{xtypo_dropcap}A{/xtypo_dropcap} Mayotte, la machine est cassée, et ceux qui ont les mannettes en main semblent se désintéresser de la question. Il faut dire qu'ils ont un salaire, confortable, garanti, prélevé sur les impôts et autres taxes, et font le dos rond en espérant se faire réélire. Alors il ne faudrait pas le dire, pas le leur faire remarquer… Ce ne serait pas de leur faute…

Mais c'est la gabegie durant des années, les embauches de complaisance à foison, la mauvaise gestion des équipes et des moyens qui ont conduit au désastre actuel. Les centaines de salariés inutiles, inutilisés depuis des mois, des années, coûtent des millions d'euros par an à Mayotte, au détriment de l'investissement productif. L'excuse bidon d'expliquer ces embauches par l'absence de prestations sociales minimum est une honte pour un élu. Les missions du conseil général ne comprennent l'embauche de tous les chômeurs (et électeurs) potentiels, mais de créer les conditions favorables au développement économique qui permettra de les embaucher. Le CG a de nombreuses missions à assurer, sociales, éducatives, de santé, de protection de l'environnement, de transport, de développement économique…, mais pas de pallier aux carences de la République en termes d'égalité face aux prestations sociales.
Il est en revanche du rôle des élus, du conseil général, mais aussi des parlementaires, des forces vives de la société, de réclamer l'application à Mayotte de ces prestations, de ces fonds, sans attendre 20 ou 25 ans, si c'est jugé nécessaire, avec des arguments implacables, qui ne manquent pas. Mais il ne faut pas se tromper de rôle et de mission.

A force de remplir la barque, le conseil général coule et l'île avec… Il n'y a même plus assez de place pour loger tous les "salariés". Il n'y a aucune marge de manœuvre pour embaucher les cadres supérieurs et intermédiaires nécessaires, assurer les nouvelles missions, complexes, techniques. Il y a des centaines de gardiens, de menuisiers, de femmes de ménage, de secrétaires… Et les chefs manquent de cap à suivre, de compétences pour certains, de soutien pour d'autres, afin de mobiliser les troupes dans le sens de la marche. Il faut du courage pour prendre des décisions indispensables. Mais le manque de courage à tous les niveaux est flagrant, dramatique.

Ce sera plus simple de laisser la préfecture ou la Chambre régionale des comptes faire le ménage. On pourra même s'en laver les mains, accuser l'autre, dire qu'on ne voulait pas… Mais il faudra aussi laisser passer la justice. En fouillant dans de nombreux dossiers, on trouvera des subventions détournées, de l'argent public abusivement utilisé, des voyages excessifs, surtout en période de crise, et alors qu'on demande à la population de se serrer la ceinture en augmentant les taxes et baissant les prestations et autres soutiens…

La gabegie doit cesser. L'économie vacille sous le poids des impayés des collectivités publiques. Les embauches se font rares, bien plus rares que les licenciements. Les grondements de la population sont de plus en plus nombreux, de plus en plus proches.
Les stades et gymnases départementaux sont fermés, leurs salariés ne sont pas payés… comme aux Comores voisines. Quant il s'agissait des salariés de l'Apredema, du Crij ou d'autres organismes concernant la jeunesse, ce n'était pas grave… mais là on touche au sport. Il n'y a plus d'argent pour le sport, plus d'argent pour la culture, plus d'argent pour la jeunesse, mais des centaines de salariés du secteur public sont grassement payés, sans activité. Ce sont des compétences, des énergies inutilisées pour Mayotte.
Il faut remettre la machine en route dans les plus brefs délais, en s'entourant bien et en faisant preuve de courage. C'est une qualité que l'on demande à un chef, à un commandant. C'est à ce prix que l'on pourra recommencer à construire l'île et envisager sereinement son futur, car pour l'instant, avec un budget qui n'est toujours pas validé début mai, au conseil général comme dans certaines communes, la situation va devenir très vite catastrophique.

Laurent Canavate