La directrice générale de l’agence régionale de santé (ARS), Dominique Voynet, qui a annoncé son départ depuis quelques jours, a fait ses adieux à la presse ce jeudi. L’occasion de dresser le bilan de ses deux ans à la tête de la première agence de plein exercice de Mayotte, sur fond de pandémie.
C’est une page qui se tourne pour la jeune agence régionale de santé de Mayotte. Sa première directrice générale Dominique Voynet plie bagages et laisse la place à sa secrétaire générale Stéphanie Fréchet pour l’intérim, avant l’arrivée d’un successeur a priori fin novembre. L’heure du bilan a donc sonné, deux ans après sa prise de fonctions pour créer une agence de plein exercice dans le 101ème département. À bon endroit, d’ailleurs ! Il y a en effet fort à parier que la gestion de la crise du Covid-19 aurait été nettement moins reluisante si le sort de la petite île hippocampe avait continué à dépendre de La Réunion… “Ce n’est pas une question d’amour ou non comme on peut l’entendre parfois, c’est que c’est très difficile de gérer cela à distance”, insiste Dominique Voynet. L’ancienne ministre avait d’ailleurs eu le nez creux, en inscrivant dès son arrivée la gestion de crise “en point numéro 1” de sa feuille de route.
Bien vu ! La création officielle de l’ARS à peine actée, la pandémie vient frapper à la porte en mars 2020. Avec des conséquences plus ou moins positives pour la jeune structure. “Le ministère a oublié que nous étions vieux de trois mois et a exigé de nous la même qualité de service qu’une ARS plus ancienne”, retrace la directrice générale. Alors que l’agence n’en est qu’à ses balbutiements, il faut s’adapter très vite à ce contexte de crise, pour les masques, les tests, les gestes barrières, la communication, les vaccins… Mais paradoxalement, cette réorganisation à marche forcée “a aussi accéléré beaucoup de choses”.
“Le message, c’est qu’on est prêt”
Bilan : en moins de deux ans d’existence, les effectifs des différents services sont montés en flèche, les crédits ont suivi la même pente – le fond d’intervention régional (FIR) est passé de 7 millions d’euros à 18 millions en 2019 et 32 millions d’euros cette année, signe de “notre capacité à consommer les crédits” – et certains dossiers enfouis sont enfin sortis des cartons. “Il n’y avait pas de plan ORSAN (organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles, ndlr), juste un plan blanc qui datait de dix ans, qui est plutôt fait pour des crises passagères”, mentionne à titre d’exemple Dominique Voynet. Même scénario pour le dispositif d’hospitalisation à domicile, “on l’a fait en pleine crise”, ou encore la validation d’une deuxième IRM au CHM. Aujourd’hui, même si une nouvelle vague de variant Delta devait frapper le territoire, “le message, c’est qu’on est prêt”, assure la directrice. “On peut passer de 16 lits en réanimation à 32 en quatre jours !”
Bien sûr, d’autres dossiers ont plutôt pris la poussière, le temps de laisser passer la tempête Covid. Comme celui de la formation et de l’attractivité pour les personnels, un « marronnier », qui ne dépend d’ailleurs plus des sommes d’argent sur la table, juge l’anesthésiste de profession. Pour elle, la solution viendra de la délégation de tâches sur certains soins de base et de prévention, comme la récente formation au Mans de deux infirmières en orthoptie. Autre incontournable du département : l’espacement des naissances. “Attention, le chiffre des femmes comoriennes qui ont plus d’enfants, il est extrêmement corrélé au niveau d’éducation. Et quand vous regardez le nombre de naissances des femmes mahoraises, il y en a beaucoup plus qu’il y a dix ans, là où le message 1,2,3 bass était passé”, analyse Dominique Voynet. Une nouvelle campagne de communication doit être lancée fin septembre.
Le second hôpital est sur les rails
Dernier sujet et non des moindres : le second hôpital, mis en stand by pendant plusieurs mois, d’abord de gestion de crise, puis de campagne électorale pour le nouveau conseil départemental… L’affaire est de nouveau sur les rails, garantit la responsable de l’autorité sanitaire. Reste à choisir le terrain qui devra accueillir ce nouveau site hospitalier de près de 400 lits. Deux options sont sur la table, l’une à Sada, l’autre à Combani, qui respectent toutes deux le critère principal de protection contre les risques naturels. La décision finale reviendra au ministère de la Santé, et les seuls arguments devront être sanitaires, met en garde Dominique Voynet. Histoire de prévenir toute guéguerre sur fond de velléité politique…
Et justement, sur ce terrain-là, la future “retraitée” (ou future ex ?) n’exclut pas une reprise de service, dès l’année prochaine. “Vous n’êtes pas sans savoir qu’une élection présidentielle se profile, cela m’étonnerait qu’elle me laisse indifférente”, glisse la femme politique qui ne s’est jamais éloignée trop longtemps des urnes. Avant d’enchaîner sans laisser le temps de la réplique : “je serai peut-être aussi amenée à revenir à Mayotte en mission ponctuelle comme médecin inspecteur de santé publique”. Alors, au revoir, Madame la ministre.
Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.