Six prévenus comparaissaient ce mercredi devant le tribunal correctionnel de Mamoudzou pour plusieurs cambriolages en juillet 2018. Ils ont été reconnus coupables et ont écopé de quatre ans de prison ferme.
“18 ans de réclusion aux assises pour viol, vols avec violences aggravées et en réunion. Et il s’agit seulement des faits d’avril-mai 2015, il y en a d’autres antérieurs… Oui, vous, on s’est déjà vu, en tout cas moi je m’en souviens”, réalise la présidente, qui jette un regard au-dessus du dossier fourni du prévenu, au moment d’énumérer ses casseroles. C’est que l’homme qui toise l’audience en secouant la tête, n’est pas n’importe quel lascar. Connu notamment pour une escapade et une cavale rocambolesque de deux ans, le mis en cause n’est autre qu’Abderemane Nassur, dit M’Déré. Le criminel et coupeur de routes, qui avait terrorisé la population de Mayotte avec sa bande en 2015-2016, se retrouve une fois encore au tribunal. Cette fois-ci, il est flanqué d’une autre célébrité locale, le “bandit” Magnélé – lui-même déjà condamné par deux fois dans deux procédures depuis décembre 2020 – et quatre autres prévenus.
Dans cette belle brochette, il y a aussi “Kambi” (ou “DJ”), ”Sera”, ou encore “Faiz”. Au total, ils sont six, sur les neuf suspects de la bande : deux n’ont pas encore été interpellés, et l’un doit être jugé par le tribunal des enfants. Les prévenus du jour sont entendus par le tribunal correctionnel pour avoir tenté de cambrioler, munis d’une machette, une hache, un couteau et même un pistolet, deux habitations à Sada dans la nuit du 1er au 2 juillet 2018, puis le lycée professionnel de Chirongui la nuit suivante. Des faits précédés, accompagnés ou suivis de violences, ayant entraîné des incapacités temporaires de travail pour certains des occupants des logements, et commis en réunion. Ils ont échappé de peu à la cour d’assises.
Le pistolet sur la tempe
Tout commence à Sada, vers 1h du matin. Un bruit de ferraille réveille brusquement l’une des occupantes de la maison. Arrivée dans la cuisine, la grand-mère, qui garde ses deux petits enfants, comprend vite que quelque chose cloche. Les verrous sont cassés… Alors qu’elle ouvre la porte, la voilà face à cinq bonshommes, tapis dans la pénombre. Seule une grille la sépare de ses agresseurs. Alors, elle s’y cramponne, malgré “le pistolet que l’un d’entre eux à ma droite a posé sur ma tête”. À la barre, la victime semble revivre avec intensité ce moment d’angoisse. “J’ai crié à l’aide ! Youssoupha à l’aide !”, s’époumone-t-elle devant les magistrats, en agitant ses bras en l’air. “J’étais la seule personne à pouvoir leur porter secours, on m’a confié les enfants, ils sont tout pour moi”, lâche-t-elle en reprenant son souffle. Son mari, arrivé sur ces entrefaites, reçoit un coup de pilon dans le crâne qui lui vaudra trois jours d’ITT. Elle en aura gagné 13 de plus.
Les assaillants finissent malgré tout par déguerpir, affolés par l’arrivée imminente des gendarmes. Mais pas question de finir la nuit sans butin. C’est pourquoi ils s’attaquent ensuite à un autre habitat, celui d’un commerçant de téléphones. Il est entre 2h50 et 3h du matin, et cette fois-ci, ce sont les cris d’une petite fille qui alertent ses parents. Là encore, le remue-ménage fait fuir les cambrioleurs, non sans quelques coups au passage. Et le lendemain, rebelote, au lycée professionnel de Chirongui, où ils rencontrent moins de résistance. Ils piquent dans la caisse plusieurs centaines d’euros, ainsi qu’une tablette, huit ordinateurs portables, un écran d’ordinateur, mais aussi un chéquier, un passeport et un billet pour Madagascar. Bon vol !
Les prévenus brouillent les pistes
Entendus à tour de rôle, les six prévenus tentent tous à leur façon de noyer le poisson. L’un nie sa participation, l’autre avoue seulement un cambriolage. Celui-là refuse de répondre, celui-ci change de surnom en cours de route. “Madame la juge, je vous dis, la première maison, on l’a pas cambriolée”, martèle par exemple Magnélé. “Là, on est dans un endroit où chacun veut sauver sa peau, donc ils m’accusent”, balance “Sera”, le seul à complètement nier sa participation à l’ensemble des infractions. Et pourtant le plus “monstrueux” ? Son surnom, qu’il nie également à la barre, signifie “monstre” en mahorais, rappellera Maître Kamardine, conseil du deuxième couple victime. “Les Mahorais sont mauvais, ils sont racistes”, poursuit le malfrat au moment d’évoquer sa personnalité. “J’ai un champ à Majimbini.” “Il vous appartient ce champ ?”, s’étonne la présidente. “Non, parce qu’à Mayotte, on peut aller où on veut”, rétorque “Sera” sans sourciller.
“L’opinion publique nous regarde”
De quoi exaspérer les avocats des parties civiles, juste avant leur plaidoirie. “Ils disent qu’ils sont venus des Comores pour avoir une vie meilleure, mais quand on voit ces faits-là, on n’a pas l’impression. Au contraire, ils sont venus pour semer la terreur à Mayotte”, dénonce Maître Abdel Latuf Ibrahim, qui demande 3.000 euros en plus d’un renvoi sur intérêts civils pour dédommager ses clients. “Ces agressions, les Mahorais en ont marre. L’opinion publique nous regarde”, ajoute Maître Kamardine, qui avance quant à lui les sommes de 10.000 euros de dommages et intérêts pour le couple qu’il défend, et encore 6.000 et 3.500 euros respectivement pour leurs enfants. Face au “faisceau d’indices” incriminant les six prévenus, le ministère public requiert une peine de six ans chaque, plus cinq ans d’interdiction de porter une arme. Malgré les arguments de Maître Baudry, l’avocate de l’un de six prévenus, qui fera valoir l’absence de preuves dans ce dossier, et notamment de traces ADN, les juges seront à peine plus cléments. Tous les prévenus sont reconnus coupables et écopent de quatre ans de prison et cinq ans d’interdiction de porter une arme.
La bande repart donc pour Majicavo. Sans en avoir fini avec la justice pour autant. Le pistolet, brandi sur la tempe de l’une des victimes, viendrait en effet d’une autre affaire, encore en instruction. Un meurtre, dans lequel les six prévenus sont entendus sous le statut de témoins assistés.