Société de conseil et d’accompagnement en management, Algoé Consultants s’est implantée à Mayotte en septembre 2020. Son objectif auprès des collectivités et des établissements publics : encourager à passer à l’action, sanctuariser les coûts internes, dresser les priorités et développer des moyens de pilotage conséquents. Entretien avec le directeur exécutif, Sixte de Malliard.
Flash Infos : Algoé Consultants, la plus ancienne société de conseil français, s’est installée à Mayotte en septembre dernier. Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à faire le grand saut dans le 101ème département ?
Sixte de Malliard : À la suite d’un travail sur les constructions scolaires avec le rectorat, la préfecture et la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Deal), nous avons imaginé avec notre comité de direction un lien pertinent entre Algoé et Mayotte. Notre idée est vraiment de nous implanter durablement sur le territoire. Nous ne voulons pas être vus comme des mercenaires !
Comme vous le dites, nous sommes la plus ancienne société de conseil français puisqu’elle date de 1959. Nous sommes indépendants dans le sens où 80% de l’actionnariat appartient aux salariés. C’est important pour nous car quand nous réalisons des missions de conseil, nous ne devons pas prendre parti. Nous avons trois grands domaines de savoir-faire : la stratégie et l’innovation ; le fonctionnement de l’entreprise ; la sécurisation des projets et des programmes. Et nous intervenons sur quatre pôles : la maille territoriale (collectivités, conseils départementaux, établissements publics fonciers, etc.) ; les transports et les mobilités ; les investissements immobiliers ; l’énergie et l’environnement.
FI : Justement, en parlant de votre champ d’intervention, qu’en est-il à Mayotte ?
S. D. M. : Nous intervenons fortement auprès du rectorat sur six projets – les lycées de Chirongui et des métiers du bâtiment à Longoni, les collèges de Kani-Kéli et de M’Tsangamouji, la cuisine centrale, l’internat et le gymnase de Kawéni. Nous apportons également notre assistance à l’élaboration de la programmation pluriannuelle de l’énergie 2019-2023 et 2024-2028. Vous le savez, Mayotte est très largement dépendante des énergies fossiles. Le département a l’ambition de mettre l’accent sur les énergies renouvelables, à l’instar du solaire. Nous avons répondu au projet de concertation sur la nouvelle piste en partenariat avec une boîte de communication locale et nous travaillons sur la rénovation urbaine avec les communes de Mamoudzou et de Koungou. Plus récemment, nous avons pris contact avec des acteurs immobiliers, comme Soliha, par rapport à la résorption de l’habitat indigne.
Quand nous avons touché le territoire pour la première fois il y a trois ans, nous nous sommes dit que notre expérience serait très intéressante. Le déficit d’encadrement et de compétence est important sur l’île.Nous avons noué des liens avec le centre national de la fonction publique territoriale et avons engagé des démarches avec le CUFR de Dembéni pour des formations et des stages aux étudiants. Le but de notre plan de déploiement consiste à faire profiter de nos savoir-faire aux jeunes de l’université. Nous rêvons d’une équipe de consultants locaux qui fasse un parcours chez nous avant d’irradier les collectivités. À titre d’exemple, beaucoup de nos anciens employés travaillent aujourd’hui à la métropole de Lyon. Nous aimerions faire de même sur le long terme à Mayotte.
FI : Quel regard portez-vous sur l’aménagement du territoire, notamment au niveau des obstacles qui empêchent certains projets d’aboutir ?
S. D. M. : Il y un déficit criant de foncier. C’est la raison pour laquelle l’établissement public foncier et de l’aménagement à Mayotte (Epfam) a un rôle primordial dans la création de zones et d’activités. Pour aménager un territoire, il faut développer l’économie locale. L’agriculture, le tourisme ou encore le transport sont des défis majeurs. Il ne faut pas sortir de Polytechnique pour le dire.
C’est ce que nous ne cessons de répéter à nos interlocuteurs, il y a un vrai problème de compétences et d’avancées. Or, l’un de nos métiers historiques est le management de projet. C’est cela dont a vraiment besoin l’île : installer les méthodes, les outils et les organisations nécessaires pour implémenter les projets. L’une des difficultés majeures est de réussir à passer à l’action. Mais pour cela, il est nécessaire de sanctuariser les coûts internes qui sont bien souvent « cachés » dans les finances publiques. En d’autres termes, cela aiderait énormément de consacrer 3 à 4% du budget global dans la direction de projet. À l’heure actuelle, ces moyens financiers ne sont pas mobilisés. Moralité : quand vous n’avez pas de pilote dans l’avion, celui-ci ne vole pas…
FI : Pensez-vous toutefois que les acteurs locaux ont pris conscience de cette donnée pour mener à terme leurs projets respectifs ?
S. D. M. : Indéniablement, le rectorat a progressé sur la façon d’organiser son pilotage. Après, est-ce le cas dans d’autres univers comme le logement, les équipements sportifs et les constructions dans le 1er degré ? Cela ne me semble pas encore être le cas… Selon moi, il y a des déficiences ! Des études de mission de l’État ont reconnu des manques dans l’ingénierie.
Après, un certain nombre de projets sont plutôt bien avancés, comme ceux sur Chirongui et Mamoudzou. Mais il y a une telle multitude de projets, qu’on voit surtout ceux qui ne décollent pas. Dans ces conditions, il faut se structurer et dresser des priorités. Et certaines collectivités et organismes publics le font plus ou moins bien, à cause peut-être de pression politique.