29/04/2010 – Musique : Interview exclusive

 

 

 

{xtypo_dropcap}P{/xtypo_dropcap}our Baco, il est impossible d'évoluer musicalement en restant à Mayotte, en cause le manque d'implication et de soutien des instances locales. S'il fait carrière en Métropole, il n'en reste pas moins impliqué auprès des jeunes mahorais, à qui il donne un coup de main et tente d'orienter.

 

Tounda Mag : Vous êtes à Mayotte en tant que président du jury et parrain du concours des Nouveaux talents SFR, pourquoi avoir accepté cette proposition ?

Baco : SFR m'a contacté alors que j'étais en train de finir mon album et si j'ai accepté, c'est tout simplement parce que j'apprécie la démarche, je trouve que c'est tout à leur honneur, car les sociétés privées n'ont aucune obligation de faire ce genre d'action. J'essaie moi-même d'encadrer les jeunes qui veulent se lancer dans le monde de la musique, et ce concours correspond à la mission que je me suis fixée. Je trouve extrêmement positif que l'on donne leur chance à de jeunes artistes. Ce que je regrette c'est qu'il n'y ait toujours pas d'entreprise culturelle qui prenne en main cette jeunesse…

 

TM : Votre passage à Mayotte est également l'occasion de lancer votre nouvel album "Kinky Station", pouvez-vous nous en parler ?

Baco : Le lancement officiel aura lieu le 2 mai, dans l'espace SFR de Kawéni, et il devrait être disponible dans les boutiques du groupe. C'est une exclusivité car il sera en vente à partir du 19 mai en Métropole.

C'est un album réalisé avec Hiriz Band, un groupe que j'ai monté à Paris avec des amis en 1988. De temps en temps on se retrouve pour faire des bœufs et "Kinky station" a été l'occasion de fixer ces morceaux. Il s'agit d'un voyage dans le ventre de Paris, contrairement à ce qui a été dit, il ne s'agit pas de reggae and goma, c'est du pur reggae, du "reggae parisien"! Le RnG sera pour une autre correspondance, probablement lors d'un prochain voyage.

 

TM : Vous résidez à Paris et vous vous faites très rare à Mayotte, les amateurs auront-ils l'occasion de vous voir sur scène à l'exception du show-case en marge du concours des Nouveaux talents ?

Baco : Je suis venu à l'invitation de SFR, de plus je ne suis accompagné que de 5 musiciens alors que nous sommes 12 sur scène ! Je ne suis pas venu pour faire des concerts, car je prépare une grande tournée pour l'été prochain. J'espère pouvoir venir à Mayotte à cette occasion, mais ce n'est pas gagné car je voudrais venir avec tout le monde : musiciens, choristes, ingénieurs sons et lumière…

 

"Je déplore le manque d'initiative des instances qui prennent la culture à la légère"

 

TM : Comme vous l'avez dit plus tôt, vous vous engagez beaucoup auprès de la jeunesse mahoraise en Métropole, en quoi est-ce important pour vous ?

Baco : Lorsque j'ai débuté dans la musique, personne ne m'a tendu la main, et c'est un monde particulièrement dur. Du coup, je veux aider les jeunes qui s'intéressent à ce milieu et les aiguiller, car en Métropole seuls les plus forts s'en sortent. Je possède un studio dans le 11ème arrondissement à Paris et j'y accueille souvent des stagiaires et des étudiants. J'ai monté le label Hiriz il y a trois ans. Pour l'heure je n'ai pas les reins assez solides, mais j'espère bien pouvoir faire d'avantage d'aller-retour entre la Métropole et Mayotte pour aider les jeunes sur place.

 

TM : Après presque 20 ans passés à Paris, vous voyez-vous revenir vous installer à Mayotte ?

Baco : Ce que j'aime à Paris, c'est la mixité culturelle et ethnique, c'est une ville universelle, on y trouve toutes les origines et nationalités. Pour l'instant, je ne me vois pas vivre à Mayotte. Je ne refoule pas mes racines, ni ma culture, mais il n'y a rien pour la musique ici. Je déplore le manque d'initiative des instances qui prennent la culture à la légère. Il y a trop de jalousie et de vanité. Bizarrement, lorsque je viens à Mayotte je suis plus stressé qu'à Paris ! Je me sens beaucoup plus utile là-bas, car j'essaie de faire bouger les choses à mon échelle.

 

TM : On dit souvent que pour percer, les artistes mahorais doivent s'installer à l'extérieur, vous vivez de votre musique ?

Baco : Bien sûr ! Je ne me vois pas faire les choses à moitié, en choisissant la musique, je ne pouvais pas faire autre chose à côté pour gagner ma vie. C'est là aussi un grave problème à Mayotte, les artistes doivent se débrouiller seuls, il n'y a pas d'entreprise culturelle. De manière générale, il n'y a pas de vision, on ne pense pas à l'intérêt général. L'industrie musicale, si elle était représentée ici, pourrait booster la culture.

 

TM : Vous pensez que les autorités locales ne soutiennent pas assez les artistes ?

Baco : Ici, on n'est pas conscient de l'importance des réseaux. J'ai participé à la création du Festival interculturel de Mayotte (Fim) il y a dix ans. A l'époque j'étais très optimiste, je trouvais que c'était une formidable chance de mettre en valeur Mayotte. Je suis vraiment déçu que les organisateurs n'aient pas su faire de cet évènement quelque chose d'incontournable.

Beaucoup de jeunes sur l'île font du hip-hop, si les choses avaient été faites à l'époque, on pourrait les orienter aujourd'hui… Au lieu de ça, ils doivent se débrouiller seuls. A Paris, je travaille beaucoup avec Nassim, de la Garde Impériale, au moins, lui, je vais l'aider à intégrer des réseaux qui le feront progresser.

 

Propos recueillis par Marion Châteauneuf

 

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