Attaqué au chumbo, un client du Barfly s’est retourné contre son agresseur en lui assénant plusieurs coups de couteau. Un revirement qui ne coche pas les cases de la légitime défense… Les deux prévenus ont écopé de peines de prison avec sursis.
Ils avaient croisé le fer, ou plutôt le couteau et le coupe-coupe il y a trois ans à la sortie de Barfly. Ce mercredi, deux hommes étaient entendus au tribunal correctionnel de Mamoudzou, tous deux dans le rôle à la fois de victimes et de prévenus. L’un pour violence suivie d’incapacité n’excédant pas huit jours avec usage d’une arme et en état d’ivresse manifeste ; l’autre pour violence suivie de mutilation ou infirmité permanente. Car c’est là que la lame blesse : le premier y aura perdu une phalange…
Le drame remonte au 15 avril 2018. Cette nuit-là, Monsieur I. profite d’une soirée dansante avec sa femme et l’une de ses amies, au Barfly donc. L’alcool coule à flots, jusqu’à ce que les dames décident de rentrer. Monsieur I. les suit à quelques minutes d’intervalle, mais quand il arrive sur le parking, le mari trouve un homme en train de tenter de forcer sa voiture. Alors qu’il s’interpose, un troisième individu surgit de nulle part, armé d’une machette. “Tu fais le beau parce que tu es avec deux femmes”, lui aurait lancé Monsieur M., le deuxième prévenu du jour, avant de lui asséner un premier coup de chumbo au visage. À un doigt près ! “Si je n’avais pas mis ma main, je ne serais pas devant vous aujourd’hui”, retrace Monsieur I., la voix tremblante face aux juges. Une version corroborée par les témoignages de sa femme et son amie. Il finira avec 21 jours d’incapacité temporaire de travail.
Cinq plaies en retour
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Aveuglé par la rage et le sang, l’homme désormais amputé se met à poursuivre son agresseur. À terre, Monsieur M. prend plusieurs coups de couteau : il finira avec 5 plaies, dont l’une assez profonde au thorax qui nécessitera des points de suture et une ITT de 8 jours. Seule l’intervention d’un tiers, un ami présent à la soirée, parviendra à arrêter l’homme au couteau, en jetant son arme à la mer. Une lame dont on ne parvient pas trop à déterminer la provenance, tant les explications du prévenu restent vagues à la barre. Lui prétend l’avoir ramassé après avoir reçu le coup de machette, alors que l’une des témoins a expliqué en audition qu’il l’avait “dès le départ”. Mais à part ce léger flou, Monsieur I. ne nie pas les faits : “je me suis senti en danger, j’essayais de me défendre (…), ce n’était pas mon intention de le blesser, j’avais peur”, répète-t-il inlassablement trois ans après les faits.
Coupe-coupe contre couteau
Du côté de la partie adverse, le discours n’est pas le même. “D’après ce que j’ai entendu, il s’est coupé le doigt tout seul”, fait valoir le plus rondelet des deux hommes, quand vient son tour d’expliquer le déroulé des événements. “Je vois trois personnes, et l’un avec un couteau, je lui dis : ‘‘on a tous un couteau, lâche ton couteau’’ et donc je suis allé cherché un coupe-coupe.” “C’est votre manière de résoudre les conflits ?”, tance la présidente. Mais ni cette pique ni les suivantes n’inciteront le bonhomme à reconnaître une responsabilité dans la mutilation de son coprévenu. Une position qui ne lui attirera pas les faveurs du tribunal : l’homme écope de trois ans de prison dont deux avec sursis probatoire de deux ans – l’année de prison ferme pouvant être aménagée. Monsieur I. quant à lui s’en sortira avec 10 mois de prison avec sursis. Les deux s’étant constitués parties civiles, ils se doivent respectivement : 5.000 euros pour le préjudice moral et 10.000 euros pour le préjudice physique de Monsieur I. ; et 1.500 euros pour le préjudice moral et la même somme pour le préjudice physique de Monsieur M. Le parquet avait requis 12 mois de prison ferme pour le premier et quatre ans dont trois avec sursis probatoire pour le second. “Il a quand même perdu un doigt, c’est la sanction la plus grave”, a souligné la procureure. Coupé dans le vif.