus que le comité régional olympique et sportif et la ligue de football s’investissent et sont à fond derrière les athlètes. Malheureusement, ils n’ont pas la main sur tous ces travaux. C’est un gros frein dans la progression de ces jeunes qui ont un réel talent. Physiquement, ils dégagent quelque chose de plus, quelque chose d’inné. Si nous arrivons à gommer ces problèmes structurants, nous pourrions accélérer leur percée au plus haut niveau…
À nous ensuite, joueurs professionnels et semi-professionnels, de les accompagner lorsqu’ils débarquent en métropole, de les motiver, de leur faire comprendre que nous sommes passés par cet inconnu, de les orienter, de les aider à trouver un club, etc. Pourquoi ne pas créer une association en Hexagone pour les soutenir ? Nous devons faire cette démarche et travailler tous ensemble. Personnellement, je suis prêt à m’investir !
FI : À vous écouter, votre après-carrière semble toute tracée.
H. B. : Disons que cette venue à Mayotte m’a également permis de réfléchir à la suite. J’ai la volonté de passer mes diplômes d’entraîneur dans le but d’amener les jeunes au plus haut niveau. J’ai cette vocation de la transmission. Pour finir, j’aimerais adresser un dernier mot à la population : pour reprendre une pratique sportive, quelle qu’elle soit, j’encourage les jeunes mahorais à se faire vacciner ! La saison a repris, il est l’heure de reprendre une vie normale et sportive le plus rapidement possible.