Loi Mayotte : Les motifs impérieux s’invitent dans les débats, portés par un groupe de médecins du CHM

En pleine audience du préfet pour la consultation sur la loi programme, des personnels soignants ont décidé d’interpeller le représentant de l’État au sujet des motifs impérieux et des contrôles drastiques effectués par les services de la préfecture. Au vu de la situation sanitaire stabilisée, ceux qui sont en première ligne face au Covid-19 s’inquiètent des conséquences d’une telle prolongation pour les habitants de l’île.

Décidément, le Covid-19 n’est jamais bien loin. Même dans les réunions organisées depuis mercredi pour la consultation sur la loi programme pour Mayotte. Ce jeudi, c’est à l’occasion d’une audience avec le préfet à la mairie de Mamoudzou, version intimiste d’un grand débat, qu’un petit groupe de médecins du centre hospitalier a choisi de faire entendre sa voix. Leurs doléances ? Les motifs impérieux, qui commencent de plus en plus à s’attirer les foudres des habitants de l’île aux parfums.

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Rien à voir, de prime abord avec les cinq thèmes de cette grande consultation lancée par le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu, qui sont rappelons-le : l’égalité des droits sociaux, le renforcement de l’état régalien, l’accélération du développement de Mayotte, le renforcement du conseil départemental, et la jeunesse et l’insertion. Pourtant… “Nous craignons que l’hôpital rencontre de plus en plus de difficultés à recruter des collègues sur le long terme. On sait que Mayotte souffre déjà d’un désert médical. Et certains soignants autour de nous pensent à quitter l’île, malgré l’attachement à leurs patients…”, signale cette médecin, dans ce qui s’apparente à un cri d’alerte.

“Nous ne sommes plus confinés mais séquestrés sur l’île !”

La question qui m’interroge : sur quels fondements et données épidémiologiques, sachant que le taux d’incidence est au plus bas, est basée la prolongation de ces motifs impérieux ?”, lance cette soignante, installée depuis trois ans dans le 101ème département. “Nous sommes de plus en plus nombreux à ne pas comprendre cette interdiction, nous avons tous des motifs qui nous paraissent impérieux, voir nos proches, obtenir des soins qui ne sont pas disponibles ici, ou encore des raisons professionnelles”, renchérit l’un de ses collègues. “Nous ne sommes plus confinés mais séquestrés sur l’île !

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Réponse du préfet, qui rappelle avoir obtenu l’assouplissement récent de ces motifs : “la logique du gouvernement, c’est de dire : oui vous ne présentez pas de risque particulier, par contre, il faut freiner les échanges car nous courons encore le risque d’importer les variants britannique ou brésilien”, explique Jean-François Colombet, en évoquant le précédent presque catastrophique de l’arrivée du variant sud-africain à Mayotte. A ce jour, cinq premiers cas de la mutation dite britannique du virus ont en effet été détectés sur le territoire.

 

Deux poids, deux mesures

 

Une situation qui ne convainc pas ces médecins, pourtant confrontés au virus tous les jours. “Les variants brésiliens et anglais ne vont pas circuler pendant des semaines, pas pendant des mois, mais pendant des années ! On va vivre sous ces motifs pendant des années ?”, s’insurge l’un d’eux, qui travaille précisément au service réanimation du CHM. Pour lui, cette justification tient d’autant moins qu’aucun seuil n’a été fixé pour décider d’une levée ou non des motifs. Et une autre de surenchérir : “J’aimerais qu’on se réveille sur la réalité sanitaire de Mayotte. L’année dernière, nous avons eu plus de morts de la dengue que du coronavirus. Aujourd’hui, en réanimation, vous avez plus de jeunes victimes de l’insécurité. Il y a plus de morts du diabète…” Sans compter que le même contrôle ne s’effectue pas pour les passagers en provenance de métropole, qui se contentent encore de présenter leur bout de papier directement au guichet de l’aéroport.

 

La protection des données médicales en question

 

En autre guise de réponse à leurs interrogations, le préfet assure que les personnes souhaitant se déplacer pour un motif sanitaire le peuvent. Éclats de voix dans l’assistance. “On a des cas tous les jours de personnes qui se font refouler leurs motifs !” “On protège une population contre le virus, mais on en empêche une autre d’aller se faire soigner. Des gens qui devaient aller au CHU hier se sont vus refuser leur motif”, précise Safina Soula, la représentante du collectif de défense des intérêts de Mayotte (Codim), en soutien aux personnels soignants. “Nous avons six personnes, trois de la police aux frontières (PAF) et trois fonctionnaires à la préfecture chargés d’étudier les dossiers”, mentionne le délégué du gouvernement. Une source d’inquiétude de plus pour ces médecins. “C’est quand même accablant que ce soient des policiers de la PAF qui regardent les dossiers médicaux !

Bref, la gronde monte même chez ceux en première ligne contre le virus. En attendant, le Conseil d’État vient de débouter le collectif des citoyens de Mayotte de leur recours sur cette même mesure. À la mi-avril, le groupe avait déposé une requête pour demander la suspension de l’exécution des nouvelles dispositions de l’article 57-2 du décret du 16 octobre 2020, permettant justement au représentant de l’État de demander des pièces justificatives aux passagers, six jours avant leur départ. Le collectif entend déposer un référé-liberté au tribunal administratif.

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