Le projet de coopération commerciale entre Corsair et Air Austral pose question

Dans un communiqué en date du 17 août, Corsair et Air Austral indiquent lancer un projet de coopération commerciale sur les routes entre la métropole et l’océan Indien pour faire face aux impacts de la crise Covid. Si les deux compagnies aériennes ne souhaitent pas divulguer davantage d’informations sur ce rapprochement, les internautes mahorais ont du mal à avaler la pilule.

L’effet d’une bombe. C’est le sentiment qui prédomine à la suite de la publication ce mardi 17 août d’un communiqué co-signé par Air Austral et Corsair, dans lequel les deux compagnies aériennes annoncent conclure un accord de coopération commerciale sur les routes entre la métropole et l’océan Indien, « dans un contexte de crise sanitaire persistante qui affecte durablement la rentabilité du secteur aérien ».

C’est un secret de polichinelle. Depuis plus d’un an et demi, la filière aéronautique subit de plein fouet les conséquences de la pandémie coriace de Covid-19. Alors pour relever la tête, il apparaît nécessaire de mettre de l’eau dans son vin. Autrement dit, d’entamer des discussions pour le moins étonnantes, dans le but de sceller un partenariat inédit entre Air Austral et Corsair. « Ce projet d’envergure permettra le déploiement d’une offre de services enrichie au bénéfice des passagers de l’océan Indien, tout en améliorant la rentabilité économique des opérations grâce à la mise en commun de moyens et mise en œuvre de synergies. » Un jargon qui peut laisser dubitatif tant les relations entre les deux compagnies ne transpiraient pas le bonheur par le passé…aerien-corsair-air-austral-cooperation

« Offre tarifaire élargie et plus compétitive »

Les tensions se seraient-elles alors apaisées entre les deux mastodontes régionaux de l’aviation, qui n’ont ni l’un ni l’autre souhaité s’étendre davantage sur la question ? Il semble que ce soit le cas à la lecture dudit communiqué. « Sur ces liaisons, Air Austral et Corsair en unissant leurs forces et leurs atouts respectifs, souhaitent développer une offre qui sera de nature à générer des avantages et bénéfices pour les clients : programme de vols renforcé, choix élargi et diversifié (accès à deux aéroports parisiens, diversité de créneaux horaires de départ et d’arrivée), connexions plus riches grâce aux réseaux cumulés des deux compagnies, offre tarifaire élargie et plus compétitive, et également une offre fret améliorée. » Alléchant sur le papier ! Et pourtant, ce mariage reposerait sur des fondements économiques, tant Air Austral se trouve en grande difficulté financière.

En effet, l’entreprise réunionnaise accuse un manque de recettes de près de 100 millions d’euros par rapport à l’estimation établie au tout début de la crise. Et ce, malgré un soutien financier sous la forme d’un prêt d’actionnaire en compte courant d’associé pour un montant de 15 millions d’euros et d’un emprunt obligataire simple de l’ordre de 25 millions d’euros. Huguette Bello, la présidente de la région Réunion, actionnaire majoritaire de la compagnie via la Sematra, avait d’ailleurs profité de l’inauguration des trois nouveaux Airbus 220-300 la semaine dernière pour rappeler à l’État « son devoir de solidarité nationale » envers Air Austral pour faire face à l’ogre Corsair.

Toujours est-il qu’un lien les unit aujourd’hui. Et cela ne semble pas au goût des Mahorais qui n’ont pas tardé à donner leur sentiment sur ce rapprochement volcanique. Certains font état non pas d’une « coopération » mais d’une « entente commerciale ». D’autres voient une manière de tuer dans l’œuf le projet Zéna Airlines porté par les frères Novou et dénoncent des « pratiques anticoncurrentielles ». Quels que soient les arguments portés par les uns et les autres, tous craignent un nouveau coup d’arrêt pour le transport aérien mahorais ou plutôt un monopole déguisé. Ayant anticipé ce genre de réactions, Air Austral et Corsair assurent que « ce projet de coopération commerciale préserve l’identité et l’indépendance des deux compagnies »… En signe de bonne foi, il doit encore être soumis à l’avis des instances représentatives du personnel et à l’autorité de la concurrence française. Avant de bel et bien prendre son envol.

Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.

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