Pendant deux jours, les 17 centres communaux d’action sociale et l’union départementale des CCAS travaillent à imaginer des solutions nouvelles pour améliorer leurs actions en faveur de l’insertion et de la lutte contre la pauvreté. Un pas de plus dans la jeune histoire de ces organismes communaux, devenus des acteurs incontournables sur un territoire en proie à une pauvreté insoutenable.
“Bonjour Mme Bareigts ! Merci d’être venue ! Vous avez fait la photo ?” La voix amplifiée de la modératrice qui fait ses derniers tests de micro retentit avec force dans la grande salle prêtée par la mairie de Dzaoudzi-Labattoir. “Teambuilding” oblige, l’ancienne ministre des Outre-mer n’échappe pas à l’incontournable photocall, et son visage flotte au milieu du lagon, à côté de celui de la conseillère départementale Maynoumati Moussa Ahamadi. Comme elles, élus et partenaires prennent tour à tour la pose devant les caméras instantanées, avant de se presser autour de la carte de Mayotte pour y scotcher fièrement leur polaroïd.
Une belle entrée en matière pour cette “Université de l’innovation sociale”, qui ouvrait ses portes ce lundi en Petite-Terre. Pendant deux jours, élus, membres et partenaires des 17 centres communaux d’action sociale (CCAS) et de l’union départementale des CCAS de Mayotte sont amenés à réfléchir à des projets cohérents avec les enjeux locaux, dans le cadre de “Design’Palas”, un programme de “formations-actions” pour professionnaliser les acteurs de l’action sociale. Financé par lunion nationale des CCAS et L’Europe s’engage avec le fonds social européen – pour une enveloppe globale de près d’1.9 million d’euros -, ce projet qui s’étale sur trois ans (2020-2022), fait suite à Pass’Palas, premier dispositif “sur mesure” déployé à Mayotte par l’Unccas en 2017.
Le design thinking appliqué au social
Le mot d’ordre pour ces deux jours intensifs : l’expérimentation. “Il n’y a pas d’innovation sans expérimentation”, a ainsi noté Ericka Bareigts, aujourd’hui maire de la ville de Saint-Denis à La Réunion et vice-présidente de l’Unccas. L’ancienne députée reprenait alors les propos introductifs de l’adjoint au maire de Dzaoudzi-Labattoir en charge de l’administration générale. “Il faut multiplier les audaces intellectuelles et les expérimentations, en acceptant de rechercher les questions, en acceptant aussi de ne pas trouver tout de suite les réponses, enfin en évaluant les réponses, testées sur le terrain”, a expliqué Mikidache Houmadi pour poser les bases de l’état d’esprit à insuffler dans les CCAS. Une méthodologie qui a un nom, d’ailleurs bien connu chez les startupers les plus chevronnés : le design. “Il ne s’agit pas d’un mot pour qualifier un objet, ou quelque chose de moderne, mais c’est la conception ; en shimaoré, on dit ‘‘bango’’, comme la posture qui prend en compte les problématiques, non pas par rapport à nos perceptions, mais par rapport à celles des usagers, et à leur parcours”, a-t-il développé.
La jeune professionnalisation des CCAS
À l’occasion du lancement de cette “université”, l’heure était aussi au bilan pour les jeunes CCAS de Mayotte. “Nous sommes venus en 2009, et quand nous sommes repartis à l’aéroport avec le président Patrick Kanner, nous étions à la fois fiers d’être Français face à ce territoire qui porte les valeurs de la République et moins fiers d’être Français car c’est un territoire qui a été très délaissé. Et nous nous sommes jurés de ne pas lâcher Mayotte”, a rappelé Benoît Calmels, le délégué général de l’Unccas. Depuis ce moment,17 CCAS ont été créés sur l’île aux parfums, un pour chaque commune, avec le soutien de l’union nationale. Un maillage indispensable pour le territoire le plus pauvre de France, où 77% de la population vit sous le seuil de pauvreté contre 14% en métropole, comme l’a souligné la conseillère Maynoumati Moussa Ahamadi.
Toujours à la Une de l’actualité, la question de l’insécurité a aussi naturellement fait irruption dans les discours, Said Salim, le président de l’Unccas rappelant ainsi que “chacun a un rôle à jouer”. “Nous rencontrons beaucoup de difficultés sur le terrain qui nous poussent à nous réinventer […]. Il faut trouver des moyens plus précis pour donner un avenir à ces jeunes-là. L’innovation sociale fait partie de ces moyens.” Place maintenant aux ateliers… pour penser en dehors de la boîte !