Lassitude, incompréhension, colère… C’est dans cet état d’esprit que se trouvent les chauffeurs de taxis de Mayotte. Révoltés par un plan de transports interurbains lancé par le conseil départemental, les conducteurs demandent des explications. Le projet du Département est estimé à 100 millions d’euros et les chauffeurs de taxis redoutent leur mise à l’écart. Les syndicats des taxis se sont rassemblés ce jeudi matin pour crier leur désarroi, espérant être entendus par les élus. Abalkini Chanfi, correspondant de l’intersyndicale, nous explique les raisons de leur colère.
Flash Infos : Quel était l’objet de la réunion avec tous les syndicats de taxis ?
Abalkini Chanfi : La réunion fait suite à l’offre de marché du conseil départemental lancé en juillet dernier, s’agissant du projet de transports interurbains de Mayotte. Tous ceux qui veulent répondre d’ici le 20 septembre peuvent le faire, mais le problème c’est qu’il y a un seul lot à 100 millions d’euros sur dix ans. L’intersyndicale estime que personne à Mayotte n’est capable de répondre à ce marché, pas même ceux qui sont très bien fournis. Il faut être un très gros transporteur, comme la RATP, pour pouvoir y répondre.
FI : En quoi consiste ce plan de transports interurbains ?
A. C. : C’est un plan avec beaucoup d’incohérences car « interurbain » signifie que les bus transportent d’une ville à une autre et pas seulement à Mamoudzou. Or, nous n’avons pas de routes pour cela. Le Département veut rajouter au moins 50 bus, et avec la taille du marché, je pense qu’il y aura au moins 100 bus. Comment 100 bus peuvent rouler à Mayotte ? Nous n’avons pas les infrastructures nécessaires pour les accueillir. Et je vous le dis, si nous rajoutons ces bus à Mayotte en l’état actuel, nous tuerons les taxis ! Aujourd’hui, les chauffeurs de taxis ont du mal à vivre de leur travail parce qu’il y a de plus en plus de bouchons, tout est plus cher, ils ne survivront pas à ça… De plus, ils veulent une mise en service pour septembre 2022. Même si vous avez les capacités de répondre au marché, les délais pour faire venir des bus à Mayotte sont trop courts. En un an, ce n’est pas possible.
FI : Avez-vous entamé des discussions avec les élus du conseil départemental ?
A. C. : Il y a un mois, le président du Département avait promis qu’il allait suspendre le marché. Ce n’est toujours pas le cas à l’heure où nous nous parlons alors que l’appel d’offre se termine dans trois jours. Pour nous, c’est encore un discours « bla bla ». L’intersyndicale des taxis est extrêmement révoltée car la mission des transports publics est assurée par les taxis depuis une cinquantaine d’années et aujourd’hui, ils se sentent écartés. Il y a un an, le Département a décidé d’aider les chauffeurs à moderniser leurs véhicules à hauteur de 10.000 euros par artisan. Sauf qu’un an plus tard, ils lancent leur plan de transports interurbains. Comment peuvent-ils demander aux artisans d’investir dans des véhicules plus modernes et ensuite mettre en place des bus ? Le Département prend le travail des chauffeurs de taxis parce que si ces bus arrivent, nous n’aurons plus de place sur le marché. À Mayotte, il y a 600 licences : au moins 5.000 personnes vivent de cette économie.
FI : Selon vous, quelle serait la solution pour satisfaire tout le monde ?
A. C. : Nous souhaitons voir le président du Département et le 3ème vice-président en charge des transports pour discuter et voir de quelle manière les taxis peuvent s’intégrer dans ce marché. La collectivité doit pouvoir nous répondre sur les questions d’avenir de notre métier. Ce lundi 20 septembre, de 10h à 12h, nous allons faire un défilé pacifique avec nos voitures à Mamoudzou. Nous ne bloquerons pas la route, cela ne sert plus à rien. Nous allons faire une opération escargot en passant devant les principales institutions – la Cadema, la préfecture, le conseil départemental, les banques – pour faire réagir !