06/07/2010 – Statut de Mayotte : Evolution institutionnelle

 

 

{xtypo_dropcap}V{/xtypo_dropcap}oir les élus du conseil général voter à l'unanimité était devenu une image rare. Mais mercredi au sein de l’hémicycle Younoussa Bamana, ils ont tous exprimé leur déception quant au projet gouvernemental qui doit régir l’organisation et le fonctionnement du futur département de Mayotte, texte qui ne faisait que reprendre les volontés populaires exprimées à travers le Pacte pour la départementalisation et la consultation du 29 mars 2009.

Dès le début de la séance, le président Douchina, à qui on a souvent reproché d’être soumis aux volontés de Paris, annonce la couleur. “Chers collègues, ce projet de loi ne contient pas exclusivement des dispositions relatives à Mayotte, comme si cette collectivité qui a toujours manifesté son attachement à la France ne méritait pas une loi exclusive ! De plus, de nombreuses dispositions législatives et règlementaires ne contribuent qu’imparfaitement à mettre en place une départementalisation réellement adaptée à la situation mahoraise. Pour ces raisons, je vous inviterai à émettre un avis défavorable à ces projets de loi. Mais avant de les passer aux voix, que ceux qui veulent s’exprimer le fassent.”

Ibrahim Aboubacar, conseiller général PS de Sada ne s’est pas privé de faire savoir tout le mal qu’il pensait des projets de loi gouvernementaux. “C’est avec joie que l’on examine ces projets de loi, mais il y a un sentiment de malaise quant au travail effectué par l’Etat et à la manière dont il l’a conduit. Nous avons un problème de conscience puisque le Pacte prévoit une départementalisation progressive et adaptée où l’égalité sociale mettra du temps à être réalisée. En contrepartie, on nous a promis un développement économique accéléré pour éviter l’assistanat", rappelle celui qui dirige la CCI.

 

"On aura ni le développement économique, ni l’égalité sociale"

 

"Mais dans ces textes je ne vois pas les mesures économiques, ni des avenant au Contrat de projet et encore moins une loi spéciale pour Mayotte, continue le 1er secrétaire du PS. On aura ni le développement économique, ni l’égalité sociale, c’est une situation difficile à assumer pour nous élus.” Pour l’élu socialiste, les projets de loi du gouvernement ne spécifient pas clairement quels sont les exceptions au principe d’identité législative que doit induire le passage de l’article 74 de la Constitution (Collectivité d’Outremer) à l’article 73 (Département et régions d’Outremer).

“La Guyane et la Martinique, qui ont choisi de passer en collectivité unique, travaillent de concert avec l’Etat, il y a une expertise conjointe et des études d’impact. Ici, nous n’avons aucune méthode de travail et on nous invite à Paris pour se foutre de nous. Il n’y a pas de dialogue entre le gouvernement et les élus mahorais et j’invite à la reprise de ce dialogue. Je suis très déçu par ces textes et il faut se montrer disponible pour l’améliorer avec le gouvernement.”

Sarah Mouhoussoune, conseillère générale Néma de Dembéni et membre de l’opposition, signale pour sa part qu’elle avait déjà alerté ses collègues sur les manques de ces textes, mais qu’à l’époque la majorité lui était tombée dessus la qualifiant de rabat-joie. Même Hadadi Andjilani, 3e vice-président du CG, membre de l’UMP et président de la commission des finances a reconnu que malgré sa fidélité au parti présidentiel, les textes devaient être revus.

Ibrahim Aboubacar, encore lui, a réclamé que si la collectivité héritait des compétences départementales et régionales, les finances et donc la dotation globale de fonctionnement de l’Etat doit être majorée. A ce propos, Ahamed Attoumani Douchina a émis le souhait que le Fip, destiné aux communes et ponctionné à hauteur de 20% des recettes du CG au minimum, puisse être réduit.

 

Les élus veulent surtout sauver leur place !

 

De même, tous les agents de l’état civil travaillant dans les communes et payés par le CG ne devraient plus être à la charge de la CDM. “Il ne faut pas oublier tous les agents travaillant à la Dass (devenue l’ARS), la Daf, la DE ! Il faudrait que l’Etat se décide à les intégrer ou les prennent en tant que contractuels. Nous les payons et c’est la CDM qui doit payer des frais bancaires en cas de difficulté de trésorerie. Ce sont plus de 10 millions d’euros que nous avons perdu de la sorte !”, a pour sa part affirmé Jacques Martial Henry, insistant sur le fait que si le droit commun était la règle, le CG ne devrait plus systématiquement parer à une compétence de l’Etat.

Enfin, les élus ont tous montré leur désapprobation aux projets de loi, car ceux-ci prévoient deux renouvellements totaux de l’assemblée en 2011 et en 2014. Pour Ibrahim Aboubacar cela n’a pas lieu d’être, quand bien même la collectivité change de statut. Là peut-être réside une partie de cette unanimité surprenante dans l'opposition des conseillers généraux à ce projet de loi organique…

“Lorsque le Pacte envisageait un renouvellement total en 2011, le contexte était différent. On nous avait parlé d’une assemblée à double compétence, avec un nombre d’élus en augmentation. Mais désormais, il y a la réforme des collectivités territoriales prévue pour 2014, avec pour objectif principal de diminuer le nombre d’élus. Nous ne voyons pas la nécessité de renouveler l’assemblée en 2011 et en 2014, sinon une manœuvre malhonnête de déstabiliser nos institutions. Les élus siégeant doivent finir le mandat en 2014 et ceux élus en 2011 également, comme partout ailleurs en Métropole.”

C’est donc à l’unanimité que nos conseillers généraux ont rejeté les projets de loi tels que présentés par le gouvernement. Toutefois, le conseil général n’était consulté que pour avis. Rien ne dit que Paris suivra les observations des élus mahorais. Mais toutefois, l’un des projets de lois étant une loi organique, il doit obligatoirement passer par le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel. Les élus mahorais espèrent donc que leur avis défavorable suffira pour que les juridictions suprêmes s’intéressent à leurs observations, pour éventuellement faire plier le gouvernement et élaborer un texte plus en phase avec leurs attentes.

 

Faïd Souhaïli


 

Une délibération bien argumentée

Nous avons souvent mis en évidence les comportements aberrants de nos élus en session dans ces colonnes, il faut donc signaler quand ils font bien les choses. Devant répondre avant le 30 juin au préfet sur les projets de loi gouvernementaux, les élus ont pris leur temps, jusqu'au dernier jour… La délibération a été prise avec un argumentaire préparé article par article des textes du gouvernement. A chaque fois, le conseil général explique pourquoi il est favorable ou au contraire il désapprouve l’article en question, en proposant s’il le faut des modifications.

Non seulement, cela a permis aux élus de prendre leur décision en connaissance de cause, ils l’ont fait dans les délais et chacun a pu exposer sa vision des choses. Sur des sujets à forts enjeux (et pour les autres aussi, pourquoi pas), il faudrait que cette démarche soit reconduite.

 

“Il est dur !”

“Il est dur !”. Sarah Mouhoussoune n’a pu s’empêcher de lâcher ce commentaire à l’endroit du 2e vice-président du CG Madi Ahamada Chanfi. Ce dernier tenait absolument à formuler un vœu, hors du sujet de la présente session, sur le découpage des circonscriptions législatives, à la suite d’une simple observation faite par Jacques Martial Henry sur la division de la commune de Mamoudzou (le canton 3 se trouve dans la circonscription sud, alors que les cantons 1 et 2 sont au nord). Ce dernier a évoqué le sujet sur le ton de la plaisanterie, pour qu’il soit mis à l’ordre du jour dans une prochaine session. Mais pour M. Chanfi, il fallait un vœu immédiatement.

“Ce n’est pas à l’ordre du jour, si on veut faire les choses sérieusement, il faut d’abord s’occuper des projets de loi et puis voir cette question de découpage plus tard”, ont tenté de le raisonner Ahamed Attoumani Douchina, Jacques Martial Henry et Ibrahim Aboubacar. Mais l’élu de M’tsangamouji étant plutôt obstiné, il a fallu 5 minutes de discussion pour que finalement le débat soit clos par une promesse du président Douchina que la question serait à l’ordre du jour de la session plénière du 5 juillet.

 

“On se croirait dans une république bananière !”

Peu adepte du pétage de plomb, Hadadi Andjilani, 3e vice-président du CG et président de la commission des finances n’a néanmoins pas pu s’empêcher de faire un hors-sujet en session plénière.

Alors que la session tirait sur sa fin, il a tenu à faire savoir son mécontentement quant au comportement de la Chambre territoriale des comptes (CTC), qu’il juge inadmissible. En effet, le CG a adopté son budget 2010 le 29 mars dernier. La CTC a normalement un mois, voire deux pour émettre un avis. Or nous sommes le 1er juillet et les élus n’ont rien reçu officiellement. Du coup, tout est bloqué, aussi bien au CG que dans les communes puisque 12 d’entre elles sont dans la même situation et n’osent pas s’avancer en matière financière.

“Quel que soit leur avis, favorable ou défavorable, il doit être donné dans les délais. Ce comportement est inadmissible, on se croirait en colonie ou dans une république bananière. Pendant ce temps-là, ce sont les collectivités, les associations, les entreprises qui souffrent et alors qu’on attend un avis, on voit le président de la CTC toutes les semaines dans les journaux (Ndlr, Mayotte Hebdo suit effectivement avec attention ce dossier). Si ça continue, les communes n’auront rien car la prochaine commission Fip sera en octobre et nous bouclerons les comptes en novembre”, lâche le conseiller général de Ouangani d’un ton colérique bien marqué, alors que ses collègues l’ont applaudi.

Ahamed Attoumani Douchina a bien tenté de contrôler son vice-président, mais apparemment Hadadi Andjilani tenait à ce que ça sorte et était étrangement calme après son coup de gueule.

Mayotte Hebdo vise à contribuer au développement harmonieux de Mayotte en informant la population et en créant du lien social. Mayotte Hebdo valorise les acteurs locaux et les initiatives positives dans les domaines culturel, sportif, social et économique et donne la parole à toutes les sensibilités, permettant à chacun de s'exprimer et d'enrichir la compréhension collective. Cette philosophie constitue la raison d'être de Mayotte Hebdo.

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