Des ses propres mots, Isma Kidza est un “fou de la photo”. Autodidacte qui s’affranchit des règles de la photographie, ce quadragénaire capte chaque instant comme si c’était le dernier pour lui. Passionné depuis plus de 25 ans, il s’est donné corps et âme à l’univers de la photo sans jamais cesser d’innover dans son travail.
Casquette vissée sur sa tête et sac accroché sur le dos, Isma Kidza passerait presque inaperçu dans la rue. Presque, car un objet attire souvent l’attention. Toujours à portée de main, son appareil photo lui permet de capturer l’instant présent, sans filtre. “Ce que j’aime le plus, c’est le street-art, parce que j’immortalise des scènes de vie spontanées et concrètes. Il n’y a pas de mise en scène”, explique Isma. Des enfants dans la mer, des sportifs en pleine action, ou encore des femmes assises en plein bavardage, le photographe a l’art de rendre chaque moment magique. “Si la plupart des gens utilisent des mots pour s’exprimer, j’utilise la photo pour faire passer des messages. Chacune d’elles a une signification particulière”, souligne-t-il.
La flamme de la passion fait briller les yeux de Isma Kidza dès qu’il parle de photographie. Un sujet de conversation qu’il pourrait évoquer durant des heures sans s’arrêter. Pourtant, pendant ses jeunes années, rien ne le prédestinait à être le talentueux photographe d’aujourd’hui. “Cuisinier de profession, j’ai commencé à prendre en photo mes plats dans l’idée de publier un livre culinaire”, rembobine-t-il. De fil en aiguille, le goût de la photo prend le dessus sur la gastronomie et le fait sortir de sa cuisine pour aller photographier tout ce qui attire son regard dans la rue. Si le street-art est son domaine de prédilection, l’artiste fait également des séances photos millimétrées et scénarisées mettant en avant les traditions de Mayotte et de l’Union des Comores. Ainsi, il travaille beaucoup avec le tanimalandi, une poudre blanche utilisée lors des rituels pour évoquer les djinn (esprits).
Mais sa récente découverte est le light painting, une technique de prise de vue pour capter la lumière. Un procédé que Isma Kidza est le seul à utiliser dans l’archipel. “Je voulais changer de style et ne pas faire comme tout le monde, parce que les photos de couchers de soleil et de dauphins on en a plein. J’ai donc regardé quelques tutos et je me suis lancé.” Peu importe les règles de cadrage et de composition, l’autodidacte se forme, seul, sur le tas, au détour de conseils dénichés à droite à gauche. Une manière de rendre ses photos si particulières.
La photo, une addiction
Passionné depuis plus de 25 ans, Isma Kidza n’a pas honte d’avouer sa période de dérive, durant laquelle la photographie ne le motivait plus. “J’étais jeune et je me suis laissé entraîné dans l’alcool. Cela fait maintenant 13 ans que j’ai arrêté de boire, 13 ans que je me saoule avec des shoots photos”, ironise-t-il. Devenu une référence en la matière à Mayotte, le quadragénaire aime vivre dans l’ombre. Son exposition médiatique, il la doit à ses pairs qui l’ont poussé à dévoiler son talent aux yeux du grand public. “Je publie ce que je fais sur les réseaux sociaux, il m’arrive de faire quelques expositions, mais je suis de nature timide alors je n’aime pas trop me montrer.”
Isma Kidza ne vit pas de sa passion, mais il se dévoue corps et âme pour toucher les gens au-delà des frontières mahoraises. “J’échange avec les photographes de l’océan Indien. J’estime que l’art n’a pas de frontières. À travers mes photos, il n’y a pas de différence entre Mayotte et les Comores par exemple. La politique n’a pas sa place dans mon travail”, prévient-il. La célébrité ? Très peu pour lui ! Idem pour la recherche de likes “car on finit par ne pas faire ce qu’on veut mais ce que les autres attendent juste pour leur plaire”. Alors il préfère continuer à travailler dans son coin, et à conseiller les plus jeunes qui veulent se lancer. À l’image de sa fille de 12 ans qui partage la même passion. En bon professeur, il lui apprend tous les rouages de la photographie qu’elle maîtrise déjà comme un chef !