L’association Souboutou ouhédzé jilaho – Ose libérer ta parole continue sa semaine de sensibili-sation sur les les violences sexuelles, notamment celles faites aux enfants. Vendredi 3 septembre elle organisait un séminaire à la bibliothèque de Chiconi. Sociologue, juristes, gendarmes, victimes, et bien d’autres, ont répondu à l’appel de Saïrati Assimakou, la présidente de l’association, qui lutte activement contre ce types de violences.
En 2019, lorsque Saïrati Assimakou décide de raconter sur les réseaux sociaux les viols à répétition subis par son géniteur étant enfant, jamais elle n’aurait imaginé mobilisé autant de monde. Depuis, avec son association Souboutou ouhédzé jilaho – Ose libérer ta parole, elle enchaîne les actions de mobilisation pour que chaque victime n’ait plus peur de raconter son calvaire et que la société n’émet plus de jugement.
Saïrati Assimakou a entamé une semaine de sensibilisation à travers des ateliers, une marche blanche blanche et un séminaire tenu à la bibliothèque de Chiconi le vendredi 3 septembre. Le public est ve-nu nombreux pour écouter les témoignages des victimes de violences sexuelles, mais également les avis des divers professionnels présents tels que les gendarmes, une juge, un sociologue, un anthropologue. La forte affluence est une surprise pour la présidente de l’association Souboutou ouhédzé jilaho – Ose libérer ta parole. « Je ne m’attendais pas du tout à remplir la salle, j’ai peut-être minimisé l’impact que cela aurait pu avoir dans notre société », admet-elle, consciente que cette mobilisation ne peut qu’être bénéfique pour son combat. « Leur présence prouve qu’ils ont pris conscience de l’urgence qu’il y a à parler de violences sexuelles et notamment celles faites aux enfants. »
Une prise de conscience auprès des femmes et des hommes, mais également auprès des quelques enfants présents au séminaire. Du haut de ses 13 ans, Nouraynah porte un réel intérêt sur les questions de violences sexuelles. « C’est quelque chose de très tabou à Mayotte, on n’en parle pas, sou-vent parce que les gens sont gênés. Alors que je pense que les parents devraient en discuter avec leurs enfants parce que cela fait aussi partie de l’éducation », explique-t-elle, très au fait de ce qui se passe dans la société. Malgré sa profession d’éducatrice spécialisée, sa mère avoue ne pas réussir à évoquer certains sujets avec sa fille. « C’est toujours plus facile avec les enfants des autres », sourit-elle. « La sexualité reste encore tabou chez nous, et il y a des questions auxquelles je n’ai pas de réponses. Je l’ai donc emmenée pour qu’elle puisse se renseigner et écouter les témoignages des victimes. Je veux qu’elle se rende compte de l’impact des violences sexuelles sur les personnes qui les subissent », raconte Némati Saïd Bacar, la mère de Nouraynah. Cette présence mère-fille est le signe que les men-talités évoluent à Mayotte, même si le chemin de la sensibilisation est encore long et sera certaine-ment semé d’embuches pour Saïrati Assimakou.
Depuis qu’elle a lancé son « cri de cœur » sur les réseaux sociaux il y a deux ans, elle a reçu un accueil mitigé. La jeunesse reconnaît son histoire et la soutient. « Mais nous n’allons pas nous mentir, parler de violences sexuelles à Mayotte, surtout intrafamiliales a des conséquences. Certaines personnes nous mettent de côté, à leurs yeux nous n’avons plus la même importance qu’avant », révèle-t-elle.
La gendarmerie mobilisée pour briser les tabous
Parmi les intervenants du séminaire se trouvaient deux gendarmes, venus rappeler les dispositifs mis en place par la gendarmerie pour améliorer la prise en charge des victimes de violences sexuelles. Nombreuses sont celles qui affirment ne pas être prises en compte lorsqu’elles se rendent au commissariat pour dénoncer un fait de violence sexuelle, à Mayotte ou ailleurs en France. La gendarmerie veut changer cette image et cela commence par une formation des militaires. « Tous les gendarmes de Mayotte ont suivi une formation afin de pouvoir optimiser leurs connaissances sur la prise en compte des victimes qui viennent dénoncer ce type de faits. On veut proposer une approche plus complète », déclare Dayane Chanfi, responsable de la maison de la protection des familles à Mayotte. L’augmentation des chiffres sur les violences sexuelles accélère cette prise de conscience du côté des forces de l’ordre. « Nous enregistrons chaque année entre 150 et 170 faits portés à la connaissance de la gendarmerie, dont 50% concernent des mineurs. Depuis deux ans, il y a une évolution constante d’environ 15%, mais je ne suis pas convaincu que ces chiffes illustrent la réalité sur le territoire. »
Il pense que la réalité est bien pire et que de nombreuses victimes n’osent pas se faire connaître, par peur du regard des autres ou pour des raisons administratives. « Je rappelle que tout le monde a droit à la justice parce qu’aujourd’hui, nous sommes confrontés à des cas où les personnes qui sont dans des situations administratives compliquées pensent qu’elles ne peuvent pas porter plainte », rapporte-t-il. Depuis trois ans, la gendarmerie de Mayotte, à travers la maison de la protection des familles, sensibilise les habitants de l’île, notamment les proches de la victime. « Nous esseyons toujours d’identifier une tierce personne qui pourra l’accompagner dans la situation qu’elle traverse », précise le gendarme.
Le séminaire organisé par l’association Souboutou ouhédzé jilaho – Ose libérer ta parole, est un premier pas pour sa présidente pour qui le combat ne fait que commencer. Satisfaite des retombées de la semaine de sensibilisation sur les violences sexuelles faites aux enfants, elle annonce d’ores et déjà l’organisation d’une seconde édition.