Dans les petits papiers depuis plusieurs semaines, le ministère de la Santé envisage bel et bien d’evasaner quatre patients en réanimation de La Réunion vers la métropole. Selon la directrice de l’agence régionale de santé de Mayotte, Dominique Voynet, cette grande première mondiale aurait lieu jeudi et concernerait des Mahorais.
Pressentie depuis plusieurs semaines, une évacuation sanitaire grandeur nature vers la métropole, au départ de La Réunion, doit bel et bien se réaliser dans les prochains jours. Probablement « jeudi » selon Dominique Voynet, la directrice de l’agence régionale de santé de Mayotte. Le but consiste à alléger la tension hospitalière de l’île Bourbon, où le service de réanimation présente un coefficient d’occupation de ses 122 lits de l’ordre de 90%.
Que retenir alors de cette gymnastique inédite qui n’est autre que le vœu du ministère de la Santé ? Tout d’abord que l’autorité sanitaire précise avoir envisagé plusieurs possibilités pour préparer une montée en puissance du dispositif. Des options « tour à tour éliminées », confie l’ancienne ministre. Pas d’A400M de l’armée de l’air, de deuxième avion privé ou encore de 777-300 d’Air France. Ce dernier gros porteur avait d’ailleurs suscité un vif intérêt, puisqu’il pouvait embarquer huit à dix civières. Cette éventualité avait même déjà trouvé son nom de code, à savoir « l’opération Hippocampe. » Mais la réalité a vite repris le dessus : « Impossible de transporter autant d’oxygène à bord. »
« Probable que ce soient des patients mahorais »
Le choix s’arrête finalement sur Air Austral et le transfert de seulement quatre patients Covid, coordonné par le Samu de Paris. Reste encore à déterminer les profils… Et à ce petit jeu-là, Martine Ladoucette, l’homologue réunionnaise de Dominique Voynet, elle aussi en conférence de presse ce mardi après-midi, botte en touche. « Je ne suis pas la mieux placée pour évoquer les critères de sélection, cela relève de l’appréciation médicale. […] Les médecins se donneront jusqu’au dernier moment pour évaluer le bénéfice-risque. » Alors qu’en parallèle, la responsable de l’autorité sanitaire dans le 101ème département se la joue un peu plus offensive. « Il est probable que [ce] soient des Mahorais hospitalisés depuis un moment, qui sont assez stables pour ne pas souffrir [durant le trajet]. »
Si la décision peut encore évoluer dans les prochaines heures, la levée de bouclier des Réunionnais rajoute de l’huile sur le feu. Car à leurs yeux, la solidarité régionale serait à l’origine de la presque saturation en réanimation de leurs hôpitaux. Difficile dans ces conditions conflictuelles d’infliger onze heures de vol à un Réunionnais pour se faire soigner, selon un confrère du département voisin, qui plaide la pression populaire. « On peut le comprendre mais on ne peut pas l’accepter », peste Dominique Voynet. « Il y a bien des patients de Paca ou de Dunkerque qui sont envoyés vers d’autres régions. Les Mahorais méritent le respect et une prise en charge optimale. »
Mains tendues vers La Réunion
D’autant plus que les taux d’incidence et de positivité baissent brutalement depuis le milieu de semaine dernière. Signe d’un probable pic épidémique, même si la vigilance est de mise : « La décrue n’est pas linéaire d’un jour sur l’autre. » De quoi toutefois se donner un bol d’air. Et d’envisager de rendre la pareille. « Si La Réunion se trouve en difficulté, on assumera nos responsabilités », précise la directrice de l’ARS. Avant d’ajouter : « Si l’épidémie régresse chez nous, on est prêts à accueillir des patients réunionnais. Nos médecins ont fait leur preuve. » D’ailleurs, Mayotte se tient même prête à organiser directement des évacuations sanitaires vers Paris, pour la modique somme de 250.000 euros…