Entre les affrontements Combani/Miréréni, la grogne des transporteurs, et l’opération de destruction de Koungou, la semaine a repris sur les chapeaux de roue. Un climat tendu dans le 101ème département qui pénalise surtout ses quelque 100.000 élèves.
Il n’y a pas un chat, ce lundi après-midi, au lycée de Kahani. La porte reste résolument fermée, décision ayant été prise par le recteur Gilles Halbout de repousser le retour des élèves à mardi. La faute, une fois de plus, de caillassages d’autobus sur l’axe Kahani-Combani. Jeudi dernier, c’étaient les élèves du lycée de Dzoumogné qui récoltaient les pierres, le tout poussant les transporteurs à annoncer un nouveau droit de retrait reconductible dès ce lundi, à peine une semaine après la signature d’un protocole pour les mêmes raisons, mardi dernier.
“Nous ne comptons plus le nombre de protocoles de crise qui ont été signés sans que nous ayons un apaisement de la situation, au contraire, nous assistons à un montée en puissance de la violence qui a atteint des sommets inédits”, dénonce à juste titre l’intersyndicale FO et UI CFDT, dans son communiqué, qui appelle aussi à une mobilisation le 5 octobre prochain, pour la grève nationale. Parmi leurs revendications, dans le désordre : la renégociation de l’accord de sécurité au niveau départemental, l’application dissuasive de la loi vis-à-vis des préjudiciables, la mise en œuvre de moyens régaliens pour assurer la sécurité du personnel et des usagers mais aussi une rencontre sur la sécurité avec les ministères de l’Intérieur et de la Justice, le Département, les transporteurs et les organisations syndicales…
Match Miréréni/Combani, balle au centre
Conséquence de ce ras-le-bol : aucun ramassage des élèves n’a pu avoir lieu ce lundi. Sur le pont depuis 4h30 du matin, les gendarmes ont, eux, veillé au grain, notamment aux abords des abribus pour éviter tout débordement, au cas où la nouvelle du droit de retrait n’aurait pas circulé partout. Et sans surprise, leurs efforts ont dû se concentrer sur la zone Miréréni/Combani, encore le théâtre de heurts tout au long de la journée. La veille, un jeune de Miréréni avait été sévèrement blessé à la jambe et évacué au CHM, et les violences urbaines ont donc persisté ce lundi, en guise de représailles. Au niveau de la démarcation, sur le pont entre les deux villages, des déchets ont ainsi entravé la circulation des automobilistes. Une déviation a été mise en place dès 8h, pour permettre aux habitants de rejoindre Combani. Aucun automobiliste n’a été blessé ni de véhicule dégradé, d’après la gendarmerie. Les incendies de deux bangas ont pu être circonscrits par les pompiers sous la protection des forces de l’ordre.
Une nouvelle qui a d’ailleurs rapidement fait le bouche-à-oreille. “Les gens de Combani m’avaient dit qu’ils venaient, mais finalement non, apparemment il y a des trucs qui brûlent…« , souligne ainsi une parent d’élève bien informée, à peine arrivée au lycée de Kahani, où avait lieu lundi après-midi une réunion avec le rectorat pour échanger sur ce climat d’insécurité. “En revanche, ceux de Miréréni, je ne sais pas”, ajoute-t-elle, aussitôt suivie par quelques rires jaunes. “S’ils doivent passer par Combani, il y a peu de chance”, note avec justesse Rafza Youssouf Ali, la présidente de l’union départementale de la confédération syndicale des familles.
Reprise progressive à Kahani
À l’issue de cette rencontre, “nous avons rappelé certains engagements pris dans le cadre du renforcement de l’éducation prioritaire sur Dzoumogné, Kahani et le lycée du Nord”, explique le recteur Gilles Halbout. À savoir, le renforcement de moyens humains avec des personnels d’encadrement de la vie scolaire, les fonds sociaux pour les élèves, et des engagements pour les travaux d’extension et de rénovation. Cette réunion a aussi été l’occasion de rappeler la “grande fermeté” envers les fauteurs de trouble, parfois scolarisés au sein même de l’établissement. Des sanctions pourront être prises à leur encontre. La reprise, mardi, sera ainsi progressive, pour “accompagner les élèves” et aussi pour “rappeler à l’ordre”, indique le recteur. “Personne ne peut avoir une assurance totale en matière de sécurité, mais nous sommes satisfaits des engagements”, souligne Rafza Youssouf Ali, ajoutant qu’un dispositif “parents pairs”, à l’intérieur du lycée sera aussi mis en place. “Nous n’allons pas nous mettre en droit de retrait, ce serait donner encore raison aux fauteurs de troubles, alors que l’éducation a déjà du retard à Mayotte.”
Dzoumogné emboîte le pas ?
En plus de la fermeture de Kahani, et du mouvement des transporteurs, un courrier d’un enseignant du lycée de Dzoumogné a lui aussi évoqué un droit de retrait, depuis le 24 septembre. “Aujourd’hui, nous avons conscience que l’Éducation nationale a fait beaucoup pour sécuriser le site, mais peut-on sécuriser un lycée situé au milieu d’un volcan ?”, interroge la missive, en listant pêle-mêle les attaques subies : agression de trois collègues et du proviseur en juin, examen passés au milieu des violences, et “depuis début septembre, tous les deux ou trois jours, des cailloux sont lancés dans la cour, mardi 14 septembre un élève a pris un coup de couteau devant le lycée, vendredi 17 septembre, vol à l’arraché du portable d’un collègue devant le lycée, mardi 21 septembre, un élève a été coursé depuis la poste et a dû se réfugier dans le collège, jeudi 23 septembre, attaque au cocktail Molotov et intrusion dans le lycée…” Bref, le vase déborde ! Pour autant, à l’issue d’une réunion du comité hygiène et sécurité lundi, le rectorat ne considère pas qu’il y ait lieu d’un droit de retrait à proprement parler, mais davantage, d’une “solidarité avec les personnels”. “Nous aiderons les collègues choqués et qui ont besoin d’aide psychologique et de réconfort”, assure Gilles Halbout.
Petite échauffourée à Bandrélé
C’est dans ce climat tendu que la rumeur d’une attaque au collège de Bandrélé a aussi circulé sur les réseaux sociaux. Avant d’être démentie plus ou moins par le responsable de l’académie en fin de journée. “Depuis quelques jours, une bande de jeunes rackettaient les élèves à la sortie de l’établissement, la gendarmerie est donc intervenue et a interpellé une partie des voyous”, rapporte-t-il. L’autre partie de la bande se serait alors échauffée, menaçant le proviseur de mort et jetant quelques cailloux.
Enfin, la fermeture des écoles de Koungou en marge de l’opération de destructions du lieu-dit Carobolé, clôt ce tableau morose pour l’éducation des jeunes Mahorais. Point de plage sous les pavés, une fois n’est pas coutume…