Le préfet Jean-François Colombet continue sa tournée à la rencontre des forces vives de Mayotte. Vendredi dernier, il était à M’Tsamboro pour écouter et récolter les propositions des institutions sur le thème du renforcement de l’État régalien à Mayotte. Au total, pas moins d’une trentaine d’idées ont été relevées. Elles seront inscrites dans la synthèse que recevra le ministre des Outre-mer le 1er juin.
La cafétéria du collège de M’Tsamboro accueillait de drôles d’élèves ce vendredi matin. Il ne s’agissait pas d’adolescents, mais de femmes et hommes adultes représentant différentes institutions ainsi que des élus. Tous sont venus exposer leurs idées afin de contribuer à l’élaboration du projet de loi Mayotte proposé par Sébastien Lecornu. L’attractivité de Mayotte était au cœur des préoccupations. Chacun à sa manière a formulé une suggestion pour que le territoire soit moins attractif aux clandestins. Voici une liste non exhaustive des idées qui ont émergé lors de ce forum institutionnel.
Taxer les bangas
Le préfet s’est lancé dans une reconquête du foncier en démolissant les cases en tôles construites illégalement. Mais force est de constater que certains propriétaires de terrains refusent de coopérer comme ce fût récemment le cas en Petite-Terre. Le maire de Koungou a alors proposé une alternative. « Il faudrait taxer les bangas, pour faire entrer de l’argent dans les communes et mieux les contrôler. Le bailleur devra également proposer un bail de location. Ainsi les propriétaires de bangas se mobiliseraient un peu plus et s’occuperaient mieux de leur foncier. » Une idée qui n’a pas vraiment enchanté Jean-François Colombet. « Je préfère plutôt qu’on les détruise et que l’on dénonce les propriétaires qui tirent des revenus de ces bangas », a-t-il rétorqué. Il a d’ailleurs donné les noms de ceux qui ont refusé la démolition des cases en tôles au procureur et à la direction régionale des finances publiques (DRFIP) pour qu’une enquête soit ouverte.
Interdiction d’attribuer des titres de séjours à ceux qui entrent illégalement
Comme depuis le début de la semaine, la question de l’immigration s’est invitée dans le débat. Le député Mansour Kamardine a proposé l’interdiction au préfet de procurer des titres de séjour à tous ceux qui entrent clandestinement sur le territoire ou qui y résident illégalement. « Y compris ceux qui entrent avec un visa et qui ne partent pas. On ne peut pas récompenser les personnes qui trichent, parce qu’en les régularisant on leur dit de continuer de se cacher pendant 15 ans et elles seront récompensées », a-t-il argumenté. Une proposition relevée par le préfet, non sans quelques pics de provocation. « Par contre, il faudra que les élus arrêtent de faire des interventions pour que je régularise certaines personnes. J’en reçois beaucoup… », a-t-il taclé. Une vérité générale qui a eu le don de faire rire l’assemblée.
Faire payer les femmes clandestines qui veulent accoucher
La forte natalité de Mayotte inquiète les Mahorais. Il y a quelques jours, la maternité de Mamoudzou enregistrait un nouveau record de 45 naissances en 24 heure. « Il fût un temps l’hôpital leur faisait payer 300 euros aux femmes enceintes qui résident à Mayotte illégalement avant leur accouchement, je ne sais pas ce qu’il s’est passé, mais cela ne se fait plus. Il faut restaurer ce système et peut-être même les faire payer plus de 300 euros », a soutenu Hadidja Bacar Said, une habitante de M’Tsamboro qui a réussi à participer à cette réunion. Sa proposition va encore plus loin puisqu’elle aimerait ensuite que « l’on renvoie ces femmes et leurs bébés immédiatement chez eux dès qu’ils sortiront de la maternité ».
Réévaluer la population de Mayotte à sa juste valeur
Le nombre d’habitants présents à Mayotte communiqué par l’Insee a toujours été sujet à des houleux débats. Selon les derniers chiffres, l’Insee répertorie 289.000 personnes sur l’île. « Je pense qu’on est tous conscients d’être largement plus sur le territoire », a soulevé le représentant du collectif du monde économique de Mayotte dans la lutte contre l’insécurité (CMEM). Le travail des agents recenseurs a fortement été critiqué pendant le forum institutionnel à M’Tsamboro. « Les jeunes qui sont embauchés pour faire le recensement ne vont pas dans les quartiers informels, il ne faut pas se leurrer », ajoute un autre intervenant. Et contrairement à toute attente, le préfet a acquiescé. « Je pense que c’est vrai et l’Insee a beaucoup été sensibilisé là-dessus… Je suis attaché à un critère, c’est le nombre de foyers fiscaux, parce que le fisc ne rate personne. Le DRFIP nous disait que nous avons 94.000 déclarations physiques, donc on peut faire le ratio et on peut imaginer que le chiffre indiqué par l’Insee n’est effectivement pas le nombre de personnes présentes à Mayotte. », a-t-il indiqué. Or, tous les moyens attribués à Mayotte sont calculés sur la base du nombre officiel d’habitants. « Aujourd’hui, on est tous en attente de moyens, alors il faut revoir la politique du recensement », a préconisé le représentant du CMEM. Jean-François Colombet a annoncé que le recensement sera désormais séquencé, ce qui permettra une mise à jour plus régulière.
Désenclavement des communes
C’est un fait, pratiquement tous les services publics, les entreprises, les activités diverses et variées se concentrent à Mamoudzou. Une situation qui crée des kilomètres de bouchons et qui défavorise les autres communes. L’idée a été évoquée par un adhérent du syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales. « Je pense qu’il y a à l’intérieur de Mayotte plusieurs Mayotte. Il faudrait développer les services publics et les faire venir dans les endroits qui s’éloignent du chef-lieu. Sans oublier les médecins qui devraient s’installer dans ces endroits reculés », a-t-il développé.
Confiscation des matériaux nautiques destinés aux kwassas
« On connait les fournisseurs des fabricants des kwassas. Ils sont basés dans le sud de la France et leurs conteneurs passent à Mayotte, tout le monde le sait », a affirmé un participant au forum. Selon lui, la douane française devrait tout simplement confisquer ces matériaux nautiques lorsqu’ils sont au port de Longoni et les offrir aux pêcheurs pour qu’ils puissent réparer leurs bateaux gratuitement. « Le président Azali refuse de reprendre ses compatriotes ? Alors on lui fait un embargo sur tous les matériaux nautiques qui servent à fabriquer les kwassas », a-t-il ajouté. Voilà de quoi déstabiliser le réseau de passeurs établi entre les Comores et Mayotte.