Les chauffeurs de bus ne veulent plus conduire « la peur au ventre » à Mayotte

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Ce jeudi 3 juin, les directions des transports scolaires ont décidé de suspendre l’activité des bus pour manque de matériel sur le réseau. Depuis près d’une semaine, plusieurs bus subissent des caillassages à répétition, mettant en danger les élèves et les chauffeurs. Les instances représentatives du personnel ont donc été réunis à Sohoa par la direction pour exprimer leur avis sur le futur.

Des pierres visibles à travers les fenêtres… Des élèves en panique… Puis le bruit d’une vitre qui se casse, suivi d’une autre et d’une autre. Et des cris. Voilà ce à quoi doivent s’attendre chaque jour les élèves et les chauffeurs de bus sur la route des établissements scolaires. « Ça fait des années que ça dure !”, s’exaspère Yasmina Mabouroukou, membre du conseil syndical CFDT. “Les chauffeurs partent travailler avec la peur au ventre”, assure la jeune femme. Selon elle, les chauffeurs s’écrivent tous les soirs pour dire s’ils sont rentrés sains et saufs. “Ils en viennent à avoir peur de ne pas rentrer chez eux le soir.
La situation d’insécurité dans laquelle ils se trouvent en a poussés plus d’un au burn out, voire à la reconversion. Pourtant, tous déclarent aimer leur métier et ne pas forcément avoir envie d’arrêter. Mais les dangers auxquels ils doivent faire face quotidiennement ne cessent d’augmenter. Entre les routes mal éclairées, les arrêts de bus guère plus lumineux, les nouveaux ralentisseurs dans des zones à risques comme à Vahibé et une jeunesse désoeuvrée et frustrée, les chauffeurs n’y trouvent plus leur compte.

 

Des actes de délinquance à répétition

 

Cette fois-ci, c’est un incident particulier qui a poussé la direction à suspendre l’activité des transporteurs. Après le caillassage de plusieurs bus à Kahani lundi, des représailles ont eu lieu le lendemain à Chiconi. L’une des pierres a traversé le pare-brise du véhicule et a blessé l’un des élèves. Touché à la tête, il serait toujours dans un état critique au centre hospitalier. Au grand désespoir des transporteurs, cet acte n’était malheureusement pas isolé. À la rentrée dernière, le 10 mai, une chauffeure s’est retrouvée avec un couteau sous la gorge, alors qu’un jeune homme s’était glissé à l’intérieur du bus pendant que les élèves descendaient. Ces incidents sont devenus monnaie courante pour les transporteurs, totalement dépassés par la situation.

 

La volonté de conduire en sécurité

 

Tout ce qu’on demande, c’est plus de sécurité, pas en mettant la police partout, mais en réglant le problème sociétal qui existe à Mayotte vis-à-vis de la jeunesse”, préconise Yasmine Mabouroukou. Les transporteurs réclament de “réelles solutions” de la part de l’État. “Les professeurs et nous, sommes en contact direct avec la jeunesse mahoraise”, souligne Amir, chauffeur scolaire. Face à cette jeunesse désœuvrée, les conducteurs se veulent force de propositions. Force est de constater que l’ajout de médiateurs n’a pas arrangé cette situation périlleuse et stressante. “Ce sont les premiers à partir quand il y a un problème, et les chauffeurs se retrouvent seuls, dépassés”, se désole la membre du conseil syndical CFDT.
Leurs doléances ? Des structures pour s’occuper des jeunes et une implication réelle de l’État sur les questions de sécurité des transports. “Ce ne sont pas que des enfants d’immigrés ou des jeunes qui sont dans la précarité. Mais bel et bien l’ensemble de la jeunesse mahoraise”, analyse la jeune femme, qui se questionne sur la rentrée prochaine et les conditions de travail qui les attendent. Avant de se projeter aussi loin dans le temps, quid du présent ? À l’heure où nous écrivons ces lignes, la suspension des lignes pourrait être reconduite ce jour par les syndicats. Conséquences : de nombreux élèves pourraient à nouveau ne pas être en capacité de rejoindre leurs établissements scolaires. Le concours d’éloquence qui devait se tenir hier a lui aussi été reporté au 9 juin.