À Mayotte, 1% des enfants sont victimes de troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale

Ce jeudi 9 septembre se tient la journée mondiale du syndrome d’alcool fœtal. À La Réunion et à Mayotte, les représentants de l’association d’aide aux familles dans l’océan Indien profite de cet événement pour évoquer cette première cause de handicap mental non génétique en France. Entretien avec Cécile, maman adoptive d’un jeune homme de 21 ans atteint de séquelles neurologiques.

Flash Infos : En France, sur les 750.000 naissances annuelles, on estime à 8.000 le nombre de nouveaux-nés atteints de ce syndrome. Pis encore, au moins 500.000 personnes vivent avec des conséquences d’une exposition prénatale à l’alcool sans le savoir et sans accompagnement spécifique pour les handicaps…

Cécile : Il faut savoir qu’il n’y a pas de corrélation entre la quantité d’alcool consommée et la gravité des symptômes. Disons plutôt que les risques sont décuplés lors de la formation et du développement des organes au début de la grossesse. Et les répercussions sont bien évidemment dramatiques : les enfants rencontrent des difficultés d’apprentissage, de comportement, de repérage dans le temps et d’adaptation sociale. Ils se font beaucoup exclure des établissements scolaires. Aujourd’hui, 20% de la population carcérale est atteinte de troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale.

La raison pour laquelle nous profitons de cette journée, c’est avant tout pour faire connaître les TSAF et pouvoir échanger avec les parents. Les familles adoptives y sont particulièrement confrontées. Ces troubles peuvent être à l’origine de carences affectives très graves… Or, quand nous consultons, les médecins font porter la responsabilité sur l’histoire pré-adoptive de l’enfant et son abandon. Du coup, il n’y a aucune investigation complémentaire sur le volet de l’alcoolisation foetale ou sur celui des maladies génétiques. C’est la raison pour laquelle, nous souhaitons alerter les professionnels de santé pour qu’ils se renseignent sur le sujet et qu’ils ne passent pas à côté.

FI : Selon une enquête menée par l’association Mlézi Maoré en 2015 sur les conduites à risques chez les adolescents de Mayotte, 29% des jeunes déclarent être exposés à l’alcool et 1% des femmes enceintes avouent en consommer pendant leur grossesse. Que vous inspirent ces chiffres ?

mayotte-enfants-victimes-troubles-spectre-alcoolisation-foetaleC. : Si 1% des femmes enceintes avouent consommer de l’alcool pendant leur grossesse, cela signifie que 1% des enfants sont victimes de troubles. C’est catastrophique ! Cela peut naturellement porter préjudice au fœtus, surtout chez celles qui n’ont pas conscience des risques ou qui ont des comportements excessifs, du fait parfois de leur très jeune âge. Accompagner un enfant porteur d’un TSAF demande une surveillance de tous les instants, alors imaginez quand vous êtes un parent mineur…

À Mayotte, nous aurions pu penser que la jeunesse était moins confrontée au ravage de l’alcool, en raison de la proéminence de la religion musulmane sur le territoire. Or, ce n’est pas le cas puisque près d’un tiers des jeunes y sont exposés. Dans ces conditions, nous avons de façon certaine des enfants qui ne sont pas dépistés et dont les parents ne savent même pas qu’ils ont ce problème, alors que cela requiert une prise en charge spécialisée.

FI : Justement, dans le 101ème département, quelles sont les messages portés par les institutions sur ces troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale ?

C. : L’an dernier, il y a eu une campagne de communication de la part de l’agence régionale de santé pour sensibiliser sur le zéro alcool pendant la grossesse. Cela démontre bien que nous nous inscrivons dans la continuité depuis la création de l’autorité sanitaire de plein exercice. Nous espérons d’ailleurs rencontrer la nouvelle direction pour échanger avec elle sur cette thématique et faire reconnaître l’existence de ce syndrome, qui est la première cause de handicap mental non génétique.

De manière plus générale, tout le monde essaie de faire aboutir des projets de structures à destination des jeunes en situation de handicap. Il y a des appels à projets auxquels répondent les associations, mais le nerf de la guerre est toujours le même : il faut faire face aux difficultés de recrutement d’un personnel spécialisé… Il ne faut pas non plus oublier que la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) est toute récente (21 juin 2016, ndlr). L’idée est vraiment d’essayer de travailler ensemble et d’aller dans la bonne direction. Il y a sûrement un travail à réaliser sur le plan culturel pour faire prendre conscience à la population qu’avoir un enfant handicapé n’est pas une punition divine ! Tout le monde a le droit d’être scolarisé, d’être soutenu et d’être soigné. Il faut le faire savoir pour que les familles se mobilisent dans le but de faire reconnaître les handicaps de leurs proches et d’appuyer des demandes de centres adaptés, comme nous pouvons en trouver à La Réunion. Nous partons de loin, mais nous avançons à petit pas.

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