Ce jeudi 8 avril, la chambre des métiers et de l’artisanat organisait à l’hôtel consulaire la troisième cérémonie de remise de titres à six « artisans d’art » dans le cadre de la 15ème édition des journées européennes des métiers d’art qui se déroulent du 6 au 11 avril. Brodeuse, photographe, tourneuse sur bois, styliste modéliste, bijoutier, marqueteur, autant de métiers mis en lumière au cours de la matinée.
Crise sanitaire oblige, la troisième remise de titres d’artisans d’art s’est déroulée en catimini, « dans le respect d’une jauge de 30% de la capacité d’accueil de cette salle », ce jeudi 8 avril à l’hôtel consulaire. Pas question pour autant de passer à côté de cet événement ô combien important pour le 101ème département qui ne compte qu’un seul métier officiellement reconnu sur le territoire.
La raison qui explique ce chiffre dérisoire ? Les conditions particulières à l’obtention de cette reconnaissance… « L’artisanat d’art n’est ni un statut juridique ni une activité proprement dit ni l’une des familles de métiers qui regroupent 1.3 million d’entreprises artisanales dans notre pays, à savoir l’alimentation, la fabrication, le bâtiment et les services », a introduit Jean-Denis Larroze, le secrétaire général de la chambre des métiers et de l’artisanat. En effet, il s’agit purement et simplement d’une reconnaissance professionnelle définie par trois critères, à savoir la mise en œuvre de savoir-faire complexes pour transformer la matière, la production d’objets uniques ou de petites séries qui présentent un caractère artistique ou encore la maîtrise du métier dans sa globalité.
Structurer ce secteur d’activité
À Mayotte, « un certain nombre d’entre eux ont une activité informelle, pour ne pas dire la plupart, soit par choix, soit parce qu’ils estiment ne pas pouvoir vivre de leur art », a précisé Salim Soumaila, le président de l’institution. «Malgré nos efforts, il reste difficile de les intégrer dans un cadre formel, d’autant plus que de nombreux organisateurs de manifestations, y compris publics, ne sont pas regardant sur leur situation, bien au contraire.»
Alors pour structurer le secteur d’artisanat d’art, il est essentiel que toutes les entités – Europe, État et conseil départemental – participent à cette démarche. Y compris les municipalités que la CMA compte bien solliciter pour qu’elles soutiennent financièrement à son développement, « en participant par exemple à la prise en charge partielle du coût salarial d’un apprenti de plus de 25 ans de la commune, en complément des aides de l’État ». Avant d’adresser un clin d’œil au président de l’association des maires, Madi Madi Souf, qui devrait accueillir, selon Salim Soumaila, « cette proposition avec bienveillance et intérêt » et être « notre porte-parole efficace et passionné auprès de ses collègues ».
L’attribution de six titres d’artisans d’art à des « petits entrepreneurs » était donc une première pierre à l’édifice de cet enjeu majeur pour la valorisation du territoire. « À Mayotte, on est capable de… », a assuré Jean-Denis Larroze, avant de présenter un par un les lauréats du jour.
Halima Andjilani, brodeuse
Domaine : textile
Née à Bouéni en 1976, Halima Andjilani débute son activité en octobre 1997, date à laquelle elle s’est inscrite au répertoire des métiers pour l’activité broderie. Brodeuse à l’aiguille, même si elle utilise par ailleurs d’autres techniques comme le point Richelieu, avec lequel elle réalise des récélés qui font aussi sa renommée, l’artisane située à M’Bouanatsa crée des motifs à plat ou en relief sur des tissus variés. « Je travaille environ cinq heures par jour et par terre », a-t-elle lâché comme anecdote au moment de recevoir, avec une certaine émotion, son titre.
Abdullah Ali Mari, photographe technicien
Domaine : papier, graphisme et impression
Né en 1969 à Sada, Abdullah Ali Mari est le créateur en janvier 2013 de la SARL Photo Concept, installée rue du commerce. Titulaire d’une licence en arts plastiques délivrée par l’université Rennes 2, il n’hésite pas à participer avec succès à de nombreuses sessions de formation organisées par le centre de formation Nikon. Il réalise la prise de vue, le développement et le tirage argentique ou le tirage numérique pigmentaire, et maîtrise des techniques d’impression qui lui permettent de proposer un support adapté qui peut comporter différents aspects de surface, et de finition comme le contrecollage et la vitrification. Il intervient aussi sur des photographies grand format et de très haute définition, tout en ayant su se diversifier, notamment dans la vente d’accessoires et la création d’objets publicitaires personnalisés, plus communément appelés « goodies ». « La photographie rentre dans l’art, c’est aussi de la recherche », a-t-il martelé lors de la cérémonie.
Marlène Fraytag, brodeuse sur bois
Domaine : ameublement et décoration
Originaire d’Avignon, Marlène Fraytag exerce depuis 2013 l’activité générique de fabrication d’objets en bois et de bijoux dans l’entreprise individuelle Touch’du bois, qu’elle a reprise cette même année à son créateur, Claude Barthois. Pour ses objets, elle utilise en grande partie la technique du tournage sur bois, qui lui permet de façonner la matière à l’aide d’un tour en la creusant et en l’affinant, pour en extraire des pièces aussi diverses que variées telles que des plateaux, des sculptures, des toupies, des boîtes ou des stylos. Marlène Fraytag est également la membre fondatrice de la maison artisanale de Mayotte, créée avec l’appui du service de développement économique de la CMA et dont le magasin de vente se situe devant le 5/5. À ses yeux, chaque jour est un éternel recommencement pour « progresser dans notre métier ».
Ali Assani M’Colo, marqueteur
Domaine : ameublement et décoration
Né à Nosy Bé en 1969, Ali Assani M’Colo commence son activité en juillet 1994 d’une façon bien curieuse. Soucieux de s’intégrer dans l’économie formelle, il se déclare dans le domaine de la vannerie et la transformation de bambous locaux. Dans le cadre de la structuration du secteur des métiers d’art, le service de développement économique de la CMA s’aperçoit rapidement de l’écart entre l’activité déclarée et la réalité de son art, que l’on peut assimiler pour de nombreux produits à de la marqueterie. Selon les critères officiels, le marqueteur réalise des compositions pour orner meubles ou objets ou pour créer des tableaux. Il découpe des plaçages naturels ou teintés et assemble les pièces avec de la colle chaude avant de les mettre sous presse pour les coller sur leur support. Dans le cas d’Ali Assani M’Colo, il s’agit des coques du fruit du baobab.
Moinécha Hariti, styliste modéliste
Domaine : mode et accessoires
Si Moinécha Hariti inscrit son atelier de couture sous le nom de Hariti Mod et Art au répertoire des métiers en février 2005, la Petite-Terrienne ne débute son activité que deux mois plus tard, le 1er avril. Cette couturière dite flou, en raison de son expérience et de ses 16 années de carrières, réalise des créations souples dans des étoffes fluides et maîtrise toutes les étapes de la fabrication (patron, coupe, bâti, assemblage, couture et finition). Après le moulage sur mannequin, elle indique sur la toile l’emplacement des découpes et des pinces et règle l’aplomb… « Au fil des années, je me suis spécialisée dans le mariage », précise celle qui est à l’origine de la coopérative des couturières de Mayotte. Son leitmotiv ? « Dans un vêtement, je mets toute mon âme ! »
Farsi Said Madi, bijoutier
Domaine : bijouterie, joaillerie, orfèvrerie et horlogerie
Né à Sada en 1960, Farsi Said Madi crée sa bijouterie Temple D’or le 7 décembre 1994 dans sa commune de naissance, après être parti se former à La Réunion. Il utilise la fonte à la cire perdue, la soudure ou le martelage pour mettre en forme le bijou avant d’en réaliser les finitions. Membre de la récente coopérative des bijoutiers de Mayotte, le doyen des artisans d’art participe à l’évolution de la profession, avec la mise en place du poinçonnage et de la tenue des registres réglementaires.