La venue d’Air France avait donné un élan d’espoir à tous les habitants de Mayotte. Fin du monopole aérien, et des prix exorbitants, pensait-on. Mais ce rêve s’est envolé en ce début de semaine, lorsque l’annonce de la non venue de la compagnie a été divulguée. Les Mahorais ne comprennent pas cette décision et accusent Air Austral d’être la cause de tous leurs maux.
« Comment Air Austral a pu mettre la pression sur une compagnie de taille comme Air France ? » C’est la question que tout le monde se pose à Mayotte et sur les réseaux sociaux. La nouvelle de la non venue d’Air France à Mayotte est tombée en début de semaine et depuis les spéculations vont bon train. « Comment se fait-il qu’Air Austral prenne des décisions pour Mayotte ? », « De toute façon, c’était voué à l’échec », « Ils ont fait du chantage », autant d’accusations répertoriées sur la toile qui pointent du doigt la compagnie réunionnaise. Le député Mansour Kamardine a annoncé lundi qu’Air France ne volerait finalement pas dans le ciel mahorais, supposant qu’Air Austral en serait la cause.
Aussitôt dit, l’association des usagers des transports au départ et l’arrivée de Mayotte (Autam) est montée au créneau. « Ce projet n’est plus d’actualité à cause de la pression des autorités réunionnaises qui n’ont pas hésité à sacrifier les voyageurs mahorais sur l’autel de leurs intérêts économiques », fustige Cris Kordjee, présidente de la structure. Très en colère, elle met des mots sur ce que beaucoup de Mahorais ressentent depuis des années. « Par cette funeste victoire, elles (les autorités réunionnaises) démontrent une nouvelle fois que la solidarité des îles françaises de l’océan Indien invoquée par certains est une chimère. » Si Cris Kordjee nie la solidarité entre les deux départements, elle n’en veut finalement pas à Air Austral, mais à l’État qui semble avoir favorisé l’un de ses deux enfants. « Air Austral a plaidé sa cause au plus haut sommet de l’État et il a répondu en sa faveur. Cette nouvelle signifie que personne n’a défendu les intérêts de Mayotte et des Mahorais », regrette-t-elle. D’autres accusent les élus de l’île aux parfums de ne pas avoir réagi. « Où sont les représentants de cette île ? Quel est leur combat ? », s’interroge une internaute. « Les Mahorais sont mal représentés sur la scène politique nationale alors que les Réunionnais sont soudés », soulève un autre. Cette nouvelle semble avoir ravivé des rancoeurs enfouies auprès des Mahorais qui, encore une fois, ont l’impression d’être des sous-Français.
Trouver des solutions sur le long terme
La venue de nouvelles compagnies aérienne à Mayotte est un combat mené par l’Autam depuis plusieurs années. Mais après quelques lueurs d’espoir, l’association et les Mahorais ont à chaque fois été déçus. « On ne va pas se laisser démonter. On va se concentrer sur nos objectifs parce qu’il n’y a que nous-mêmes qui défendrons nos intérêts », se motive Cris Kordjee. Si le retour de Corsair est un bon début, elle sait qu’il faut trouver des solutions sur le long terme. La prolongation de la piste de l’aéroport de Mayotte est incontestablement l’une d’elles. « La demande d’une piste longue n’est pas un caprice des Mahorais. Personne ne veut venir ici parce qu’elle est trop courte et dangereuse. Et c’est ce qui permet à Air Austral d’avoir le monopole. Mais il y a un réel manque de volonté politique. C’est peut-être même ça, la cause de tous ces problèmes », souligne-t-elle.
L’installation d’une compagnie mahoraise est également fortement souhaitée. « Au moins, on est sûrs qu’elle ne nous quittera pas ! », ajoute-t-elle. Rien n’est sûr, mais cela améliorerait indéniablement le quotidien des Mahorais, tout en développant l’île. « Ici, beaucoup de gens ont des problèmes de santé et sont obligés de partir sans avoir les moyens parce que le prix du billet coûte trop cher », selon la présidente d’Autam. Le monde économique n’est pas non plus épargné, et très souvent, les plus petits sont les plus touchés. « Les commerçants sont obligés de voyager pour acheter leur marchandise. Et pour cela, ils doivent faire des économies pour pouvoir partir. Ce sont eux qui souffrent le plus. » Le cas d’Air France n’est pas une première chez nous. Jusqu’à présent, Air Austral semble avoir le bras assez long, mais jusqu’à quand ? Beaucoup de Mahorais estiment que la réponse se trouve désormais dans les urnes.